Chapitres 7 – 12 – Connaissance & Sagesse 

« Tat Tvam Asi » : selon de nombreux commentateurs du texte de la Bhagavadgītā, les 18 chapitres peuvent être divisés en trois parties pour expliciter le concept de « Tat Tvam Asi ». Traduit par « tu es cela», c’est « la grande déclaration » de la Chandogya Upanishad, qui signifie que tout est issu de la même source, de la même conscience/énergie ; que l’atman, le Soi individuel n’est pas différent de brahman, le Soi universel. Toute la manifestation de la vie n’est qu’une déclinaison de ce Soi unique, il n’y a pas de séparation. C’est une affirmation essentielle, car elle établit un profond respect pour toutes les formes de vie et le sentiment de compassion envers tous les êtres vivants. « Tat Tvam Asi », c’est la paix qui s’établit grâce à la continuelle pratique du yoga.

La Première partie de la Bhagavad-Gītā met l’accent sur le travail à accomplir pour trouver la paix intérieure et la façon de l’accomplir dans la discipline. En outre ce premier chapitre à travers les doutes et les réflexions d’Arjuna montre notre propre cheminement dans la vie. Même si nous ne sommes pas sur un vrai champ de bataille, symboliquement, nous nous retrouvons tous les jours au coeur d’un conflit intérieur, à jongler entre nos émotions, nos pulsions, nos instincts, nos vieilles histoires, etc. D’autre part, nous devons à chaque instant ou presque, nous adapter à ce qui se passe extérieurement. Ce qui est décrit dans ce premier chapitre est le chaos mental dans lequel nous nous débattons tant bien que mal. Kṛṣṇa a toute suite reconnu cette immense difficulté tout en suggérant qu’elle provenait d’un manque de Connaissance (de sagesse, mais aussi de compréhension du monde lui-même). Il explique donc à Arjuna que notre relation au monde ne se résume pas aux sens, aux sentiments, aux émotions. Il est possible d’établir un autre rapport. Cela Arjuna l’ignorait tout comme nous. Voir le monde uniquement par le prisme émotionnel, sentimental, etc. apporte énormément d’anxiété, car tout est mouvant, instable, et parfois incompréhensible.  Pour apprendre une nouvelle manière d’être au monde, nous avons besoin du Yoga, mais aussi de la compréhension du Samkhya.

Dans le sixième chapitre, nous avons été invités à la maîtrise de soi (ego, etc.) en mettant en avant le Soi (la conscience). Cependant le petit soi persiste et voit le grand Soi comme un ennemi à combattre. Il faut alors, impérativement, prendre le temps de s’asseoir et de méditer, contacter notre guru intérieur et nous laisser guider. C’est une force que nous avons et que nous pouvons développer. Ce que dit la Bhagavad-Gītā, c’est que tout est à l’intérieur et que cela ne dépend que de soi pour percevoir l’universel dans la vie et faire croître nos capacités « supérieures ».

Il y a une magnifique légende indienne qui raconte : qu’un petit groupe de souris se promènent dans la forêt et rencontrent un éléphant. La première s’exclame, « oh, je vois un mur gris devant moi, que puis-je faire? » ; la seconde se glisse sur la défense et s’extasie : « j’ai trouvé une lance » ; la troisième aperçoit la trompe, prend peur en croyant apercevoir un serpent ; la troisième assimile une oreille à un éventail et la sixième attrape la queue pensant que c’est une corde. Après ces découvertes, elles débattent de ce qu’elles ont vu sans parvenir à se mettre d’accord. Un sage qui passe par là les voit se disputer et demande : qu’est ce qui vous agite tant? » Les souris répondent, « nous ne pouvons pas nous mettre d’accord pour dire à quoi ressemble un éléphant ». Et chacune d’expliquer sa version. Le sage répond, vous avez toutes raison, cependant chacune de vous ne détient qu’une part de la vérité. Surprises, les souris commencent à rassembler leur expérience pour avoir une vue un peu plus vaste, une vue de l’ensemble. Chacun de nous construit sa réalité, pensant que c’est LA REALITE, alors que ce ne sont que des points de vue. L’ensemble n’est accessible que sur un autre plan que celui du mental et de l’émotionnel. 

Avoir une vue plus vaste permet de dépasser les différents même s’ils existent temporairement. Cependant, ce sont nos erreurs et même quelquefois la répétition de ces erreurs qui nous permettent de comprendre au final où se trouve le bon chemin. La marche du Cosmos est universelle, notre participation à cette activité cosmique nous demande d’avoir le courage de reconnaître et corriger ce qui est en déséquilibre pour contribuer à une plus grande harmonie globale. 

Ces six premiers chapitres nous indiquent donc ce que nous devons faire et comment. Le sixième chapitre enseignant la méthode de la concentration (dhāraṇā) et de la méditation (dhyāna).

Cependant reste la question essentielle : l’individu reste un individu et même avec une pratique assidue, comment le fini entrera-t-il en contact avec l’Infini ?

 

 

Chapitre 7 – Connaissance et Sagesse – Versets 1 et 2 – Chérifa

Verset 1 : « Ô pârtha, écoute comment, en pratiquant le yoga et en prenant refuge en Moi, la pensée absorbée en Moi, assurément, tu Me connaîtras totalement »

  • Après avoir enseigné le yoga de la méditation (chapitre 6), Kṛṣṇa s’apprête maintenant à dévoiler la connaissance suprême (jñāna) et sa réalisation directe (vijñāna).
  • «Pratiquant le yoga et en prenant refuge en Moi » : le yoga ici, n’est pas simplement une technique, mais une connexion vivante au Divin, soutenue par un abandon confiant à Kṛṣṇa.
  • « La pensée absorbée en Moi »: Kṛṣṇa parle ici d’un mental tourné vers le Divin avec amour et constance. Un lien spirituel, non pas basé sur le désir ou la peur, mais sur l’élan profond de l’âme vers sa source.
  • « Assurément, tu Me connaîtras totalement » : Kṛṣṇa promet ici la connaissance intégrale de Sa nature : la connaissance intellectuelle, et aussi la connaissance expérimentée. Et surtout, cette connaissance sera totale (clair, profonde, et irréversible). 

Kṛṣṇa enseigne que la connaissance suprême du Divin ne vient pas seulement d’études ou d’ascèse, mais d’un lien intérieur vivant, nourri par la foi, la pratique du yoga et l’abandon à la création(brahman). C’est notre disposition du cœur (l’esprit tourné entièrement vers Kṛṣṇa) qui est important.

 

Verset 2 : « Je vais te révéler entièrement cette connaissance et sa réalisation qui, une fois acquises, ne laissent rien d’autre à connaître »

  • Ce verset est une déclaration de Kṛṣṇa. Il affirme qu’il va révéler (transmettre à Arjuna) la totalité de la connaissance et de sa réalisation (l’expérience de la connaissance). Connaître intellectuellement ne suffit pas. Il faut vivre, réaliser, expérimenter. Il ne s’agit pas d’un fragment ou d’une vérité partielle. Kṛṣṇa promet une révélation complète : sans condition. Il va exposer la réalité ultime, dans son ensemble.
  • « Qui une fois acquise ne laisse rien d’autre à connaître » : Kṛṣṇa affirme que cette connaissance est l’ultime, celle qui enveloppe toutes les autres.
  • Elle est la clef de tout : une fois connue, plus rien dans le monde n’a besoin d’être su pour atteindre la libération.
  • C’est la connaissance du Divin en tant qu’essence, énergie, forme, et refuge. Celui qui la comprend réellement (intellectuellement et dans l’expérience) n’a plus besoin de chercher ailleurs : il a atteint la Vérité.

 

Chapitre 7 – Connaissance et Sagesse – Versets 3 à 10 – Catherine

 

Verset 3 : « Parmi des milliers d’hommes, quelques-uns à peine s’efforcent d’atteindre la perfection. Et parmi ceux qui réussissent, un seulement vient à Me connaitre réellement. »

  • Le chemin est rigoureux et demande un désir profond d’évolution. La vraie nature du Soi ne se dévoile qu’à très peu de chercheurs spirituels, car le moindre doute, la moindre attente suffit à bloquer l’accès au Soi. Seul l’esprit « nu » pénètre dans la Joie Supreme.

Verset 4 : « La Terre, l’Eau, le Feu, l’Air, l’Ether (l’espace), le mental, l’intellect, l’ego, sont les 8 divisions de Ma Nature. » Ici, il est fait référence au Samkhya (Sāṅkhya) qui est le repère analytique du yoga qui explique les différentes composantes de l’univers.

  • La Conscience Pure : le Soi (Brahman)
  • Les 5 éléments: mahābhūta, du plus subtil au moins subtil : l’éther (espace), l’air, le feu, l’eau et la terre dans la densification de la matière comme dans l’élaboration des planètes.
  • Le Mental : Manas
  • L’Intellect : Buddhi
  • L’Ego : Je (ahamkara)
  • Le Monde est la résultante de l’Union entre la Matière et l’Esprit.
  • Le facteur spirituel (Puruṣa) gouverne une structure de matière inerte, la dynamise et la rend agissante, comme si elle était dotée d’intelligence et de vitalité.
  • L’Esprit (Puruṣa), le Soi éternel s’exprime dans l’étreinte de la Matière (Prakṛti) : Nature Inférieure. S’identifier à la matière procure de la Souffrance, c’est l’Ego qui agit.
  • Les 5 éléments cosmiques sont représentés dans le microcosme, par les 5 organes des sens. Jnanendriya (oreilles, peau, yeux, lange et nez) qui sont le moyen de connaissance dans la matérialité.
  • Les organes des sens permettent l’expérience du monde des objets.
  • Les éléments de Prakṛti – les corps subtils (mental, intellect) et les véhicules d’expression (organes des sens) reçoivent les stimuli, le Mental classe rationalise, l’Intellect systématise les connaissances. Le « Je », l’Ego est présent tout le long, il s’agit de l’Être doué d’intelligence.
  • Ici, il est fait référence à Prakriti la Nature Inferieure.

Verset 5 : « Ceci est Ma Nature (Prakṛti) inférieure, Ô guerrier aux bras puissants, dont diffère, sache-le, Ma Nature supérieure, le principe de Vie (Jivabhutam) qui soutient cet univers.»

Ici Kṛṣṇa complète la description du Soi, en nommant la Nature Supérieure, constituée de la Conscience Pure. « Jagat » : l’Univers, le monde des objets perçu par les sens, permet de faire l’expérience, l’interprétation par notre esprit (mental et intellect) du monde phénoménal (qui nous apparaît tel qu’il est, sans jugement ni analyse). Le Concept d’espace par notre mental qui se fonde sur le jugement de l’intellect par la Conscience en nous (entité spirituelle).

Verset 6 : « Sache que ces 2 Prakṛti sont la matrice de toutes les créatures. Ainsi, Je suis la source et la dissolution de l’univers entier ».

Ces 2 Prakrti sont la matrice de toutes les créatures ? Prakṛti, sous ses deux aspects, parā (la Grande – est l’énergie de la conscience à la base des diverses relations sensorielles)  et apara (la Seconde – est la nature externe apparente qui manifeste la multiplicité), est la matrice de tous les êtres.En fait derrière (ou dans) apara  Prakṛti se trouve l’énergie de la conscience elle-même, parā Prakṛti

Les 5 Koshas (les Kośa sont le contenant de la Conscience sous 5  formes dans le corps) :

  • Annamaya Kosha : corps physique, lié à nos besoins de bases (manger, dormir…)
  • Pranayama Kosha : corps énergétique, régule la respiration, la circulation et toutes les fonctions vitales.
  • -Manomaya Kosha : mental, pensées, émotions, désirs, perceptions. Interaction avec le monde extérieur.
  • Vijnamaya Kosha : intellect. Source de l’intuition, de la connaissance intuitive, discrimination, capacité de discernement.
  • Anandamaya Kosha : félicité, paix, bonheur. Couche la plus subtile. Sentiment d’unité avec l’univers.

Tout découle de Prakṛti et la vie est en tout

Verset 7 : « Il n’y a rien absolument rien de supérieur à Moi, Ô Dhananjaya (« celui qui atteint une grande richesse par la conquête »). Tout ceci est lié en Moi, comme un collier de perles sur un fil ».

  • En nous passe le fil de la conscience qui nous soutient, nous enlace, créé en nous le lien qui nous fait Un.
  • Et à la fois nous sommes les perles du collier, avec toutes nos parts : organes des sens, mental, intellect, expériences et notre conscience d’être.
  • Nous sommes le fil, notre conscience supérieure, nous sommes les perles, chaque part de nous-mêmes.
  • Nous sommes, les êtres humains, les perles d’un même collier.

Verset 8 : « Je suis la saveur dans l’eau, ô fils de Kunti. Je suis la lumière dans le soleil et la lune. Je suis la syllabe OM dans tous les Vedas, le on dans l’espace et la masculinité dans l’homme. » Dans le verset précédent, il est dit que la conscience est partout et en tout, maintenant Kṛṣṇa illustre cela avec certains exemples. La forme du goût avec l’eau, la lumière avec le soleil et la lune, et le Praṇava qui fait référence à la syllabe « Om ».  Ainsi, la syllabe « Om » désigne un excellent bateau pour traverser l’océan de l’existence terrestre.

  • Pra = de la Prakṛti, c’est-à-dire le monde qui en est issu.
  • Navam = Nāvāṃ Varam = un excellent bateau.
  • Praṇava peut également signifier : « Ce qui mène au salut » ou bien encore « Ce qui mène à une nouvelle connaissance. »  La répétition du mantra « Om » donne l’accès à la plus grande connaissance (le Soi).
  • La forme vibratoire de la conscience à travers Prakṛti, est en tout et donne vit à tout : la saveur dans l’eau, la lumière dans le soleil et la lune…

Verset 9 : « Je suis le doux parfum de la terre et l’éclat dans le feu, la vie en tous les êtres, et je suis l’austérité dans l’ascète » 

  • Il est question du Dharma : la loi cosmique, la loi de l’existence. Chaque chose, chaque être a son essence existentielle qui est donnée par le Soi.

Verset 10 : « Sache que Je suis le germe éternel de tous les êtres. Je suis l’intelligence de l’intelligent, la splendeur de ce qui est splendide » 

  • Il y a la matière et quelque chose de plus subtil dans chaque être (et cette partie la plus subtile est à l’origine de toute vie). L’Intellect pur est le lien entre le Soi Supérieur et le Soi Inferieur, il donne vit à l’Être. La part la plus subtile à la base de ce qui prend sens.

 

 

Chapitre 7 – Connaissance et Sagesse – Versets 11 à 18 – Gaëtan

 

Dans le verset 11, Kṛṣṇa rappelle à Arjuna qu’il a une responsabilité, après tout il est le « meilleur des Bharata » (le meilleur des êtres humains ; mais Bharata signifie aussi acteur : ce qui rappelle que la vie est un jeu) : celle de vivre dans le respect du Dharma. Kṛṣṇa n’emploie pas la tournure « chez le fort » par hasard. Il vient stimuler le kṣatriya (guerrier) chez Arjuna et donc en nous. (La force qui va permettre de nous libérer des attachements, et non pas la force de la violence) 

  • Comment vivre dans le respect du Dharma ? En étant « libre du désir et de l’attachement ». 
  • C’est une redite de plus qui intervient à un moment où il faut stimuler l’élève en nous pour nous amener à prêter attention à ce qui va suivre. (« Le développement d’un être humain passe par trois stades. Au premier, les désirs se portent instinctivement vers les plaisirs des sens et la satisfaction de la luxure et de l’avidité. Au deuxième, le désir s’ennoblit jusqu’au niveau supérieur des actes désintéressés de service, de générosité et de bienveillance. Il est alors purifié de son ancienne malveillance. Au troisième et dernier stade, les désirs disparaissent de l’esprit lorsque le véritable Soi est réalisé. » – Vivekavani)

Le verset 12 exprime la supériorité de la Conscience universelle sur la matière et ses formes. Elle existe sans elle ealors que la réciprocité n’est pas vraie.

