Chapitre 13 – Prakṛti-Puruṣa-Viveka-Yoga (Le Champ et le Connaisseur du Champ)– versets 1 à 2 – Gaëtan
Certains commentateurs de la Gīta, dont Swami Chinmayananda, considèrent que les 18 chapitres qui la composent peuvent être regroupés en trois parties, composée chacune de six chapitres ; chacune de ces parties renverrait à un mot de l’aphorisme védique « TAT TVAM ASI » qu’on pourrait traduire par « Tu es Cela » qui se comprend comme : « toi le Soi tu es depuis toujours et resteras, le Tout ».
Les six premiers chapitres décriraient « tvam » (tu), les six suivants décrivant « tat » et les six derniers « asi » (es). Partant de cette hypothèse, considérons qu’Arjuna et Kṛṣṇa vont dès lors nous permettre de mieux comprendre le mot « ASI ».
Verset 1 :
- Arjuna, qui a trouvé son guru, s’adresse à lui en l’appelant une fois de plus « Keśava ». Nom associé à Kṛṣṇa pour le désigner comme « celui qui a de beaux cheveux » -symbole de beauté et de puissance divine- mais aussi « celui qui a terrassé le démon keśī », démon réputé invincible.
- Dans la Bhagavad Gīta il s’agit plus explicitement de cette deuxième acception. Arjuna témoigne donc explicitement de la confiance qu’il a envers Kṛṣṇa en lequel il se remet totalement pour le guider vers la Connaissance.
- Ici il est question de la « Nature » (Prakṛti ou Matière), de « l’Esprit » (Puruṣa), ainsi que du « Champ » (Kṣetra) et du « Connaisseur du champ » (Kṣetrajña), mais également de le « Connaissance » qu’il distingue de « ce qui doit être connu »
- Dans la philosophie du Saṃkhyā Le monde dans toutes ses composantes est issu de l’union de Bhraman et de Prakṛti, permise par un esprit désirant, le Puruṣa.
- Ce que nous percevons, la matière, sont les expressions de Prakṛti. Ce qui l’anime, le Puruṣa, s’exprime en elle par les manifestations de Prakṛti que nous appelons « Nature ». Les expériences qu’ils permettent sont vécues dans le « Champ », le monde matériel, par l’individu (Jīva) ou « Connaisseur du Champ ». Mais il s’agit d’une connaissance limitée qui ne circonscrit pas Bhraman.
- Il y a plus que le Champ et cette « Connaissance » peut mener « à ce qui doit être connu » au-delà de la Connaissance, ce que je comprends comme l’expérience de Samādhi ou révélation.
Verset 2 : ici Kṛṣṇa pose les bases du développement qui va suivre en réponse aux interrogations d’Arjuna. Sa réponse est presque laconique :
- Le « Champ » renvoie aux enveloppes de matières, les trois corps ou Śarīras (physique, énergétique, causal) ainsi qu’aux équipements qui permettent de percevoir : les Jñānendriyas (organe de perception ou de connaissance). Ce sont des références à la philosophie du Saṃkhyā, déjà citée par Kṛṣṇa auparavant.
- Le « Connaisseur du Champ » étant celui qui en fait l’expérience, l’esprit.
Dans le Verset 3,Kṛṣṇa s’identifie à tous les sujets « le Connaisseur du Champ dans tous les corps ».
- Il redit l’unité des Soi individuels et du Soi universel. Le fait de pouvoir reconnaître la conscience vibrante qui anime la matière sans la confondre avec elle est considéré par lui comme « la véritable Connaissance ».
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