Dans le verset 13, il est dit que les trois gunas ou qualités ou modalités ou climats (sattva la non-action la lumière ; rajas l’action – le mouvement ; tamas l’inertie – la matière), propres au monde matériel, des formes nous illusionnent (nous sommes prisonniers de l’ego) quant à l’impermanence de la Réalité qui, pour rappel, est « immuable », contrairement aux phénomènes : précision sur ce commentaire : les gunas, ou états, constituent l’Illusion qui nous fait prendre l’ombre pour l’objet. La Réalité, celle que le chercheur spirituel aspire à découvrir, contempler, est dite immuable et éternelle puisque « non-née ». Elle est également impérissable. Ce que nous observons, ce qui naît, évolue puis meurt ainsi que ce qui est créé puis détruit, n’est que le manifesté, pas la Réalité.

Cependant le verset 14 nous dit que l’espoir existe, car le voile de l’Illusion peut être traversé en prenant « refuge en [Lui] » c’est à dire, en se reconnectant à sa nature profonde, le Soi. (Ici, il est question de « Māyā » qui est traduit par « Illusion » : c’est un concept majeur dans le yoga. Qu’est-ce que cette Māyā et comment la dépasser? C’est la puissance de la matérialité, de l’ego, du mental qui plonge les êtres humains dans l’affliction. En même temps, Māyā est divine, impénétrable. Māyā semble exister et pourtant, elle n’existe pas.)

Verset 15 : pour moi il est dit ici que l’absence de discrimination de ceux qui sont les moins conscients de l’Illusion que représente le monde de la matière et ses qualités (gunas), les condamne à devenir et rester « vils », « ignorants » et « malfaisants ». C’est en empruntant une voie de quête spirituelle, comme le yoga (parmi d’autres), que l’on peut éviter d’en arriver là et /ou s’améliorer, voire atteindre le but ultime : se connecter au Soi. (Oui, ce qui est dit ici, c’est que dans l’être humain résident des démons prêts à mal se conduire. Si on les laisse prendre le pouvoir, la vie sera une destruction au lieu d’être une célébration. Transcender les démons de la Māyā est absolument nécessaire pour trouver ou retrouver notre pleine humanité)

Versets 16 à 18 : 

  • Un fil rouge relie celui qui souffre, celui qui recherche l’érudition, le conquérant et le sage : le principe de vie qui dynamise, permettant l’action et l’évolution. Sans lui, sans cette étincelle divine ou Conscience, rien ne peut se faire.
  • Le sage est cependant l’exemple à suivre. Il est le plus proche du Soi et du Tout ; celui qui est le plus à même de se réaliser prochainement.
  • Tous ceux qui aspirent à l’évolution sont dits méritants, car ils peuvent s’engager sur la voie vers la réalisation, mais tous n’ont pas les mêmes vasanas (empreintes sensorielles, karmiques), ce qui peut expliquer qu’ils n’en soient pas au même point. Le sage étant celui qui peut véritablement méditer pour finalement contempler le Soi.

 

Chapitre 7- Connaissance et Sagesse – Versets 19 à 26 – Nadège

 

Verset 19 : « Après de nombreuses naissances, l’homme épris de sagesse vient à Moi, réalisant que tout ceci est Vāsudeva (le Soi intérieur ou Kṛṣṇa). Une âme si noble (mahātma) est très rare. »

  • Ici, il est question de l’évolution de la vie et de notre nature phénoménale : la vie traverse de nombreux états, unicellulaire, vers, poisson, oiseau … être humain et en tant qu’être humain, de nombreuses vies dans « l’ignorance » du Soi. La sadhana est essentielle pour parfaire la connaissance ou la reliance à cette conscience originelle. Il n’y a pas de temps imparti pour cela, les vies successives à pratiquer (le yoga) permettront cette Réalisation. Ensuite ce mahātma, cet être réalisé pourra revenir dans la matérialité s’il le souhaite pour aider les autres. Pour ma part, je dirai que cet idéal à atteindre permet surtout de comprendre notre fonctionnement et apporter la paix intérieure nécessaire à la paix sur terre et c’est déjà beaucoup.

Verset 20 : « Ceux dont la discrimination a été détruite par tel ou tel désir adorent d’autres divinités, suivant tel ou tel rite, conduits par leur propre nature. »

  • C’est intéressant de voir que les rituels et l’adoration des « dieux » peuvent être un leurre. En effet, au lieu de se concentrer sur le Soi, on va se projeter vers l’extérieur, dans des chimères qui vont égarer et séparer les êtres.

Verset 21 : « Quelle que soit la forme adorée par le fidèle avec foi, c’est Moi qui rend la foi inflexible ».

  • Cependant Kṛṣṇa dit aussi que si une personne vient à la Conscience à travers la foi d’une certaine divinité, ce n’est pas un problème. C’est le résultat qui compte, se retrouver dans le Soi. Les enseignements de la Bhagavad-Gita apportent cette dimension de tolérance quant aux différents chemins qui peuvent être empruntés par chacun pour arriver à un même but ; il n’existe pas un seul chemin !

 Verset 22 

  • Tout provient de la même source et retourne à la même source. Les autres divinités sont aussi des forces intérieures à cultiver qui ne sont que différents agents qui peuvent mener à la Réalisation.

Verset 23

  • Cependant ceux qui se fourvoient dans des  adorations extérieures et qui ne comprennent pas ce qui est demandé : à savoir un travail sur soi qui permet de soulever les voiles de la Māyā pour atteindre la bonté, la gentillesse, la tolérance, etc. ne pourront pas atteindre cette réalisation. (Il s’agit avant tout de préserver le dharma, la vie dans le respect de tous les êtres vivants).

Verset 24

  • Le pouvoir de discernement est essentiel dans la démarche de la réalisation, car il faut distinguer ce qui est juste de ce qui ne l’est pas ;  identifier si on n’est pas en train de se perdre ou pas dans les méandres de la vie phénoménale.

Verset 25

  • Il y a un triple voile qui cache la conscience, c’est sattva, le voile blanc, rajas, le voile rouge et tamas, le voile noir. En même temps toute l’expression de la conscience se trouve dans les multiples expressions de la vie. Le discernement consiste à comprendre ce jeu et ne pas s’y laisser prendre. En reconnaissant la conscience dans toutes les formes, la vie n’est que plus belle. 
  • « Sattva apporte clarté et perceptions divines. Cependant, il faut se méfier de l’orgueil égoïste lié à la vertu ou à la sagesse, car il entrave subtilement la véritable libération. » Paramahansa Yogananda
  • « Rajas est l’énergie irrésistible de la création. Il lie l’âme à ses ambitions et à ses désirs, la maintenant attachée au plan matériel.» Paramahansa Yogananda
  • « Tamas est le sommeil de l’âme. Il engendre l’ignorance et l’apathie. Seules l’autodiscipline, la pratique spirituelle et la conscience permettent de surmonter les ténèbres de Tamas. » Swami Sivananda 

Verset 26 

  • Lorsque nous naissons, nous sommes projetés dans le temps et l’espace. La vie est un mouvement incessant. L’agitation peut émerger à tout moment ; un mental agité et l’attachement à l’ego vont générer d’innombrables problèmes. En reconnaissant la conscience à l’œuvre dans le monde, il est possible de prendre de la distance pour revoir nos comportements. Finalement, le Soi n’est perceptible que par le Soi, c‘est la raison pour laquelle, on parle d’absorption lors de la réalisation d’un être ; en attendant, en soulevant progressivement les voiles, une compréhension prend forme pour permettre cette ultime unité.

 

Chapitre 7 – Connaissance et Sagesse – Versets 27 à 30 – Chérifa

Verset 27 : « À cause des dualités trompeuses nées du désir et de l’aversion, ô Bhârata, tous les êtres sont sujets à l’illusion au moment ou ils naissent, ô destructeur des ennemis »

  • Ce verset décrit une vérité psychologique et spirituelle profonde : la racine de notre ignorance spirituelle est dans les dualités de l’ego humain : attirance et répulsion. Ce sont les deux forces fondamentales du mental conditionné.
  • Cette polarité génère l’illusion, elle nous fait croire que le bonheur se trouve dans la satisfaction des désirs et l’évitement des douleurs. Mais cela nous enferme dans un cycle sans fin.
  • Dès la naissance, tous les êtres incarnés sont conduits par cette illusion. Même l’âme la plus pure, en prenant un corps, est soumise à l’influence de ces dualités.

Ce verset pose un diagnostic clair : nous vivons dans un monde de confusion psychologique, fondée sur le désir et la peur. Si nous sommes dans les considérations émotionnelles animées par le « j’aime / je n’aime pas », nous sommes soumis à l’illusion. » Le vrai yogi cherche à aller au-delà du plaisir et de la douleur, vers la paix de l’âme, où l’Esprit voit tout avec égalité.

 

Verset 28 : « Mais les hommes aux actions méritoires, qui se sont libérés de tout mal (péché), délivrés de l’illusion des dualités contraires et qui sont fermes dans leurs disciplines, M’adorent »

  • Ce verset décrit le profil spirituel de celui qui parvient à sortir de la confusion décrite au verset 27. Il s’agit des êtres purifiés, par leurs actions.
  • Ces personnes ne sont plus esclaves du désir et de l’aversion (de l’illusion)
  • Elles ne sont plus ballottées entre les opposés : elles vivent dans une paix stable. Des êtres résolus, centrés dans l’amour du Divin, sans distraction.

 

Verset 29 : « Ceux qui prenant refuge en Moi (dans le Soi) s’efforce de se libérer de la vieillesse et de la mort, obtiennent la pleine connaissance de ce Brahman(l’absolu), du Soi dans l’individu (adhyātma) et du champ de l’action (karma). »

  • Ce verset décrit les chercheurs spirituels sincères qui se consacrent à vivre la libération, pour atteindre la réalisation suprême.
  • Pour se libérer de la vieillesse et de la mort, il s’agit ici de l’aspiration la plus profonde de l’âme, ne plus être soumis au cycle des renaissances.
  • Ce n’est pas une fuite, mais une quête de l’éternité, de la paix.
  • Kṛṣṇa souligne que le véritable refuge pour atteindre la libération, c’est lui-même. Une relation vivante au Divin, dans l’abandon, la dévotion et l’union intérieure. Ces êtres atteignent la connaissance de « Brahman », la Réalité suprême, l’Absolu éternel qui transcende le monde matériel.
  • Ils comprennent aussi : adhyātma c’est-à-dire la nature du soi intérieur, l’âme individuelle, distincte du corps et de l’ego et le karma c’est-à-dire l’ensemble des actions et lois qui gouvernent le monde, et comment y agir sans attachement. Ainsi, leur connaissance est complète, ils savent ce qu’ils sont, ce qu’est le Divin, et comment agir dans ce monde sans s’y perdre. 

Ce verset nous enseigne que la libération spirituelle est possible par une quête sincère, un effort soutenu, et un abandon au Divin. Celui qui cherche à échapper à la mort, à l’illusion et à l’oubli de soi en prenant refuge dans le Seigneur
réalise la totalité : le Soi, l’Absolu, et la voie de l’action pure.

 

Verset 30 : « Ceux qui me perçoivent dans « adhibhūta » (le monde des objets) « adhidaiva » (les facultés gouvernant les organes des sens) et « adhiyajña » (les perceptions) même au moment de la mort, l’esprit ferme, Me connaissent »

  • Ici, une énumération des manifestations du divin dans trois principes de la vision du yoga.
  • Adhibhūta : la présence divine dans le monde manifesté, dans les éléments, les formes, la nature, les corps.
  • Adhidaiva : les principes régulateurs de l’univers au-delà des formes, le yogi reconnaît le même Esprit divin derrière toutes les puissances de la nature.
  • Adhiyajña: Kṛṣṇa est aussi l’acteur invisible du sacrifice, celui qui reçoit, anime et transcende toutes les offrandes. Et l’être qui a cultivé cette vision, de son vivant, voit encore Kṛṣṇa dans toutes choses à l’instant de la mort. Il quitte le monde en union avec « Lui » avec un esprit unifié, concentré.
  • Cette vision unifiée du Divin en tout ce qui est, tout ce qui agit, tout ce qui est offert voilà la plénitude du yoga et de la connaissance divine.

Kṛṣṇa conclut ce chapitre en décrivant le yogi accompli : celui qui connaît Dieu dans la matière, les forces cosmiques, et les actes sacrés, et qui, même à l’instant de la mort, reste uni à Lui par une conscience ferme et éveillée. C’est ce yogi-là qui atteint la libération suprême.

 

Chapitre 8 – L’impérissable BRAHMAN – Versets 1 à 4 – Chérifa

Versets 1 et 2 :

Ces deux versets sont une succession de questions, qu’Arjuna pose à Kṛṣṇa. Il cherche à comprendre la structure complète de la réalité spirituelle, cosmique et intérieure :

  • « Qu’est-ce que « Brahman » »
  • « Qu’est-ce que « Adhyātma » »
  • « Qu’est-ce que « l’action » (karma) »
  • « Qu’est-ce que « Adhibhūta » »
  • « Qu’appelle-t-on « adhidaiva » »
  • « Qui est « adhiyajna » et comment fonctionne-t-il dans notre corps » « et comment au moment de la mort, Te révèles-tu à celui qui se maîtrise »

Arjuna cherche à clarifier les termes spirituels utilisés par Kṛṣṇa dans le chapitre précédent, surtout dans les versets 29–30. Il cherche à comprendre l’univers dans sa totalité. Ici, Arjuna ne cherche plus à fuir la guerre, ces questionnements sont dirigés vers une quête intérieure.

  • Qu’est-ce que « Brahman » : Le principe suprême, l’Absolu non manifesté, éternel, immuable, sans forme. Arjuna veut comprendre la réalité suprême, au-delà du monde. Kṛṣṇa répondra dans le verset suivant que c’est la réalité impérissable.
  • « Qu’est-ce que « Adhyātma »  Le Soi intérieur (l’âme incarnée), la conscience individuelle, le témoin dans le corps.
    Celui qui fait l’expérience du monde, mais qui n’est pas le corps.
  • « Qu’est-ce que « l’action » (karma) » : L’action créatrice qui donne naissance à l’univers et maintient le monde en mouvement. C’est aussi la loi de cause à effet qui lie les êtres au cycle des renaissances.
  • « Qu’est-ce que l’on appelle « Adhibhūta » : Le monde matériel, périssable, constitué des éléments et des formes. Le domaine des choses visibles.
  • « Qu’appelle-t-on « adhidaiva » » : Les forces cosmiques, les devas, ou principes régulateurs de la nature.
  • « Qui est « adhiyajna » et comment fonctionne-t-il dans notre corps » : « Le Seigneur intérieur » (la conscience pure) qui réside dans chaque être et reçoit toute action en sacrifice. C’est « Dieu » « le divin », « Un absolu silencieux qui ne naît pas, ne meurt pas », présent dans le cœur de chaque être, témoin de tous les actes.
  • « et comment au moment de la mort, Te révèles-tu à celui qui se maîtrise » : Car Kṛṣṇa a dit plus tôt (chap7. Verset 30) que ceux qui « Le » perçoivent à ce moment-là (de la mort) atteignent la libération.

Arjuna veut comprendre comment un yogi, pleinement conscient, peut atteindre le Divin à ce moment décisif. Car c’est à l’instant de la mort que se joue la grande transition de l’âme. Celui qui quitte ce monde avec la conscience du Divin est libéré du cycle des renaissances (la roue de samsara).

Ces deux versets, nous emmènent dans une quête spirituelle Arjuna, s’interroge sur comment la Conscience, l’Intelligence sous-jacente à tout ce que je suis, existe dans ce corps ? Et comment puis-je la percevoir pleinement, même au moment où la vie s’achève ?

Verset 3 et 4 : Le seigneur suprême dit :

3- L’Impérissable est « Brahman », le suprême ; sa présence en chaque individu est appelée « adhyātma » : la force créatrice qui conduit les êtres à prendre forme est appelée action.

4- « Adhibhūta » constitue Ma nature périssable, et le Puruṣa, le résident du corps est « adhidaivata ». Je suis « adhiyajña » ici, dans ce corps, ô meilleur des hommes.

  • « Brahman » est la réalité ultime, au-delà du changement, c’est la conscience intemporelle, au-delà du corps, des pensées, de la matière. Il ne s’agit pas d’un dieu personnel, mais d’un principe universel, silencieux, immobile. L’Être fondamental, ou la conscience pure qui traverse tout.
  • « Adhyātma » est la présence consciente en nous, c’est le Soi intérieur, notre nature profonde, ta capacité d’être conscient. Cette réalité est non matérielle, mais présente dans l’expérience directe, le témoin silencieux en nous.
  • « Karma » est l’acte cosmique de manifestation. Ici, « karma » veut dire l’élan fondamental de la création, c’est l’impulsion qui fait apparaître les formes, les êtres, les expériences. C’est l’énergie qui met en mouvement le monde des formes, sans jugement moral.
  • « Adhibhūta» est le monde changeant, les formes visibles, le corps, les objets, les pensées, les émotions : tout ce qui naît et meurt. C’est la réalité des phénomènes, le champ de la matière et de l’énergie. Nous pouvons reconnaître que le monde extérieur est en constant changement.
  • « Puruṣa » ici ne désigne pas une personne divine, mais une présence consciente sous-jacente à la nature. « Adhidaiva » est le principe régulateur subtil, la conscience cosmique. C’est la loi intérieure qui guide les processus naturels, l’intelligence de la vie, conscience universelle.
  • « adhiyajña », le centre intérieur, la présence qui reçoit chaque action. Kṛṣṇa dit : « C’est Moi dans ce corps. » : c’est la présence silencieuse en chaque être, celle qui observe, porte, accompagne chaque action, même la mort. La Présence en nous, au cœur de l’expérience, celle qui est là, même quand le corps disparaît.

 

 

Chapitre 8 – L’impérissable BRAHMAN – Versets 5 à 13 – Catherine

 

 Verset 5 : « Quiconque quitte son corps en se souvenant de Moi au moment de la mort, M’atteint. Il n’y a aucun doute. »

  • Il est dit ici, qu’au moment de mourir (à soi), si l’esprit est tourné vers le Soi, alors il s’unit à la Conscience Universelle. Ceci est permis par la pratique méditative et la dévotion, tout au cours de sa vie, afin de maintenir la flamme de l’aspiration Divine.

Verset 6 : « O Arjuna, quel que soit l’être auquel un homme pense au moment de la mort, il n’atteint que cet être-là, sa pensée s’y étant constamment absorbée. »

  • Ici ce verset confirme le précédent. Nous sommes guidées par nos pensées, il est donc important de se délester de nos pensées égotiques et de tracer le chemin vers le divin, car à l’heure de la mort de notre ego, nous pourrons plus facilement reprendre cette trace pour poursuivre paisiblement notre voyage, délesté de celui-ci.

Verset 7 : « Par conséquent, à tout instant, souviens-toi de Moi et combats, le mental et l’intellect absorbés en Moi. Sans aucun doute, c’est vers Moi que tu viendras.» 

  • Dans ce verset, il nous est conseillé de combattre notre mental apeuré, jaloux et anxieux qui nous fait perdre de l’énergie et nous fait oublier notre part Divine. Être Conscient, dans l’Action pure, remplit d’amour et de douceur, à tout instant, alors nous sommes pleinement dans le Soi.

Verset 8 : « Celui dont le mental n’erre plus vers d’autres objets, stabilisé par la pratique répétée de la méditation et absorbé dans la contemplation constante du Purusa Supreme et Resplendissant, l’atteint, ô Partha. »

  • Il y a la mort physique et la mort de l’ego. L’ego qui représente l’aspect extérieur du mental, sous son influence, nous sommes aveuglés et dans l’attachement, perdus.
  • Par la méditation et la contemplation répétées, de notre Conscience Divine, nous pouvons nous libérer de notre ego. Nous commençons par développer notre pouvoir d’attention sur un objet extérieur ou intérieur ou un sujet spécifique. Puis l’état de médiation, le dévoilement du Soi, apparaît, l’extérieur se met à distance, l’ego s’est déposé et apparaît le Soi, il inonde l’Être.

Verset 9 : « Quiconque médite sur l’Omniscient, l’Ancien, le Seigneur de l’univers, plus infime que l’atome, Support universel, de forme inconcevable, resplendissant comme le soleil par-delà les ténèbres… »

  • Le Principe de Conscience – l’âme, dans l’être incarné est présent partout, dans toutes les formes, qui éclaire toutes les pensées et toutes les expériences.
  • Il en est de même pour le Principe divin de Conscience, il est « omniscient » (Kavi), qui a une connaissance approfondie de toutes choses.
  • Il est ancien (Purāna), à l’origine de toute chose et demeure au-delà de toute manifestation.
  • Il est le seigneur de l’Univers (anuśāsita), il est l’essence de vie. « L’or est l’essence des bijoux ». Le Divin est l’essence de l’être.
  • Le Soi est + subtil que le subtil, il est donc vaste et omniprésent en tout.
  • Il est aussi « support de l’Univers (sarvāśya dhātāra), Conscience Unique.
  • Sa forme est inconcevable (acintyarūpa). Notre manière habituelle de connaissance et de perception ne nous permet pas de l’appréhender. C’est dans l’éveil spirituel, dans sa perception comme étant sa propre nature.
  • Le Soi est « resplendissant comme le soleil » (ādityavana). Il est primordial que nous cessions de nous identifier à nos véhicules de matière et revenions à notre Unité Intérieure pour percevoir l’Existence Pure, notre Soleil intérieur qui illumine tout. 
  • Le Soi est présent en nous même quand il n’est pas réalisé, voilé par Māyā. Méditer sur tous ces aspects du Soi, nous permet de le réaliser.

Verset 10 : « Au moment de la mort, l’esprit fermement établi dans la dévotion, fixant par le pouvoir du yoga tout le prāna (respiration) entre les 2 sourcils, il atteint le Purusa Resplendissant. »

  • Lors de la méditation quand il n’y a plus identification au corps, au mental, à l’intellect, quand le silence intérieur est là, alors l’ego meurt.
  • L’ego disparait et se fond dans le silence de la Conscience Universelle.
  • Il nous est donné un conseil, celui de fixer le point entre les sourcils qui désigne « le cerveau frontal, siège de la pensée stabilisée ». Le Prāna : l’énergie vitale fixée sur ce point.

Verset 11 : « Je vais t’enseigner brièvement le But (Ultime), ce que les connaisseurs des Veda appellent l’Impérissable, qui est pénétré par ceux qui sont maîtres d’eux et libres des désirs, ce but auquel aspirent ceux qui pratiquent brahācārya. »

  • Il nous est préconisé de nous laisser traverser par la syllabe OM avant toute méditation qui permet de purifier l’esprit. Il nous est rappelé qu’il est important d’être maître de soi et de se libérer de nos attachements au monde, ce qui sera gage de Paix et de silence mental.

Verset 12 : « Celui qui part et quitte le corps, ayant clos les portes (des sens), le mental ancré dans le cœur, le prāna fixé dans la « tête », engagé dans la pratique de la concentration. « 

Verset 13 : « Prononçant la syllabe OM, symbole de Brahman, la pensée tournée vers le Moi, il atteint le But Suprême. »

Il nous est préconisé ici :

  • De pratiquer Pratyāhāra, car les sens nous sollicitent à l’extérieur et notre mental est happé par ces sollicitations. Malgré cela, même si nous réussissons à fermer les portes des sens et que le flot des perturbations est stoppé, il y a les traces laissées par les expériences passées qui peuvent continuer à solliciter le mental.
  • Il nous est dit « d’ancrer le mental dans le cœur » être dans des pensées d’amour, de gentillesse, de charité, de dévotion et d’abandon.

Quand l’Intellect est dégagé des perceptions et fixé comme le mental sur le Prāna. Quand nous chantons le OM mentalement, quand nous sommes remplis de Joie, quand le mental est silencieux, quand nous méditons sur la signification du OM, alors l’ego se dissout.  

 

 

Chapitre 8 – L’impérissable BRAHMAN – Versets 14 à 21 – Gaëtan

 

Verset 14 : « ô Partha, le yogi ferme qui, chaque jour se souvient de Moi constamment, ne pensant à rien d’autre, M’atteint facilement. »

  • Kṛṣṇa évoque la fermeté. Cela me fait penser à « tapas » (discipline) et au « sthirā », capacité à être stable, vigilant, présent à la posture et au moment.
  • Celui qui en fait preuve atteint le Soi « facilement », dans le « sukham » donc, le lâcher-prise, l’abandon.

Verset 15 :

  • Il est dit ici que ceux qui y parviennent, quittent le saṃsāra (cycle des réincarnations). Ils s’affranchissent ainsi de l’Illusion de la matière et de son cortège de « souffrance », monde dont Kṛṣṇa rappelle qu’il est « éphémère » quand le principe divin est éternel.

Verset 16 :

    • Il est dit que « tous les mondes » sont soumis à la renaissance, « jusqu’à celui de Brahma » (le créateur ou force de création) : Il faut entendre qu’il y a différentes étapes avant que l’ego parvienne à se dissoudre dans la contemplation du Soi. Il s’agit d’un chemin d’épuration des vāsanas (valises – empreintes karmiques) qui peut prendre plusieurs vies. Mais la voie est tracée, la méthode offerte.

Verset 17 :

  • Ce verset introduit le concept des « yugas » qui constitue une représentation cyclique du temps.
  • Chaque cycle ou Mahāyuga est constitué de quatre yugas : Satyā yuga, Tetrā yuga, Dvāpara yuga et le Kali yuga (ère actuelle selon la cosmogonie hindoue). Le tout représente plus de 4 millions d’années.
  • Dans le Mahabarata cette cosmogonie hindoue est décrite par le Ṛṣi (rishi) Mārkaṇḍeya qui rend visite aux Pāṇḍavas pendant leur exil dans la forêt et répond aux questions de Yudhiṣṭhira (un des frères d’Arjuna).
  • La « journée du créateur » correspond à mille cycles, sa nuit est équivalente : s’agit-il ici de dire ici que celui qui est renseigné à cet endroit a atteint une forme de sagesse ?

Versets 18 et 19 :

  • Ces versets éclairent le précédent. Il y est dit que la journée cosmique (longue de mille mahāyugas) correspond à la période de temps où le manifesté surgit du non manifesté.
  • Selon le sāṅkhya, le monde des formes est issu de l’union entre Brahman (conscience immobile universelle) et Prakṛti (Prakriti : nature ou énergie universelle), union rendue possible par le désir, Puruṣa (Purusha). : je comprends donc que cette manifestation est limitée dans le temps quoi qu’il en soit.
  • Il est dit également que les êtres existent tous à l’état latent (non manifesté) pendant la nuit cosmique et reviennent dans le manifesté (s’incarnent) lors du jour du Créateur. C’est le principe du saṃsāra et chacun revient avec les vāsanās déjà préexistantes.

Le verset 20 exprime que pour que l’intelligibilité du fonctionnement de l’univers soit complète, il faut pouvoir concevoir que tout n’est pas dissout dans le non manifesté lors de la nuit cosmique. Il existe un « Non-Manifesté » qui perdure et sans lequel le reste n’existerait pas : la conscience universelle ou Brahman, support éternel, immuable, non né, permanent, omniprésent…

Le verset 21 entérine ce qui a été décrit plus haut et redit « le but ultime » : atteindre Brahman par la réalisation du Soi pour mettre fin au saṃsāra (ccle des réincarnations) une fois les vāsanās (empreintes) complètement abandonnées.

 

 

Chapitre 8 – L’impérissable BRAHMAN – Versets 22 à 28 – Nadège

 

Verset 22 : « ô Pārtha, c’est par une dévotion infaillible et exclusive que l’on peut atteindre le Puruṣa Suprême, en qui tous les êtres demeurent et par qui tout cet univers est pénétré ».

  • Le moyen et le but sont expliqués ici. L’identification au Soi (la Réalisation) ne peut se faire que si le chercheur spirituel se détache des contingences matérielles (le monde de l’ego, des émotions, etc.) pour se réfugier dans la lumière du Soi.
  • Dans cette dévotion et cette lumière résident l’univers dans son entier.
  • Tout comme le serpent et la corde qui paraissent être la même chose, la réalité et l’illusion appartiennent au même monde.
  • Tout est à l’intérieur, en soi : le non manifesté tout comme la manifestation : ce qui fait de la Vie, une célébration. La célébration de chaque instant mène à la réalisation.
  • La Conscience pure imprègne tous les mondes.

 

Verset 23 : « Maintenant, je vais t’enseigner la période (la voie) par laquelle les yogīs partet pour ne jamais revenir, et aussi celle par laquelle ils partent pour revenir, ô Meilleur d’entre les Bharata (ô Meilleur d’entre les Hommes).

  • Dans la vie, il y a deux voies, la voie extérieure qui va satisfaire les tendances égotiques et la voie intérieure, celle de la spiritualité.
  • En restant prisonnier de l’ego, l’être est soumis au saṃsāra, le cycle des réincarnations et des souffrances.
  • En prenant, la voie de la recherche spirituelle, l’être va pouvoir s’extraire de cette transmigration.

 

Verset 24 : « En suivant la voie du feu, de la lumière, du jour, de la quinzaine brillante (de la lune), des six mois de la course du soleil vers le nord, les hommes qui connaissent Brahman vont à Brahman ».

  • La voie du Soleil est la voie de la Conscience.
  • Le Hatha Yoga traditionnel, où «Ha » signifie le Soleil (puruṣa) et « Tḥa » la Lune (Prakṛti) est le « Yoga du Soleil et de la Lune », utilisant le mantra et le pranayama pour équilibrer les deux forces et provoquer la transformation.
  • « Avant la création, Prakṛti était fusionnée avec l’Esprit Suprême, sans existence séparée. Mais lorsque le désir de création fut éveillé, cet Esprit Suprême se divisa en Prakṛti et Puruṣa. La moitié droite devint alors « Puruṣa » et la moitié gauche « Prakṛti ». Bien qu’ils soient ainsi deux yogīndras (« rois parmi les sages »), ils se considèrent comme fusionnés avec l’Éternel Un, comme le feu et la chaleur, et affirment la vérité (Esprit Sarvaṃ) ». (Issu des Purāṇas)
  • Puis, dans l’état de fusion, c’est la connaissance de l’Absolu (Brahmajñāna), l’absorption dans la lumière, la voie des « Dieux ». La lumière comme refuge.
  • « Ceux qui connaissent Brahman atteignent Brahman » : ce qui produit de la lumière (de l’humanité) est Brahman. Le regard vers le haut pour s’élever dans la nature suprême.

 

Verset 25 : « Atteignant la Lune, la lumière lunaire, par la fumée de la nuit, la quinzaine sombre (de la lune), les six mois de la course du soleil vers le sud, les yogīs reviennent.

  • L’obscurité est assimilée à l’ignorance du Soi.
  • Lorsqu’un être humain est entraîné dans les désirs matériels incessants, il sombre dans la nuit (de ses mauvais penchants) et de la souffrance
  • La voie de la lune est ici la voie de la matérialité. Celle qui enferme dans le saṃsāra.

 

Verset 26 : La Voie de la Lumière et la Voie des ténèbres qui s’offrent toutes deux en ce monde sont réellement éternelles. Par l’une, la Voie de la Lumière, l’homme ne revient pas ; par l’autre, la Voie des Ténèbres, l’homme revient.

  • Les deux voies ou les deux côtés de ce que nous sommes coexistent en nous et ceci depuis la nuit des temps. Cela ne disparaîtra pas. C’est ainsi que l’expérience peut s’opérer. On pourrait dire le Bien et le Mal sont nos deux composantes, l’un dans le Monde de la lumière, la Connaissance et l’autre dans le monde de l’obscurité, l’ignorance.
  • L’une mène à la félicité et l’autre attache à la grande Roue de la transmigration.
  • Lumière et obscurité sont liées l’une à l’autre : c’est la raison pour laquelle dans le yoga, l’obscurité est transcendée et amène la lumière.

 

Verset 27 : « Quand il connaît ces deux voies, ô Pārtha, aucun yogī ne s’égare. Par conséquent, ô Arjuna, sois toujours ferme dans le yoga. »

  • Sachant que ce sont nos deux composantes et que nous y sommes soumis quoi qu’il arrive, il n’y a qu’une issue : la pratique constante qui va permettre d’affirmer le discernement. La Pratique consiste à placer la Conscience au cœur de la vie.
  • Avec ce discernement, nous serons plus à même de comprendre comment nous agissons, pour nos tendances égotiques ou pour le bien universel.
  • Progressivement, nous allons éliminer ces obstacles égotiques pour nous rapprocher de la lumière.

 

Verset 28 : Quels que soient les fruits des mérites attachés à l’étude des Veda, à l’accomplissement des sacrifices, à la pratique d’austérités et à la charité, le yogī qui sait cela (ces deux voies), les transcendent et atteint le Suprême, l’Essence Primordiale.

  • Que ce soit le bon ou le mauvais, tout ceci relève de la Māyā (l’illusion).
  • C’est ainsi que la fusion engendrée par le Yoga (la méditation) amène à la seule réalité qui est la Conscience.
  • Si le fait d’aspirer aux récompenses nous aide dans notre démarche, pourquoi pas, mais il ne faudra jamais oublier que cela devra rester transitoire, sinon, nous replongerons dans nos travers.
  • Tous les êtres humains peuvent accéder à la réalisation s’ils s’abandonnent à cette essence primordiale en eux.

 

Dans ce chapitre « l’Impérissable Brahman » ou « le Yoga de la délivrance Absolue », Arjuna pose la question de ce qu’est Brahman, la Conscience et demande de définir les termes que Kṛṣṇa a employés précédemment. Ensuite Kṛṣṇa expose la pratique du Praṇava, le « OM sacré » et ses merveilleux effets. En effet, le praṇava est « le navire qui permet de traverser l’océan de l’existence terrestre » (Vidyeśvara- samhitā). Puis vient l’explication de la création et de la dissolution, le refuge de Brahman, les chemins de la lumière et de l’obscurité et le pouvoir du yogī. 

 

 

Chapitre 9 – Le Secret Royal – Versets 1 & 2 – Nadège

 

Verset 1 : « A toi qui ne discutes pas en vain. Je vais délivrer le plus grand secret, la plus profonde connaissance alliée à sa réalisation, et, connaissant cela, tu seras délivré des souffrances de la vie. »

  • L’enseignement est donné au moment où nous sommes capables de l’accueillir. L’enseignement du Brahmajñāna est dispensé à ceux qui peuvent le recevoir et/ou même « en entendre parler ».
  • Kṛṣṇa dit : « A toi qui ne discutes pas en vain », quelquefois traduit aussi par « toi qui es exempt de malice » : ce qui signifie qu’il est possible d’atteindre le Soi lorsque nos vertus sont plus importantes que nos démons et que nous sommes capables d’une certaine maîtrise de nous-mêmes (ne pas discuter en vain).
  • Cette connaissance ne se révèle pas aux cœurs impurs : la voie du yoga est une voie de purification.
  • Lorsque tout est suffisamment clair en soi, la Vérité peut émerger.
  • La voie Royale est la voie non duelle qui n’est accessible que lorsque nos tendances obscures ne nous entraînent pas vers le bas. Vivekavani donne dans son commentaire cet exemple : « Celui qui ne se complaît pas à dénaturer le bien, qui vante même les plus basses formes de bonté chez autrui, qui ne se complaît pas à penser au mal chez autrui, en anasūyā (libre de méchanceté, ni envieux, ni méchant). De toutes les mauvaises qualités, l’envie est la plus forte. Tel un cancer venimeux, elle imprègne tout l’esprit et arrache le sādhaka (l’aspirant) à tout mérite qu’il aurait pu acquérir par l’austérité. Plusieurs aspirants ont chuté à cause de ce mal. »

 

Verset 2 : « Ceci est la science royale, le secret royal, le suprême purificateur, que l’on peut réaliser par la connaissance intuitive directe, en accord avec le dharma, très aisée à pratiquer et éternelle. »

  • Ici, il est indiqué que lorsque notre mental est purifié de ses impuretés (l’action juste), l’accès à la conscience est direct.
  • Finalement rien de plus simple effectivement !!!! Purifions !
  • Aucun effort n’est requis pour se réaliser.
  • C’est un verset qui donne beaucoup de courage : en effet, lorsque nous sommes traversés par les doutes, quand l’ego revient au centre et que nous sommes tentés d’avoir des actions pour le préserver en pensant que c’est juste, nous rappeler cela, permet de revenir dans notre cœur, en accord avec le dharma. Même si cela semble douloureux d’un point de vue égotique. Se demander qui parle dans cette situation ? La Conscience ou mon petit ego blessé ? (Ou soi-disant blessé). Cela peut être vraiment difficile et désagréable de remettre cet ego à sa place, qui n’est pas celle de la conscience.
  • Accueillir –  digérer – purifier – accepter et refaire autant de fois que nécessaire jusqu’à disparition des empreintes.
  • Le dharma est issu de la conscience ; le respecter mène à la conscience.

 

Chapitre 9 – Le Secret Royal – Versets 3 à 10  – Chérifa

 Verset 3 :

  • Sans ouverture intérieure, sans confiance dans la dimension profonde de l’être, on reste piégé dans les cycles mentaux de souffrance, d’identification, et de séparation. Le « Moi » dont il est question ici, c’est la conscience profonde, le réel en nous.

Verset 4 :

  • La Conscience universelle imprègne tout (énergie, matière, vie), mais elle-même n’est pas localisée. Elle est partout, mais n’est pas limitée par les formes qu’elle traverse. Elle est en toute chose, mais ne dépend de rien. 

Verset 5 :

  • La conscience fondamentale soutient toute existence, mais ne s’y réduit pas. Elle est transcendante et immanente à la fois. Ce paradoxe est au cœur de l’expérience intérieure : nous sommes à la fois dans le monde, et au-delà de lui.

Verset 6

  • Le vent dans l’espace est une analogie naturelle.
  • Le vent se déplace librement dans l’espace, mais ne limite pas celui-ci. L’espace contient le vent, mais n’est pas affecté par lui.
  • Le vent symbolise ici tout ce qui bouge, vit, change c’est-à-dire, nos pensées, nos corps, nos émotions, le monde.
  • L’espace représente la conscience, immobile, silencieuse, infinie.
  • « Tous les êtres sont en moi »: cela signifie que la conscience est le fond invisible de toute chose. Tout ce qui existe dépend d’elle, mais elle ne dépend de rien. Elle ne fait rien, mais rien ne se fait sans elle.
  • Tout est en mouvement dans la Conscience, mais rien ne l’altère. Nous pouvons vivre dans le monde sans être identifiés à tout ce qui change.

Verset 7 :

  • À tout instant, nous pouvons voir comment les pensées surgissent de nulle part, existent un temps, puis retournent dans le silence. De même, les émotions, les désirs, les identités se lèvent et s’effacent.
  • La « Prakṛti », ici, c’est le mouvement même de la vie.
  •  appelle « je » ce qui représente la conscience, le fond immobile d’où ces mouvements surgissent et dans lequel ils retournent.
  • Cela symbolise les cycles naturels, de la vie et de la mort, de la création et de la dissolution.
    C’est aussi un processus intérieur, tout ce qui naît dans la conscience (pensée, émotion, action) apparaît, disparaît, réapparait.
  • Nous ne sommes pas ce qui vient et part.
  • Nous sommes la présence stable, l’espace intérieur dans lequel ces cycles se produisent.
  • C’est une invitation à la désidentification :
  • Nous ne sommes ni les choses que nous vivons ni les pensées que nous avons.
  • Nous sommes ceux qui voient tout cela apparaître et disparaître.

 

Verset 8

  • Tout est émergence spontanée de la nature : pensée, action, forme…
  • La « Prakṛti » est l’intelligence créatrice, l’énergie qui se manifeste naturellement.
  • Le monde des formes, des êtres, des pensées et des événements apparaît et disparaît selon les cycles de la nature, sans volonté personnelle.
  • Kṛṣṇa affirme que tout ce qui naît agit spontanément, comme une réponse naturelle à une force plus profonde.
  • La conscience fondamentale (ce que Kṛṣṇa représente ici) ne crée pas par volonté personnelle, mais par la force spontanée de la nature vivante.
  • Ce verset invite à prendre conscience de ces forces qui nous animent, et à se désidentifier d’elles : je ne suis pas les réactions ; je suis ce qui peut les observer.

Verset 9 :

  • La Conscience pure ne s’identifie pas aux actions du monde.
  • Elle observe, permet, mais reste libre de tout attachement. C’est un enseignement du yoga intérieur, agir sans s’identifier. C’est la liberté dans l’action.

 

Verset 10

  • La conscience silencieuse (l’observateur, témoin) n’intervient pas directement, mais rend possible la manifestation.
  • Elle est l’espace dans lequel tout se déploie, sans effort, sans volonté personnelle. Elle est présente, mais non agissante.

 

Chapitre 9 – Le Secret Royal – Versets 11 à 18  – Catherine

Verset 11 : « Les ignorants Me méprisent lorsque je suis revêtu d’une forme humaine. Ils ne connaissent pas Ma nature supérieure, qui fait de Moi le Seigneur souverain de toute existence. »

  • Ceux qui ignorent, qui n’ont pas encore fait l’expérience, qui n’ont pas développé leur conscience, ne voit pas, ne reconnaissent pas le sage incarné. Ils sont inconscients de la dimension du Soi, qui est aussi présente en eux.
  • Ils ne peuvent voir en l’autre, une représentation Divine, comme le Soi incarné qui est en tout être. Si l’on regarde, à travers nos sens, notre mental et notre Intellect, sans conscience alors la Vérité ne nous apparait pas.

Ce verset redonne sa part de responsabilité à l’humain, qui doit se mettre en action dans ses pratiques, afin de faire émerger cette part divine en Soi afin d’être en harmonie avec les êtres et le monde qui nous entoure, afin de ne pas lui nuire, le mépriser.

Verset 12 : « Vains sont les espoirs, vains sont les actes, vains sont les connaissances de ces insensés, possèdés par la nature trompeuse des démons Rāksasa et Āsura. »

  • Rāksasa et Āsura : référence à des êtres surnaturels ou démoniaques :  ce sont nos tendances obscures, les empreintes latentes toujours sujettes à revenir sur le devant de la scène (nos mauvais côtés).
  • Il est décrit dans ce verset une personne qui vit dans l’ignorance, sous l’emprise de son ego, tournée vers l’extérieur et ses désirs.

Verset 13 : « Mais les grandes āmes ; ô Pārtha, participant de Ma divine nature, M’adorent avec un amour exclusif, Me reconnaissant comme la Source Impérissable de tous les êtres. »

  • Dans ce verset, il est décrit la personne qui a quitté la domination du monde matériel, qui voue son existence à sa vie spirituelle. Qui nourrit sa divinité dans ses actes, ses pensées, qui sont dans le respect des autres, reconnaissant leur Divinité.

Verset 14 : « Me glorifiant constamment, poursuivant sans cesse leurs efforts, fermes dans leurs vœux, prosternés devant Moi, l’esprit toujours concentré, ils M’adorent avec dévotion. »

  • Ce verset rappelle les efforts, la discipline à avoir pour atteindre la Divinité en soi. La dévotion est continuelle et permet d’être en permanence dans la Conscience Divine et de poursuivre les efforts… et ceci dans un cercle vertueux.
  • La dévotion pour le Soi, qui est en toute existence, permet à l’ego de s’identifier avec Lui et de développer le sentiment d’Unité.

Verset 15 : « D’autres encore M’adorent par le sacrifice de la Connaissance, Me considérant comme Unique, comme distinct, comme multiple, Moi qui ai mille visages.» 

  • Ce verset m’inspire la manière que chacun a, d’aborder le Divin par la connaissance. Par fusion, faisant Un avec la Divinité en nous (Unique). Comme une reconnaissance Divine dans d’autres formes (Distinct et Multiple).

Verset 16 : « Je suis le rituel védique(kratu), Je suis le sacrifice, Je suis l’offrande aux ancêtres. Je suis l’herbe médicinale et toutes les plantes. Je suis le « mantra », Je suis aussi le beurre clarifié, Je suis le feu, Je suis l’oblation. »

  • « Kratu » est un rituel védique ancestral, qui fait appel à des éléments du Soi, à l’amour universel, à l’essence Divine, à la Conscience universelle présente en tout être et en toute chose : les herbes, les plantes, le mantra, le beurre clarifié, le feu…

Verset 17 : « Je suis le Père de ce monde, Je suis la Mère, le Protecteur et l’Aïeul. Je suis Ce qui est à connaître, le Purificateur, la syllabe OM, et aussi Rg, le Sāma et le Yajuh Veda. »

  • Rg, le Sāma et le Yajuh Veda, je n’ai pas la référence.
  • « Veda » signifiant « Ce qui est vu » ; le terme « voir » en sanskrit est lié à la notion de connaissance directe (dans le sens pressenti ?) Il y a deux niveaux de compréhension dans ces textes comme dans tous les textes sacrés qui sont transmis à partir de symboles et de métaphores : Le 1er niveau : accessible à ceux qui vont décrypter, percevoir et d’identifier les phénomènes évoqués par ces symboles et de les vivre dans une expérimentation personnelle et le 2ème niveau : ceux qui prennent à la lettre les discours et qui éprouvent le besoin de s’en remettre à des dieux, des clergés, des hiérarchies…
  • Les vedas s’attachent à révéler ce qui est à l’origine du monde, la vibration originelle. Cette vibration ne peut être révélée que par le langage, d’où l’extrême intérêt des recherches grammairiennes tout au long des siècles à propos du Sanskrit. Cette révélation est métaphorique, car il n’y a évidemment aucun mot qui pourrait la décrire. Les poètes composent les hymnes qui porte cette dimension spirituelle du Monde et témoigne du principe de Brahman, la notion de l’origine, l’impensable vibration.
  • Les Vedas s’articulent autour de quatre livres ou quatre formes :
Rig Veda : La science des Mantras – la base de la langue sanskrite basée sur la structure vibratoire de l’Univers à tous les niveaux. C’est le livre des lois cosmiques. Il serait le livre le plus ancien du monde (6000 ans avant JC). La référence sur le discours cosmique.
Sama Veda : la science des sons qui met en forme les mantras dans une structure musicale pour une action de transformation sur l’esprit et les émotions. La référence sur le Prana (énergie) cosmique.
Yajur Veda ou la science de l’action qui a permis de mettre en place des rituels et des pratiques de transformation comme la pratique de Yoga. C’est la référence de l’Esprit cosmique.
L’Arthava Veda comprend des mantras complémentaires pour différents usages dont la santé physique et psychique (mantras thérapeutiques). Aujourd’hui les mantras de l’arthava veda sont toujours utilisés, (tout comme les plantes mentionnées dans l’ouvrage), l’arthava est devenu le texte de l’Ayurveda.

 

  • Ce que m’inspire ce verset : « Je suis le Père… la Mère… le Protecteur » : l’Amour inconditionnel qui est la Conscience Universelle : L’ego nous fait vivre avec les voiles de l’illusion, nous fait souffrir. Prendre conscience du Soi, dissout l’ego et apaise. « Je suis le Purificateur » qui purifie et révèle.
  • Le Divin est en tout chose, en toute forme.

Verset 18 : « Je suis le But, le Support, le Seigneur, le Témoin, la Demeure, le Refuge, l’Ami, la Source, le Dissolution, le Substrat, le Trésor et la Semence éternelle. »

  • Le Divin est l’objectif de tout être, il soutient, il est le témoin, la demeure, le refuge, l’ami auprès de qui on peut se déposer, la source, la vie, l’éternité.

 

Chapitre 9 – Le Secret Royal – Versets 19 à 26 – Gaëtan

 

Dans le verset 19 Kṛṣṇa, qui incarne la Conscience suprême, le Soi, continue à se définir dans une énumération.

  • Il se présente comme source de tout, manifesté ou latent, source de vie et d’existence, mais également présent au-delà de la mort.
  • La mort fait partie de l’Illusion, du manifesté, le Soi, permanent, non-né, immuable ne connaît pas de limitation.

 

Les versets 20 et 21 font référence à ceux qui sont voués à ne pas quitter le Saṃsāra bien qu’ils soient versés dans les Écritures et bien qu’ils aient pratiqué les « sacrifices ».

  • Leur place est pour un temps au « paradis »* (il s’agit d’une nouvelle redite), mais bien qu’étant avancés dans la voie de l’éternité ils sont liés par leurs désirs, attachés et donc condamnés à poursuivre dans le cycle des incarnations.

*« svarga » ou svarga loka est l’un des sept lokas ou plans énergétiques qui sont « Bhūloka », le plan terrestre ; Bhuvarloka, le plan astral ; « Svargaloka », le plan céleste ; « Maharloka », le plan divin (devaloka) ; « Jana loka » : la demeure des sages :  « Tapaloka », le plan de la manifestation éternelle et « Satyaloka » ou « Brahmaloka », le monde de la conscience pure. Ce sont les différents niveaux de conscience. Ils représentent également les chakras de Mūlādhāra, Svādhiṣṭhāna, Maṇipūra, Anāhata, Viśuddhi, Ājñā et Sahasrāra. Si les royaumes supérieurs sont associés aux chakras supérieurs, les chakras de base restent connectés aux énergies et aux accomplissements des dimensions inférieures. Tous les joyaux et trésors cachés sous la surface de la Terre représentent aussi le potentiel intérieur. Grâce à nos capacités, nous sommes capables de créer notre réalité matérielle et d’accéder à des états de conscience ou dimensions d’expérience plus subtils. Les lokas sont des états de conscience.

Après avoir souligné l’exigence propre à la démarche spirituelle ici développée en démontrant qu’il s’agissait d’une discipline intérieure plutôt qu’une obédience à une marche à suivre pré-établie, Kṛṣṇa vient décrire sobrement dans le verset 22 le chemin pour rejoindre le Soi.

Les aspirants doivent être « maîtres d’eux », ce qui renvoie pour moi à l’équanimité, mais aussi au détachement des sens (pratyāhāra), à la capacité de concentration (dharana) et à la méditation (dhyana) qui ont été décrits dans les chapitres précédents.

Ce sont autant de préalables à la véritable réalisation, ce que renforce l’emploi de « ne pensant à rien d’autre ». La récompense est l’obtention de ce qu’ils n’ont pas : le yoga (fermeté dans la spiritualité) ; mais aussi la préservation de ce qu’ils ont :  Kṣemā, c’est à dire les conditions de leur libération.

 

Le verset 23 me paraît être un hymne à la tolérance propre à une partie de l’hindouisme. Il n’y a pas de mauvaise spiritualité puisque ceux qui se dévouent à un Absolu s’adressent, finalement, à un même Absolu. Cependant la méthode est décrite comme n’étant « pas la bonne » et nous allons voir en quoi.

 

Dans le verset 24 Kṛṣṇa (comme parātman, la Concience Pure) se désigne comme l’Absolu en question. Mais puisqu’il n’est pas reconnu en tant que tel par les croyants dont il dit qu’ils se fourvoient, alors ces derniers, bien qu’étant probablement (ce n’est pas dit explicitement) sur une voie de purification, retomberont eux aussi dans l’incarnation après leur mort physique.

 

Le verset 25 parachève la démonstration. Nos investissements sur ce plan d’existence conditionnent notre vie future. C’est le principe des vāsanas (les traces mentales). Souhaite-t-on les entretenir, les emmener avec nous pour poursuivre le cycle des incarnations? Ou souhaite-t-on au contraire nous purifier, nous en délivrer, en orientant nos actions et nos pensées vers le Soi pour…. atteindre le Soi. Quoiqu’il arrive nous atteignons ce que nous visons.

 

Dans le verset 26 Kṛṣṇa délivre poétiquement une vérité. C’est la ferveur de la dévotion qui importe, en tant que ferment principal de la transformation nécessaire, « l’objet » sacrifié importe peu pourvu que l’intention soit orientée vers le Soi. Cela se fait avec « un cœur pur », donc sans désir et délivré de l’ego.

 

 

Chapitre 9 – Le Secret Royal – Versets 27 à 34 – Nadège

 

Verset 27 : « Quoi que tu fasses, quoi que tu manges, quoi que tu offres en sacrifice, quoi que tu donnes, quelle que soit l’austérité que tu pratiques, ô Kaunteya (fils de Kunti : elle est l’épouse du roi Pāṇḍu, la mère des Pāṇḍavas, mais c’est aussi la sœur de Vasudeva , le père de Kṛṣṇa), dédie-le-Moi en offrande.

  • Pour moi, ce verset nous rappelle que la Vie est sacrée et que toutes nos actions doivent être engagées dans ce sens. Cela signifie aussi que nous devrions faire acte de présence ; ce qui empêchera d’avoir des agissements que nous pourrions regretter ou qui ne seraient pas conformes au dharma. Lorsque que nous nous trouvons sur la voie spirituelle, nous devons être complètement engagés.
  • L’autre point qui me semble essentiel est l’abandon à la Vie : faire Confiance, ne pas attendre de retour aux actions.

Verset 28 : « Ainsi tu seras libéré des liens de l’action, qui produit bons et mauvais fruits. Le mental unifié dans le yoga de la renonciation et libéré, tu viendras à Moi. »

  • Effectivement, c’est le renoncement aux fruits des actions et non pas de l’action elle-même ; notre esclavage vient du fait que nous attendons toujours quelque chose de la vie. La libération survient quand il y a un abandon total, une Confiance absolue. Du point de la réalisation du Soi, il n’y a pas de bien et de mal. Pourtant dans le cheminement du yoga, il y a d’abord une libération du mal, puis une libération du bien. Renoncer à toutes demandes égotiques, quelles qu’elles soient.

Verset 29 : « Je suis le même pour tous les êtres. À mes yeux, nul n’est détestable ou cher ; mais ceux qui M’adorent avec dévotion sont en Moi et Je suis aussi en eux. »

  • La vie n’est pas responsable des bonnes ou des mauvaises choses qui nous arrivent (ni un quelconque dieu si nous le voyons sous ce prisme).
  • Chacun récolte les fruits des pensées et des actions qu’il a menées. C’est une loi universelle et nous ne pouvons pas blâmer les autres pour cela.
  • Cependant, les personnes qui mènent des actions bonnes et justes vont se sentir mieux que ceux qui cultivent la haine et la méchanceté.
  • La conscience est dans chaque être et la pureté de nos actions permet de la ressentir dans la joie et la félicité.

Verset 30 : « Si le plus grand pêcheur M’adore avec une dévotion exclusive, il doit aussi être considéré comme un juste, car il a pris une juste résolution. »

  • Personne n’est voué à rester dans un schéma de mauvaises pensées ou d’actions.
  • Les personnes qui agissent « mal » le font sous la pression de leurs empreintes mentales. À partir du moment, où elles prennent conscience de leurs actes et qu’elles décident de changer de chemin, le comportement peut changer et la vie va se transformer.
  • Chacun est maître de son destin.
  • L’obscurité est brûlée par la connaissance du Soi, par la sagesse.
  • Le démon devient Deva

Verset 31 : « Bientôt, il devient vertueux et atteint la Paix Eternelle, ô Kaunteya, car sache-le, Mon dévot ne périt jamais »

  • Dès que l’on prend la bonne décision avec le coeur, on se sent soulagé.
  • Le progrès dans la vie spirituelle est le résultat d’une décision : bien se conduire, ne pas nuire, etc.
  • On devient une personne juste quelles que soient les erreurs passées et la paix va s’installer.
  • « À eux vient la paix, et à nul autre. » : Śvetāśvatara Upaniṣad
  • Il arrive parfois de se sentir perdu et découragé, surtout si l’on a encore sombré dans une mauvaise action, mais Kṛṣṇa dit « mon fidèle ne périt jamais » : « balaie tes doutes, une avancée reste une avancée », tu es conscience et tu resteras conscience : c’est une promesse qui est d’un grand soutien.

Verset 32 : « Ceux qui prennent refuge en Moi, ô Pārtha (fils de la Terre), fussent-ils de basse naissance – Striya* (esprits efféminés), Vaiśya ou Śūdra – atteignent le but suprême. »

 Ici ce qu’explique Swami Chinmayananda, les termes employés doivent être compris comme indiquant des caractéristiques psychologiques de l’esprit (mental) humain et non pas littéralement :

  • striya* (esprit efféminé) : le mental lié aux attachements, qui serait le côté lunaire,« émotionnel » de notre personnalité.
  • Vaiśya : fait référence à des motivations égoïstes dans les actions et les pensées.
  • Śūdra : qui est plus impliqué à satisfaire des besoins immédiats.

Ce qui est dit ici : personne n’est exclu de la Réalisation à partir du moment où l’on prend la bonne décision de s’occuper de soi pour devenir meilleur.

C’est la force de la Bhagavadgītā d’affirmer que personne, absolument personne n’est exclu du processus. C’est un mouvement dharmique, universel et il n’est pas question d’ostraciser des personnes en raison de leur race, croyances ou religion. Le Mérite est la seule considération.

Verset 33 : « (Sache) combien il est alors plus aisé pour les saints brahmanes, ainsi que les rois ascètes et sages qui M’adorent, d’atteindre le but ! Toi qui es venu dans ce monde éphémère et empli de tristesse, adore-Moi »

  • Si les personnes qui ont plus de contraintes psychologiques que d’autres arrivent à atteindre la réalisation du Soi, alors pour ceux qui possèdent déjà un certain degré de connaissance, la Réalisation n’en sera que plus aisée.
  • Le monde est éphémère et difficile. Nous serons tous confrontés à la souffrance, nous allons tous mourir, mais l’essence de la Vie : vivre dans la conscience n’est atteignable qu’à travers la pureté, la confiance et l’abandon.

Verset 34 : « Fixe ton mental en Moi. Consacre-Moi ton être, offre-Moi tes sacrifices, prosterne-toi devant Moi. Ton être tout entier uni à Moi, ton but Suprême, tu viendras à Moi. »

  • La voie est claire : se concentrer à honorer la Vie, à Tous les instants, dans Toutes les situations. Alors le mental se taira, la vie est un flux. Il suffit de s’y couler, de se laisser bercer.

 

Chapitre 10 – Les Gloires Divines – Vibhūti Yoga – Versets 1 à 8 – Chérifa 

Verset 1 : « Le seigneur suprême dit : de nouveau, Ô Guerrier aux bras puissants, écoute Ma Parole Suprême ; Je vais te révéler pour ton bien, à toi qui M’écoutes avec joie. »

  • « De nouveau »; « Écoute » : Kṛśna invite Arjuna à écouter encore plus profondément.
  • C’est une écoute intérieure, sans préjugés, ouverte à une compréhension plus haute. Ce verset nous rappelle que l’essentiel ne se saisit pas par la simple logique, mais par une attention silencieuse.
  • « Ma Paroles suprême » peut être entendue ici comme une sagesse universelle. « Suprême » veut dire « profond, ultime» au-delà des opinions changeantes.
  • Il s’agit d’un savoir qui touche la racine de l’être, pas seulement l’intellect.
  • « Pour ton bien »: on comprend que le but n’est pas d’imposer une croyance, mais de montrer un chemin de libération.
    Cette connaissance est donnée pour : dissiper la confusion, éclairer la vision, conduire vers la désidentification avec ce qui n’est pas essentiel.
  • « À toi qui m’écoutes avec joie »: La profondeur de l’enseignement transmis par un maître dépend de l’écoute de l’élève. La qualité de l’écoute est importante, le savoir profond se transmet quand l’esprit est ouvert, joyeux, réceptif. La joie de l’écoute devient une porte d’accès à une compréhension intérieure. La joie comme résonance naturelle de la vérité, quand on entend une parole profonde, ce n’est pas le poids de l’obligation qui agit, mais une joie intérieure signe que cette vérité correspond déjà à quelque chose en nous.

Le chapitre 10 commence donc ainsi, Kṛśna nous invite à ouvrir notre cœur à une écoute profonde. Ce qui est dit ici n’est pas une croyance à accepter, mais une vérité vivante, offerte par bienveillance au disciple qui accueille avec joie l’enseignement, pour sa propre libération.

 

Verset 2 : la source de la conscience est antérieure à toute connaissance.

 

Verset 3 : « Celui qui parmi les mortels, Me connaît comme étant Non né et sans commencement, comme le grand souverain des mondes, est libre de toute illusion et délivré de tout péché. »

  • « Non né et sans commencement »: la conscience n’a pas de début dans le temps.  Elle est là avant toute pensée, avant toute expérience, comme une toile de fond immuable.
  • « Le grand souverain des mondes » : ici, on peut entendre, par souverain des mondes, la conscience fondamentale qui soutient, contient et dirige tous les plans de l’existence. « Le grand souverain des mondes » n’est pas conditionné par le monde, mais les mondes dépendent de cette présence intemporelle qui rend possible l’expérience des « mondes » (physiques, mentaux, émotionnels…).
  • « Libre de toute illusion »: l’illusion vient de l’identification aux formes passagères (corps, émotions, personnalité,). En reconnaissant la conscience comme notre véritable fondement, on se libère de ces identifications.
  • « Délivré de tout péché »: « péchés » peut se comprendre comme des limitations mentales, comme les conditionnements, les attachements, les schémas répétitif sans la conscience du Soi. La reconnaissance du Soi silencieux dissout ces péchés. C’est lorsque nous pouvons reconnaître que la conscience est sans origine et intemporelle, que nous nous délivrons de la confusion et des limitations intérieures. C’est dans cette reconnaissance que naît la véritable liberté.

 

Versets 4 et 5

  • Ces versets sont une énumération de qualités et d’expériences humaines, qu’elles soient vertueuses ou difficiles, elles sont présentées comme issues d’une même source unique.
  • Les qualités élevées: intelligence (buddhi), sagesse, le discernement, la vérité, sont des reflets de la conscience quand l’esprit est en harmonie. Les expériences avec des polarités contraire, joie et peine, naissance et mort, peur et absence de peur…nous montrent que même la dualité vient d’un même fondement. Une vision non dualiste nous est proposée dans ces Rien n’est en dehors de la conscience, tout coexiste dans le jeu de la vie tout en est une manifestation passagère. Les qualités les plus sublimes comme les expériences contraires sont des expressions de la même réalité.
  • Reconnaître cette origine unique nous aide à rester stables et équanimes. Reconnaître cette unité dans la diversité, nous permet de vivre la paix intérieure.

 

Verset 6 : « Les Sept grands sages, ainsi que les quatre Anciens et les Manu, dotés de pouvoirs comme Moi, naquirent de Mon esprit. Et d’eux nées toutes les créatures de ce monde »

  • Les « sept sages » « Ṛṣi », les quatre anciens « Kumāra » et les 14 « Manus » (anciens guides) doivent être lus, comme des archétypes : symboles des grandes forces de sagesse et d’organisation qui structurent l’humanité. Comme la source de toute sagesse, l’idée est que même les plus grands maîtres, les plus anciens principes de civilisation, ont leur racine dans la même conscience fondamentale. Donc, aucune sagesse authentique ne peut exister en dehors de cette origine. Ils représentent la filiation de l’humanité. Toute l’humanité, avec ses lignées, ses cultures et ses enseignements, est issue de cette même source unique. En reconnaissant cette unité, cela nous relie au cœur de toute tradition et de tout savoir.
  • Dans les Purāṇa, on trouve une cosmologie symbolique qui fait écho à ce verset :
  • Les sept grands sages sont des figures mythiques considérées comme les « pères de l’humanité spirituelle ». Ils sont placés dans le ciel, ce sont les sept étoiles qui composent la Grande Ourse, ce qui souligne leur rôle d’étoiles guides pour les générations humaines qui inspirent la sagesse et préservent le dharma.
  • Les Manus représentent les archétypes de l’humanité. Les Purāṇa décrivent 14 Manus, chacun gouvernant un grand cycle d’évolution. Le « Manu » est un archétype de l’humanité, inscrit dans son cycle, garant de l’ordre cosmique et social. Selon cette vision, l’humanité ne progresse pas de manière linéaire, mais à travers des cycles de manifestation et de dissolution.
  • Le verset dit que ces sages et Manus sont « nés de l’esprit ». Cela signifie qu’ils ne sont pas simplement des figures historiques, mais des manifestations archétypales issues directement de la conscience cosmique.
  • Ce verset relie la Bhagavad Gītā à la grande tradition puranique. (C’est le même auteur Vyāsa, lui-même un Ṛṣi ) c’est-à-dire, que la sagesse des anciens n’est pas inventée par l’homme, elle jaillit de la conscience universelle elle-même Les Ṛṣi (rishi) et les Manus symbolisent la transmission de la connaissance et de l’ordre cosmique dans chaque cycle du monde. Ainsi, tout ce qui constitue l’humanité, son orientation spirituelle (les Ṛṣi) et son organisation sociale (les Manus) prennent racine dans cette même source intemporelle.
  • Dans son commentaire, SWAMI CHINMAYANDA nous propose une lecture plus intérieure et symbolique du verset 6, en reliant les 7 Ṛṣi non pas seulement aux sages cosmiques des Purāṇa, mais à des forces en nous-mêmes. Au lieu de voir les Ṛṣi uniquement comme des êtres cosmiques, on peut les comprendre comme des principes de la psyché humaine.
    Ainsi, les 7 sages représentent les piliers de l’expérience humaine :

. Buddhi (l’intellect, discernement) : notre capacité de discerner le vrai du faux, la lumière de l’ombre.

. L’ego, le sens du « je » : notre force d’individualisation, qui permet l’expérience personnelle, mais enferme si on s’y identifie.

. Et les 5 facultés sensorielles, les portes par lesquelles l’esprit entre en relation avec le monde (vue, ouïe, odorat, goût, toucher).

. Dans cette vision, les 7 Ṛṣi ne sont pas à chercher dans le ciel, mais dans notre propre constitution intérieure. Ce sont les forces de connaissance (intellect, ego) et les canaux de perception (les 5 sens) qui structurent notre expérience du monde. Comme dans les Purâna, ils sont dits « nés de la conscience universelle » autrement dit, nos facultés intérieures sont elles-mêmes issues de la source. Comprendre cela nous aide à utiliser ces facultés comme instruments de clarté, au lieu de rester prisonniers d’elles.

  • Les 4 grands sages dans les Purâna, sont les régents des cycles cosmiques. Si on l’intériorise, ils représentent des principes d’ordre et de gouvernance intérieure. On peut les relier à quatre fonctions fondamentales qui organisent la vie humaine :

. Le Dharma, ordre universel cosmique, la loi éternelle, la vertu, la droiture. L’orientation juste, La force qui donne un axe, une direction intérieure. C’est ce qui permet de rester aligné avec ce qui est juste, même au milieu du chaos.

. Artha est le principe de prospérité. La capacité à organiser, bâtir, créer des supports matériels ou symboliques pour vivre. Un des objectifs de la vie dans l’hindouisme. Relié à la déesse Lakṣmī (Lakshmi). En nous, c’est l’intelligence pratique qui construit.

. Kāma est le principe du désir et de la motivation : l’énergie qui pousse à se tourner vers la vie, à chercher la beauté, l’harmonie, la relation. Sans lui, rien ne se met en mouvement.

. Et Mokṣa, le principe de libération : la force qui rappelle que la vie humaine n’est pas seulement survie ou plaisir, mais ouverture vers la liberté intérieure.

  • Ainsi Les 7 Ṛṣi sont les instruments de connaissance (intellect, ego, 5 sens) et les 4 anciens sont les grands principes de direction qui organisent et orientent cette connaissance vers un but. Ensemble, ils représentent la constitution complète de l’être humain, percevoir (les 7), et donner un sens à cette perception (les 4). Ainsi, tout ce qui structure notre expérience intérieure et nos choix est dit « né de la conscience universelle ».

 

Verset 7 : « Celui qui connaît véritablement les manifestations multiples de mon Être (macrocosme) et ce pouvoir yoguique qui est le Mien (microcosme), s’établit, inébranlable dans le yoga. Il n’y a aucun doute à ce sujet »

  • Après la description des 7 sages et des 4 anciens, qui sont présentés comme émanés de la conscience cosmique. Kṛśna continue son enseignement : il poursuit avec « les manifestations multiples de Mon être » c’est-à-dire toutes les qualités, facultés, archétypes et forces décrites (les sages, les anciens, les qualités humaines). Désigné ici comme le macrocosme, reconnaître ces manifestations, c’est voir la richesse de la vie, sa diversité infinie.
  • Le Yoga, l’unité, derrière la diversité, il y a une seule source, un seul principe de conscience qui relie tout.
  • Le « yoga » n’est pas seulement une discipline, mais la réintégration de cette unité fondamentale.
  • « Connaître Véritablement », ce n’est pas accumuler des idées ou des récits, mais voir directement que le multiple et l’unique sont une seule réalité. Cette compréhension stabilise l’esprit.
  • « Inébranlable dans le Yoga », celui qui voit ainsi ne vacille plus. Il ne se perd pas dans les illusions ni dans les oppositions, car il repose dans l’unité profonde.

Verset 8 : « Je suis la source de tout, et tout procède de Moi. Comprenant cela, les sages imprégnés d’une conscience pleine d’amour M’adorent »

  • « Je suis la source »: ici, « je » (aham) n’est pas une personne limitée, mais la conscience universelle qui est la source de tout ce qui existe. Tout ce qui naît, se déploie ou se transforme procède de cette même essence.
  • « Tout procède de moi »: cela ne signifie pas qu’il y a une entité qui « crée », mais que la même énergie fondamentale circule dans toutes choses, depuis l’infiniment petit jusqu’au cosmos.
  • La reconnaissance des sages (buddha): les « sages » ne sont pas nécessairement des ascètes ou des érudits, mais ceux qui voient clairement l’origine commune de toutes formes. Leur « adoration » n’est pas un culte, mais un mouvement du cœur, un respect profond pour la vie comme manifestation de l’unique. Leur relation à la source n’est pas une idée abstraite, mais une expérience vécue, qui imprègne leur vision, leur parole et leurs actes.

 

 

Chapitre 10 – Les Gloires Divines– Verset 9 à 17 – Catherine

Verset 9 : « Leur mental fixé entièrement sur Moi, leurs sens absorbés en Moi, s’éclairant mutuellement et parlant toujours de Moi, ils sont satisfaits (tuṣyanti) et heureux(ramanti) ».

  • Le chercheur spirituel dans la maîtrise des sens qui régule et éduque ses pensées, ses émotions à chaque stimulus et qui se souvient de la Conscience Eternelle dans sa Sadhana et qui partage ses expériences avec d’autres personnes sur le chemin spirituel, ressent une profonde joie.

Verset 10 : « A ces êtres fermes dans leur concentration et qui m’adorent avec dévotion. Je délivre le yoga de la discrimination (Buddhi Yoga), par lequel ils viennent à Moi. »

  • L’éphémère qui nous arrive des sens, qui accapare nos pensées, sont remplacées progressivement par un état de béatitude quand nous avons découvert le Divin en nous par la discipline de la pratique contemplative : Buddhi Yoga.  

Verset 11 : « Par simple compassion pour eux, Moi qui réside dans leur propre cœur ; Je détruis l’obscurité née de l’ignorance, par la lumineuse Lampe de la Connaissance. »

  • « Moi qui réside dans leur propre cœur ». Le Divin existe en chacun de nous et il nous révèle que les voiles qui le cachent ne nous permettent pas de le vivre (faire l’expérience du Soi). Une fois le Divin connu par la méditation et l’expérience du « Samādhi ». Le voile encore légèrement empreint d’ego se dissout pour Révéler sa propre réalité (le Soi resplendit par lui-même).

Verset 12 : « Arjuna dit : Tu es le Brahman Suprême, la Demeure Suprême, le Purificateur Suprême, l’Eternel et Divin Puruṣa, le Dieu de tous les dieux, Non Né, Omniprésent.

  • Arjuna reconnait Kṛṣṇa comme un Être Suprême. (La suprême conscience)

Verset 13 : « Tous les sages visionnaires (Ṛṣi ) l’ont déclaré ainsi, et aussi Devarsi Narada (nom d’un sage), et aussi Asita, Devala et Vyasa. Et maintenant, Toi-même, Tu me le dis aussi. »

  • Krishna se présente comme le Pur Soi, au-delà de son corps, de ce qu’il représente pour Arjuna (conducteur de son char).

Verset 14 : « Je crois tout ce que Tu m’as dit, Ô Kesava ; Véritablement, Ô Bienheureux Seigneur, ni les Deva ni les Dânava ne connaissent Ta manifestation (identité). »

  • Arjuna a une foi absolue en Kṛṣṇa, qu’il nomme Késava « celui qui enlève toutes les souffrances des êtres qui s’en sont remis à Lui ». Arjuna a conscience que sur le Plan Intellect, matériel, il ne peut toucher, ni par les sens ni par le désir d’acquérir, la Vérité Suprême. ???

Verset 15 : « Vraiment, Toi seul Te connais par Toi-même, Ô Puruṣottama (Être Suprême), Ô Source de tous les êtres, Ô Seigneur des créatures, Ô Dieu des dieux, Ô Souverain du monde. »

  • « Toi seul Te connais par Toi-même », il est dit à nouveau que nous ne pouvons connaître le Soi par nos sens via notre Intellect. Le Soi Conscience qui a Conscience de Lui-même.
  • Dans le Samkhya : Il y a Brahman la Conscience Pure, Puruṣa l’étincelle de Vie et Pakṛti qui donne le mouvement, l’enveloppe à la matière. Sans la Conscience Pure, nous ne savons et ne pouvons rien faire. Quand tous les voiles sont tombés apparaît la Conscience Pure.

Verset 16 : « Tu dois sans réserve me dire Tes Gloires Divines, par lesquelles Tu existes, imprégnant tous ces mondes. »

  • Arjuna fait preuve d’humilité et demande à Kṛṣṇa de se révéler à lui dans les détails.

Verset 17 : « Comment puis-je Te connaitre, en méditant sans cesse sur Toi, ô Yogî ? Ô Seigneur Bienheureux, sous quels aspects dois-je penser à Toi ? »

  • Arjuna demande comment à travers la méditation, il peut connaitre et méditer sur le Divin « sans cesse ». « Sous quels aspects dois-je penser à Toi ». Passer de la Connaissance à la pratique. Comment vivre dans la Conscience Divine constamment dans la vie quotidienne et la méditation ?

 

Chapitre 10 – « Les gloires divines » – versets 17 à 26 – Gaëtan

Arjuna a été convaincu par Kṛṣṇa de le reconnaître comme son guide vers la réalisation du Soi. Les versets 17 à 19 introduisent le concept de « gloires divines » propres au Soi.

Verset 17 :

  • En esprit pratique et en homme d’action, Arjuna veut des précisions quant à la façon de méditer sur le Soi. Il emploie l’expression « sans cesse » qui montre qu’il s’agit d’un effort conscient permanent en cohérence avec ce qui a été exprimé par – – – Kṛṣṇa jusque-là : ce yoga s’inscrit dans la vie de tous les jours.
  • Cependant, il lui faut encore être guidé et c’est en toute humilité qu’il interroge le « yogi », le « Bienheureux », l’être réalisé.

 

Verset 18 :

  • Arjuna s’adresse à Kṛṣṇa en employant l’épithète « Janārdana ». Celui-ci est employé pour qualifier Viṣṇu dont Kṛṣṇa est l’un des avatars.
  • Viṣṇu est considéré comme le préservateur dans la Trimurti, le trio des dieux principaux (les forces intérieures) de l’hindouisme qui comprend également Brahman le créateur et Śivā le destructeur.
  • Janārdana signifie : « celui qui est la demeure originelle et le protecteur de tous les êtres vivants ». L’emploi de ce qualificatif témoigne du basculement qui s’est opéré chez Arjuna qui s’abandonne désormais à la sagesse de celui auquel il reconnaît un statut divin et auquel il demande de lui détailler sa « gloire immanente ».
  • Les paroles de Kṛṣṇa sont comme un baume qui l’ont sauvé des affres de l’angoisse et de l’incertitude, il veut continuer à avancer en s’en remettant à Kṛṣṇa (la conscience universelle).

 

Verset 19 :

  • Kṛṣṇa, reconnaît en Arjuna un élève prêt à comprendre et apprendre. Il annonce se lancer dans une réponse exhaustive et organisée en ce qui concerne ses « Gloires immanentes » qu’il va nommer selon leur « prééminence ».
  • L’immanence nommée d’abord par Arjuna et reprise par Kṛṣṇa ici renvoie au distinguo entre le Soi Cosmique ou « vibhuti », transcendant, et le Soi de l’individu, jivatman (ou « yoga » dans ce texte), qui est immanent.

 

Les versets 20 à 39 constituent la liste qui a vocation à décrire le Soi pour qu’il puisse être reconnu.

  • Le verset 20 s’ouvre avec l’épithète « Guḍākeśa » qui signifie « conquérant du sommeil ». Kṛṣṇa reconnaît en Arjuna un élève véritablement prêt à recevoir l’enseignement puisqu’il s’est délivré de l’endormissement que constitue l’ignorance. Son cœur et son intelligence sont ouverts et prêts à recevoir.
  • Kṛṣṇa introduit son exposé avec une idée générale : il est le Soi et par conséquent le « début, le milieu et aussi la fin de toutes les créatures ». Il est à l’origine de la multiplicité et en est constitutif. Issus de la Conscience les êtres retourneront à la Conscience.

 

Verset 21 :

  • Kṛṣṇa se présente comme un des « Ādityas » (fils d’Aditi la déesse mère et du Ṛṣi (sage) Kaśyapa lui-même descendant de Brahmā par son père Marīci) en la personne de Viṣṇu.
  • Il est également le soleil (qui peut renvoyer à la Conscience, mais aussi à l’énergie) et parmi les « Marut » (11 aspects du dieu Rudra dans le Mahabarata, lui-même étant une préfiguration « sauvage » de Śiva) il est Marīci (cité plus haut).
  • Ainsi il est est lié, voire représente, la Trimurti dans son ensemble.
  • Mais il est également la lune « parmi les corps célestes », qui peut représenter notamment l’énergie, mais aussi la lumière dans la nuit.

 

Verset 22 :

  • Kṛṣṇa continue son énumération : « se » présentant comme la quintessence de chaque chose. Au sein des Vedas, des dieux, des sens et dans ce qui est le plus noble en l’Homme.
    – Il est respectivement le raffiné Sama Veda qui comprend une dimension musicale qui préfigure les mantras du Rig Veda; Vāsava ou Indra le roi des dieux, le mental parmi les sens.
  • Rien n’est anodin ici si on considère à la suite de Swami Chinmayananda, qu’Indra est aussi nommé le roi des organes des sens. On se rappelle alors que ceux-ci ont été convoqués sous la forme du mot « devas » précédemment. La boucle est bouclée.
  • Enfin il est l’intelligence en l’être humain, pouvoir qui lui est propre et qui lui confère une grande responsabilité vis-à-vis de la création.

Verset 23 :

  • Il est ensuite Śaṅkara, avatar de Śiva, parmi les Rudras (dieux destructeurs); destruction comme potentiel de création. Il est également Kubera, maître des comptes divins, incarnation grotesque du capitalisme. Il est intéressant de noter ce contre-exemple qui vient dire qu’il est l’excellence en toute chose fut-elle très éloignée des nobles exemples cités précédemment.
  • Il est Agni, parmi les déités présidant aux saisons, les Vasus.
  • Il est le mont Meru (colonne vertébrale du monde) parmi les montagnes, d’où peut s’écouler la sagesse par analogie avec la Kuṇḍalini (énergie de sagesse) siégeant en bas de notre colonne vertébrale.

 

Verset 24:

  • Parmi les « prêtres de la famille », il est Bṛhaspati, qui n’est rien d’autre que le maître spirituel des êtres célestes.
  • Skanda « parmi les généraux », soit le fils de Śiva lui-même. Transcendant, autant qu’immanent puisqu’il est aussi l’océan » parmi « les étendues d’eau ». Sans océan, aucune des autres étendues d’eau n’existerait ni ne se maintiendrait… et l’eau retourne toujours à l’Océan ce qui n’est pas sans rappeler ce qui a été dit précédemment (début, milieu et fin de toute créature).

 

 

Chapitre 10 – Les Gloires Divines – versets 25 à 32 – Nadège

 

Verset 25 : « Parmi les grands Sages (Ṛṣi), je suis Bhṛgu. Parmi les mots, je suis la syllabe Om. Parmi les sacrifices (rituels), Je suis le sacrifice de la répétition silencieuse (Japayajña). Parmi les choses immobiles, je suis l’Himalaya. »

 

  • Bhṛgu est décrit comme le fils de Manu (le fils du mantra). Les mots sont des sons symboles qui permettent de communiquer une représentation : ainsi le nom d’un objet, nous permet de nous représenter cet objet. Si le nom utilisé par le locuteur n’évoque rien à l’auditeur, il faut alors utiliser une paraphrase qui va décrire l’objet en question. Ainsi pour évoquer la conscience, il existe un mot universel qui est la syllabe « OM ».
  • Avec le son « Om », il est possible d’atteindre cette conscience.
  • En répétant silencieusement ce son (Japayajña), il est possible de rester dans cette conscience à tout moment de l’existence. C’est un chemin « facile » ; ce qui est répété induit une « autoroute neuronale » : le cerveau se modifie (et notre comportement) si nous répétons une même chose (pensée ou action). C’est la plasticité cérébrale. En répétant le son « Om », la connexion avec le Soi s’établit dans la durée et de plus en plus facilement. Le cerveau est capable de se modifier et de se réorganiser à n’importe quel âge si nous engageons des actions dans ce sens. Il est ainsi possible d’affaiblir nos tendances négatives. Ce Japayajña n’exige rien ; tout le monde peut le faire.
  • «Parmi les choses immobiles, je suis l’Himalaya. » : ici, il est question des plus hautes montagnes du monde qui sont le grand lieu de méditation des sages, mais qui représentent aussi la Stabilité et la possibilité de s’élever.

 

Verset 26 : « Parmi les arbres, je suis le figuier sacré (Aśvattha). Parmi les sages divins, je suis Nārada. Parmi les musiciens célestes (Gandharva), je suis Citraratha. Parmi les êtres parfaits (Siddha), je suis le muni Kapila.

 

  • Aśvattha (le nom de l’arbre sous lequel Bouddha s’est éveillé) est le nom sanskrit du banian. Le figuier des banians est un arbre qui se développe en arbres géants qui peuvent couvrir plusieurs hectares. Il émet des racines aériennes depuis les branches. Symboliquement, c’est le lieu de repos, de refuge, de stabilité et d’éternité. C’est lieu où l’on peut obtenir la libération spirituelle. Il est souvent associé à Viṣṇu et Śiva. Il représente la manifestation du Soi dans l’univers du visible.
  • Nārada est la force intérieure en nous qui voyage à travers les mondes matériels et spirituels, pour nous guider dans le bien-être spirituel.
  • Parmi les musiciens célestes (Gandharvas : les demi-dieux célestes danseurs, chanteurs et musiciens des planètes célestes), je suis Citraratha : Citraratha désigne le plus important des Gandharvas, le plus « brillant ».
  • Parmi les êtres parfaits (Siddhas : êtres mystiques), je suis le muni Kapila : celui qui atteint l’illumination et qui contribue de manière significative à la diffusion des connaissances spirituelles.

 

Verset 27 : « Sache que parmi les destriers, Je suis Uccaiśravas, né d’Amṛtā. Parmi les éléphants majestueux, je suis Airāvata, et parmi les hommes, je suis le Roi ».

  • Uccaiśravas & Airāvata sont apparus au cours du barattage de la mer de lait https://yogafleurdelotus.com/le-barattage-de-locean-de-lait-samudra-manthan/. Uccaiśravas, le cheval blanc volant à sept têtes qui représentent les sept couleurs de l’arc-en-ciel et de ce fait l’énergie des chakras. C’est l’énergie vitale.
  • Airāvata, l’éléphant blanc à sept trompes. L’éléphant personnifie ce qui est terrestre, l’ancrage lié au chakra racine. Mais l’éléphant n’est pas que le début, il est aussi la fin (Gaja – qui signifie éléphant) : « Ga » : l’alpha – « Ja » : l’oméga, car il est aussi l’intelligence du cœur. L’éléphant est la représentation de la sagesse, il va donner la stabilité et la puissance nécessaire pour atteindre la cible du cœur. Il symbolise la matière des 7 chakras (sept trompes) et rappelle que le corps reste le temple de l’expérience. Sa couleur blanche rappelle que le chemin spirituel réside au cœur de la matière. Uccaiśravas et Airāvata sont également les vahanas (« montures ») de la divinité Indra. Uccaiśravas est par ailleurs aussi associé à «Bali », le chef des Asuras. Indra est le roi des dieux védiques, le roi du ciel. Ce qui signifie que lorsque l’énergie (Uccaiśrava) est dirigée par Indra, elle deviendra une force lumineuse, mais si elle est dirigée par Bali, le roi des démons, elle sera destructrice. Airāvata lui est uniquement dirigé par Indra, il est la force tranquille qui va permettre le passage d’un lieu à l’autre.
  • Le Roi dans la philosophie védique est censé être le sage capable de guider son peuple (peut-être dans nos capacités, il est « Buddhi », la faculté de discernement et d’intuition qui peut conduire le mental vers le meilleur.).

 

Verset 28 : « Parmi les armes, Je suis la foudre (vajra) ; parmi les vaches, Je suis Kāmadhenu (la vache qui exauce tous les vœux). Je suis Kandarpa (le dieu de l’amour), cause de la procréation. Parmi les serpents, Je suis Vāsuki.

  • Vajra, la foudre représente la sagesse du diamant. Quand la pierre brute est polie apparaît le diamant dans toute sa splendeur. Ceci est très symbolique de notre cheminement. Vajra permet aussi la destruction de toutes les « maladies », les ennemis intérieurs.
  • Kāmadhenu ou Shurabhī (La vache sacrée), la mère nourricière cosmique. La représentation de la Terre, source d’abondance et génératrice de tous les désirs. Elle est représentée avec une tête de femme, un corps de vache, des ailes d’aigle et une queue de paon. A partir du moment où nous naissons, que nous devenons terrestres, tous les désirs sont présents et peuvent se réaliser (bons comme mauvais).
  • Kandarpa est aussi Kāmadeva, la divinité de l’amour. Il est représenté sous les traits d’un jeune homme plantureux, ailé et séduisant (un peu comme Cupidon) à la peau verte (couleur de l’amour), brandissant un arc et des flèches (pour répandre l’amour). Son arc est fait de canne à sucre (la douceur) et orné d’un chapelet d’abeilles (symbole de fertilité, créativité et dévotion), et ses flèches sont décorées de cinq sortes de fleurs parfumées qui représentent les cinq sens. Il symbolise ce désir amoureux qui pousse les êtres humains à la procréation. Il régit de ce fait le saṃsāra (le cycle des transmigrations). Le désir amoureux et les jeux de l’amour pour les Vedāntins font partie de la vie. La procréation n’est pas forcément au cœur des joies de l’amour. La plénitude sexuelle permet de faire l’expérience de la plénitude intérieure.
  • Vāsuki est le roi des sarpas (serpent terrestre à une tête, qui peut être venimeux) et orne comme une bague l’un des doigts de Śiva ; il est également la corde qui sert au barattage de l’océan de lait. Le serpent est doté de la capacité de perception. « C’est pourquoi la forme la plus élevée de perception, l’ouverture du troisième œil sur le front de Śiva, est ponctuée par la présence du serpent. » Sadhguru

 

Verset 29 : « Je suis Ananta parmi les Nāgas. Je suis Varuṇa parmi les divinités des eaux. Je suis Aryamā parmi les ancêtres, et je suis Yama parmi les divinités gouvernantes.

  • Ananta est le concept d’éternité ; Il est connu sous le nom de Ādiśeṣa, le roi des nāgas (serpents à plusieurs têtes – capuchons , dépourvus de venin ), il forme le lit sur lequel repose Viṣṇu (sous la forme de Nārāyaṇa – en sommeil yogique ou méditation profonde) – dans l’océan de lait (céleste) et ses mille capuchons créent le dais qui le protège.  Ananta soutient la terre et le dharma.
  • Varuṇa est à la fois un asura (l’eau de l’inconscient) et un deva (l’eau de la conscience). Il est le maître de l’ordre cosmique et quand Indra prend sa place, il s’approprie le pouvoir de l’eau. L’ivresse de la boisson représente la félicité, la joie absolue. Varuṇa comprend la syllabe « Vŗ » qui signifie « entourer ou lier » et « var » qui est le serment, donc Varuṇa est celui qui lie par le serment à la pratique spirituelle, au dharma.
  • Aryamā signifie amitié ; il préside le royaume des ancêtres, Pitṛloka ; il est également la divinité de l’hospitalité et assure la cohésion communautaire. C’est ce principe en nous qui fait le lien entre le passé, le présent et l’avenir ; qui fait émerger l’aménité nécessaire à la vie en groupe.
  • Yama gouverne le royaume des morts comme Dharmarāja (le Seigneur des morts qui préside au dharma – lois cosmiques/éthiques), celui qui attribue une place aux Jīvātmans (les âmes conditionnées) en fonction de leur karma (actions ; ici en l’occurrence passées, mais qui déterminera leur prochaine existence).
  • La Vie dans sa globalité comprend la mort. Dans la philosophie védantique, tout est un, mais tout est en éternelle transformation.

 

Verset 30 : Je suis Prahlāda parmi les Daitya (démons), et le temps parmi les mesures, le Seigneur parmi les animaux sauvages (le lion), et Vainateya (Garuḍa) parmi les oiseaux. »

  • Prahlāda est le fils d’Hiraṇyakaśipu, un roi et un démon qui voulait que tous lui vouent un culte, car il pensait être un dieu. Mais son fils Prahlāda était un adepte de Viṣṇu et donc en désaccord avec son père. Alors Hiraṇyakaśipu jura que Viṣṇu serait son ennemi éternel et qu’il le tuerait. Pour s’attirer les grâces de Brahmā, le créateur, il devint un ascète accompli. Pour le récompenser, Brahmā lui demanda ce qu’il voulait, Hiraṇyakaśipu répondit : l’immortalité. « Ce n’est pas possible, tu le sais bien », répondit Brahmā. « Alors seigneur, » déclara Hiraṇyakaśipu, « je veux que ma mort ne puisse venir d’aucune de tes créatures, que je n’aurai aucun rival. Que je ne pourrai mourir ni durant la journée, ni durant la nuit, ni à l’intérieur d’un bâtiment, ni à l’extérieur, ni sur le sol, ni dans le ciel, d’aucune arme et d’aucun être humain, d’aucune divinité ou d’aucun animal. ». « D’accord », concéda Brahmā « et bonne chance avec cela ! » Se croyant alors immortel et ivre de pouvoir, Hiraṇyakaśipu commença à s’en prendre à la création entière, maltraitant notamment son fils Prahlāda que rien ne détournait de Viṣṇu. Il décida de le tuer, mais Prahlāda échappait à toutes les tentatives de son père contre lui. Alors, un jour, il demanda à Holikā, la sœur de Prahlāda qui avait reçu le don d’être insensible au feu, de monter sur un bûcher embrasé avec son frère sur les genoux. Cependant la foi de Prahlāda le sauva des flammes tandis qu’Holikā paya son méfait en mourant brûlée vive. Un soir, le père et le fils se disputèrent sous le porche d’entrée de la maison, le père voulant que son fils le reconnaisse comme l’être suprême dans la maison et hors de la maison. « Et ton Viṣṇu, il est où ? » hurla-t-il à son fils. « Viṣṇu est partout, dans tout, au-delà du temps et de l’espace, dans les profondeurs et dans le firmament, dans le manifesté et dans le non manifesté », répondit Prahlāda. Alors le père fou de rage se rua sur son fils et frappa de toutes ses forces contre l’un des piliers du porche et demanda, « Il est aussi dans ce pilier de marbre ? » À ce moment-là, sortit du pilier, une créature mi-homme et mi-lion. C’était Narasiṃha, Viṣṇu sous la forme d’un être qui n’était ni un être humain, ni un animal. Dans un puissant grondement, il se saisit d’Hiraṇyakaśipu, le projetant brutalement sur le sol. À l’entrée de la maison, il n’était ni à l’intérieur ni à l’extérieur ; c’était le crépuscule, ni le jour, ni la nuit. Puis il lacéra Hiraṇyakaśipu de ses puissantes griffes, sans arme et sans mains, il le déchiqueta jusqu’à la mort. Il faut savoir que cette légende à l’origine des fêtes de Holi, la lumière qui assujettit l’obscurité, d’où peut émerger l’amour et la compassion, la béatitude intérieure. Nous avons la possibilité de nous affirmer sans violence dans la voie du yoga, mais avec détermination et courage. Nous rencontrerons des résistances extérieures, mais essentiellement des résistances intérieures. Le lion est là pour nous rappeler la force qui est la nôtre pour vaincre les obstacles. La persévérance, la discipline et la confiance sont nécessaires, mais sans désir de réalisation (Patanjali Sutra 1-21 : « le samādhi est atteint par ceux dont le désir de réalisation est intense »), la pratique ne sera jamais vaine, mais ne mènera pas forcément à la Réalisation. Ainsi la pratique d’Hiraṇyakaśipu qui n’avait aucun désir de réalisation l’a mené au pouvoir et au contrôle, tandis que celle de Prahlāda qui était complètement intègre lui a permis de se libérer. Que cherchons-nous réellement ? Soyons honnêtes avec nous-mêmes et surtout soyons clairs. Les deux personnages de cette histoire ont obtenu ce qu’ils voulaient en fin de compte. 
  • « Le temps parmi les mesures »: la vie est circonscrite dans un temps donné, puisqu’ensuite, nous avons la mort. La vie est inscrite dans le cycle des transmigrations. Il est important de se le rappeller, car durant cette période limitée, nous avons la possibilité d’expérimenter et de revenir à l’essentiel :  ceci pour plusieurs raisons : se réaliser (s’extraire des cycles de souffrances), mais aussi mieux vivre et apprécier la vie et le partager.
  • « Le Seigneur parmi les animaux sauvages (le lion) »: le lion est le symbole de la force qui est la nôtre pour vaincre les obstacles.
  • « Vainateya (Garuḍa) parmi les oiseaux. » : Garuḍa est le roi des oiseaux, il est le vahana (véhicule) de Viṣṇu. Créature mi-humaine, mi-aigle, Garuḍa qui signifie « ailes de la parole » (Garuda trouve ses racines dans le verbe « gri » , ou parler) est le vahana (véhicule) de Viṣṇu. Il agit comme messager entre les dieux et les humains. Il est une métaphore de Rik (rythmes), Saman (sons), Yajna (sacrifices) et de atman (Soi, niveau de conscience le plus profond). Il rappelle que le son et notamment les mantras sont des vecteurs particulièrement efficaces pour entrer en contact avec le Soi et nous rendre meilleurs.

 

Verset 31 : « Parmi les éléments purificateurs, Je suis le vent. Parmi les guerriers, Je suis Rāma. Parmi les animaux aquatiques, Je suis le requin. Parmi les rivières, Je suis Jāhnavī (la Gange). »

  • Le vent (Vāyu) symbolise le mouvement, le changement et la force. C’est la force vitale, intrinsèque, c’est la conscience qui agit en nous (le coeur). 
  • Rāma est le chemin, le Soi (la conscience), le potentiel de ce qu’il y a de meilleur en nous.
  • Le requin, créature majestueuse incarne la détermination, la créativité, l’adaptabilité et la résilience, des qualités essentielles qui permettent d’agir et de continuer le cheminement spirituel.
  • Jāhnavī, le fleuve Gaṅgā qui traverse l’univers entier, symbolise la purification et la libération.

 

Verset 32 : « Des créations, Je suis le début, le milieu et aussi la fin, ô Arjuna ; parmi les sciences, Je suis la Science du Soi, et Je suis la logique dans toutes les argumentations (pravadatām). »

  • « Des créations, Je suis le début, le milieu et aussi la fin » : ce qui a déjà été mentionné auparavant : Kṛṣṇa étant la conscience, il imprègne toute chose.
  • « Parmi les sciences, Je suis la Science du Soi » : La plus grande connaissance est celle du Soi. A travers cette connaissance, tout est connu, tout s’illumine. Le cheminement spirituel permet de comprendre le fonctionnement intime tout comme le fonctionnement cosmique pour atteindre le haut degré de Réalisation.
  • « Je suis la logique dans toutes les argumentations (pravadatām). » : « Pravāda » est une explication grammaticale, détaillée. « Vāda » désigne le « débat philosophique » qui représente une méthode d’analyse intellectuelle et catégorise tout ce qui est connaissable et nommable. « Vāda » fait aussi référence à la « voie » par l’écoute et le chant. Les différentes formes d’argumentation permettent de démêler le vrai du faux.

 

 

Chapitre 10 – Les Gloires Divines – versets 33 à 40 – Cherifa

 

 

Chapitre 10 – Les Gloires Divines – versets 41 & 42 – Catherine

Verset 41 : « Tout ce qui est glorieux, prospère ou puissant en tout être, sache que c’est une manifestation d’une partie de Ma splendeur. »

  • Tout ce qui est glorieux, prospère et puissant dans l’univers est une manifestation infime du Divin. 

 

Verset 42 : « Mais à quoi bon te donner tous ces détails, Ô Arjuna ? Sache que J’existe et que Je ne soutiens cet univers que par une parcelle de Moi-même. »

  • Kṛṣṇa réalise qu’il n’est pas nécessaire d’expliquer l’Infini dans chaque forme. « Je ne soutiens cet univers que par une parcelle de Moi-même ». Le Divin se manifeste dans tous les domaines de manière partielle, mais totalement.

Dans ce chapitre, Kṛṣṇa a montré certains aspects du divins en nous. Tout ce que nous sommes en mesure d’exprimer, de vivre et de réaliser comme « deva » ou « devi » (principes « supérieurs »), ce que nous sommes capables de transcender pour réaliser ce qu’il ya de meilleur en nous, se réaliser. Ce sont des exemples parmi tant d’autres. « Je soutiens cet univers (jagat) par une parcelle de moi-même » : ainsi, comme le dit Janaka à Aṣṭavakra : « Je suis véritablement sans tache et en paix, la conscience au-delà de la causalité naturelle. Pendant tout ce temps, j’ai été affligé par l’illusion . De même que je suis le seul à donner de la lumière à ce corps, ainsi je le fais au monde ( jagat ) ( yathā prakāśayāmyeko dehamenaṃ tathā jagat). En conséquence, le monde entier ( jagat-sarva ) est à moi, ou bien rien ne l’est (ato mama jagatsarvamathavā na ca kiñcana). Abandonnant donc maintenant le corps et tout le reste, par un heureux hasard ou alors mon vrai moi devient apparent ». 

 

Chapitre 11 – La Vision de la Forme Cosmique – Viśvarūpa Sandarśana Yoga

Versets 1 à 6 – Catherine

  • Kṛṣṇa a expliqué que tout est contenu dans tout, que la présence Divine est présente dans tout objet, tout être : « Tout n’existe que dans le Soi ».
  • Dans tout pot contenant de l’argile, quelle que soit sa forme, l’argile est l’essence des pots, par la vue, il est possible de percevoir l’argile.
  • Dans une motte d’argile, tous les pots sont dans la matière, le Soi est dans tous les objets. Tout l’Univers est dans le Soi, la vision du Soi se fait par l’œil de la connaissance, par la discrimination.
  • Développer le détachement pour oublier les préoccupations et regarder autour, dans le silence et l’émerveillement.
  • Le concept d’espace divise les entités physiques. Si ce concept est effacé, les objets forment alors une masse ou toutes les formes du monde seraient réunies, dans un même lieu, au même instant, c’est le concept de l’Homme Cosmique, une vision du monde à travers un mental ou les concepts de temps et d’espace n’existent pas.
  • Il nous est dit que si Kṛṣṇa pouvait effacer le « concept d’espace » du mental d’Arjuna, celui-ci serait et nous serions capables de voir l’univers entier comme s’il était dans la paume de sa main.

  

Verset 1 : Arjuna dit : « Par compassion pour moi, Tu m’as révélé le suprême secret concernant le Soi, et grâce à Tes paroles, mon égarement s’est dissipé. »

  • Arjuna remercie ici Kṛṣṇa pour lui avoir « révèle le suprême secret concernant le Soi » ce qui lui a permis de dissiper son égarement. Intellectuellement Arjuna a admis qu’en chaque chose, en chaque être, une étincelle divine est présente et que celle-ci créée l’unité et non la séparation qui engendre la souffrance.

 

Verset 2 : « J’ai écouté ce que Tu m’as expliqué en détail sur l’origine et la destruction des êtres, et aussi sur Ta grandeur infinie, Ô Toi dont les yeux ont la forme de pétales de lotus. »

  • Arjuna exprime ce qu’il a écouté des explications de Kṛṣṇa concernant le cycle des naissances et de mort des êtres et aussi sur les qualités Divines infinies.

 

Verset 3 : « Ainsi, Ô Supreme Seigneur ! Tu as fait cette description de Toi et je désire à présent voir Ta Forme Divine, Ô Purusottama. »

  • Arjuna admet avoir entendu la description faite par Kṛṣṇa de mon immanence, le Divin est en tout. Mais il aimerait voir la Forme Divine.

 

Verset 4 : « Ô Seigneur, si Tu penses qu’il est possible pour moi de La voir, montre-moi Ta Forme impérissable, Ô Seigneur des Yoga. »

  • Il questionne Kṛṣṇa sur sa capacité, à ce qu’il lui montre sa « Forme impérissable ». On peut entendre l’humilité d’Arjuna, « si Tu penses qu’il est possible pour moi… Ô Seigneur … ». Arjuna sait maintenant qui est Kṛṣṇa, au-delà d’un maître mortel.

 

Verset 5 : « Le Seigneur Supreme dit : Contemple, Ô Partha, les centaines de milliers d’aspects divins qui sont les Miens, de couleurs et de formes différentes. »

  • Kṛṣṇa a proposé à Kṛṣṇa de contempler les « centaines de milliers d’aspects du divin, de couleurs et de formes différentes ». Voir au-delà des perceptions physiques le Divin.

 

Verset 6 : « Contemple les Âditiya, les Vasu, les Rudra, les (deux) Asvin et aussi les Marut. Voir toutes ces merveilles qui n’ont jamais été vues auparavant ».

  • Kṛṣṇa cite différents aspects du Divin.

 

Chapitre 11 – La Vision de la Forme Cosmique – versets 7 à 14 – Gaëtan

À la demande d’Arjuna, Krisna va se révéler sous des formes divines et multiples, à l’image des manifestations du Soi.

Verset 7 :

  • Krisna s’adresse au « Guḍākeśa », celui qui maîtrise le sommeil, que je comprends comme celui qui, éveillé, est capable de discerner. Il lui propose de voir tout ce qu’il est possible de voir en devenant comme la scène où tout peut se jouer.
  • Puisqu’il s’agit de voir « l’animé comme l’inerte », mais aussi « tout ce qu[‘il] désire[s] », on peut entendre qu’il s’agit également de choses qui ne se sont pas encore produites, comme le dénouement de la guerre dont il est question.

Verset 8 :

  • Cependant Arjuna doit avoir accès à une capacité extrasensorielle pour « voir » Krisna sous ses formes divines et appréhender son pouvoir. Il lui fait donc don d’une capacité de discernement supérieure.

Verset 9 :

  • Vyāsa (le philosophe qui raconte toute l’histoire du Mahābhārata) nous fait revenir à Hastināpura, le palais de Dhṛtarāṣṭra. Nous pouvons ainsi voir Sañjaya, son reporter particulier, nous donner du champ par rapport à une scène spectaculaire qui est décrite au roi.
  • Cela intervient comme une rupture narrative qui pourrait être destinée à mettre en exergue le caractère spectaculaire de ce qui va être décrit, comme si la puissance de l’expérience vécue par les protagonistes ne pouvait plus être décrite par eux via des mots.
  • Notons que Sañjaya met moins de déférence dans les termes qu’il utilise pour qualifier son souverain que pour désigner Krisna le « grand Seigneur du Yoga » et « Souverain de l’Univers ». Il y a un contraste saisissant entre la gloire attribuée au roi mortel et celle reconnue au souverain immortel. 

Versets 10 et 11 :

  • Ces versets décrivent ce qu’il est impossible de décrire. Krisna semble contenir toutes les divinités en lui. En effet il porte « joyaux…armes…et parfums » tous divins ainsi que des « guirlandes et des vêtements célestes ».
  • Il est dès lors l’Un contenant le Multiple, infini et pouvant tourner « son visage de tous côtés » pour tout percevoir et appréhender.

Verset 12 :

  • Sañjaya n’est pas loin d’être aveuglé par ce qu’il tente de percevoir. Il doit accueillir et traduire en mots une expérience inconcevable, faire face à « mille soleils ».
  • Sañjaya est presque laconique quand il s’agit de rendre compte de ce dont il est témoin ; peut-être, justement, par ce qu’il s’agit d’une expérience surhumaine, que les objets de perception ne peuvent appréhender et que l’intellect et la connaissance limitée du rapporteur ne peuvent lui permettre de concevoir correctement.

Verset 13 :

  • Sañjaya qualifie ici Krisna de « Dieu des Dieux ». En effet l’Univers semble avoir pris forme pour se révéler aux hommes.
  • Arjuna peut « voir », doté de la capacité de discernement supérieure qui lui a été attribuée par Krisna, la Multiplicité dans l’Un. Le concept d’espace, qui sépare, n’existe plus maintenant qu’il peut percevoir avec son Intellect.

Verset 14 :

  • Et ce qu’il « voit » le saisit. Se côtoient alors « émerveillement » et effroi, deux émotions qui le font se prosterner devant Krisna « les mains jointes ». Cette vision appelle l’humilité.

 

Chapitre 11 – La Vision de la Forme Cosmique – versets 15 à 22 – Nadège

Verset 15 « Arjuna dit : « Je vois tous les dieux, ô Dieu (deva) et aussi une multitude d’êtres divers. Je vois Brahma, le Créateur assis sur le lotus, tous les sages (Rishis – Ṛṣis) et les serpents divins ».

  • Le philosophe et poète Vyāsa utilise autant de métaphores pour décrire la perception extra-sensorielle d’Arjuna. Grâce à la pratique du Yoga, nos perceptions s’affinent et nous sommes capables de distinguer certains « concepts », « compréhensions » qui nous étaient jusque là hermétiques. Arjuna perçoit alors toutes les qualités divines, « Adhidaiva » dans adhibhūta-adhyātmaadhibhūta-adhidaiva et adhidaiva-adhyātma : Fondamentalement, les trois représentent l’extérieur ou tangible (adhibhūta), l’intangible décrit comme divin (adhidaiva) et celui appartenant au « soi » identifié au corps, à l’esprit, à l’ātman, etc. (adhyātma).

 

Verset 16 : Je Te vois partout en ta forme infinie, avec d’innombrables bras, ventres, bouches et yeux. Je n’en vois ni la fin, ni le milieu, ni le début, ô seigneur de l’Univers, ô Forme Cosmique. »

  • L’intellect humain n’est pas l’instrument le plus adéquat pour percevoir la conscience dans toute sa splendeur.
  • Ce que dit le texte ici, c’est que dans chaque forme animée ou inanimée réside la conscience. L’unité universelle ne peut être perçue ni par les yeux ni par le mental, le raisonnement, l’ego, elle est perceptible autrement, dans un grand état de sensibilité intérieure, par la méditation.
  • Tout est jeu de Lila, la vie.
  • Tous les êtres vivants ne forment qu’une seule et même guirlande.

 

Verset 17 : « Je te vois arborant un diadème (Kirīṭī), portant la massue (Gadā) et le disque (cakra), resplendissant de lumière, d’un éclat difficile à soutenir, flamboyant comme le feu brûlant et comme le soleil incommensurable. »

  • Arjuna poursuit sa description : il voit la lumière de Kṛṣṇa et à travers Kṛṣṇa, la forme de Viṣṇu lui-même avec ses attributs : Kirīṭī, la couronne ou diadème des divinités (l’aura des sages) ; Gadā qui représente l’intelligence cosmique ou le pouvoir de la connaissance ; le disque (cakra) dans la main supérieure droite de Viṣṇu est appelé Sudarśana, ce qui signifie « agréable à voir ». Il représente le centre immuable et immobile, la Cause suprême. L’Esprit Cosmique possède le pouvoir illimité de créer et de détruire toutes les sphères d’existence (lokas) et formes de l’univers, dont la nature est de tourner. Le Disque représente la « volonté de se multiplier ». La roue n’a qu’un seul centre, mais on dit qu’elle possède mille rayons.
  • La Vérité Éternelle est une et la même, partout et en tout temps ; seules ses manifestations sont variées.
  • La lumière dont il est question ici est l’éclat qui illumine toutes les facettes de ce que nous sommes et permet de les transcender.
  • Le langage est limité pour décrire l’expérience du Soi.

 

Verset 18 : « Tu es l’Impérissable, l’Être Suprême qu’il faut réaliser. Tu es le support de l’Univers. Tu es le Protecteur indestructible du Dharma Éternel. Tu es le Puruṣa éternel, telle est ma conviction. »

  • De l’expérience du Soi qui est une expérience indescriptible, Arjuna comprend intrinsèquement ce qu’il a vécu. Il sait maintenant, intérieurement, profondément que tout est conscience.
  • En regardant les vagues aller et venir sur la surface de l’océan, nous savons qu’elles proviennent de l’océan lui-même. Arjuna conclut dans son expérience que le substrat de toutes les formes est Kṛṣṇa, la conscience et que c’est une vérité éternelle.
  • Tout change constamment au rythme du temps et de l’espace, et pourtant derrière tout ce mouvement existe un principe éternel et stable appelée conscience.
  • Ici Puruṣa est à la fois le principe éternel et « désir » de ce principe d’exister en de multiples formes, quelles qu’elles soient, que nous ressentons comme négatives ou positives.

 

Verset 19 : « Je Te vois sans commencement, ni milieu, ni fin, infini en puissance, aux bras sans fin, le soleil et la lune étant Tes yeux, le feu brûlant Ta bouche, chauffant l’univers entier de Ton rayonnement. »

  • L’infini n’a ni de commencement, ni de milieu, ni de fin comme l’image de la matière inerte et dense d’avant le Big Bang.
  • « Aux bras sans fin » : derrière ou dans chaque action réside le divin, la conscience. La Vie est dynamique.
  • « Le soleil et la lune étant Tes yeux » : c’est une très belle image. Le principe de lumière est le principe de l’œil, de vision dans sa version symbolique. La lune se trouve dans l’œil gauche (principe de l’intériorité), le soleil se trouve dans l’œil droit (principe de l’action). Nous retrouvons ici les métaphores cosmiques. Le macrocosme et le microcosme sont identiques.
  • « Le feu brûlant Ta bouche » : le feu étant le principe du son et de la bouche. La représentation de Viśvarūpa (la forme cosmique) avec le feu brûlant dans la bouche symbolise les cycles éternels de création et de destruction, l’interaction complexe entre ordre et chaos, au sein du divin.
  • « Chauffant l’univers entier de Ton rayonnement » : lorsque nous vivons dans la conscience, elle illumine chaque instant de la vie. Elle est aussi dans l’énergie vitale qui permet toute vie. Sans feu au sein de la terre, il n’y a pas de vie possible.

 

Verset 20 : « L’espace entre la terre et le ciel et tous les plans cardiaux est rempli par Toi seul. Voyant cela, Ta forme merveilleuse et terrifiante, les trois mondes tremblent de peur, ô Grand Être. »

  • Le concept de l’unité universelle est difficile à saisir. Il y a une sorte de stupéfaction à cette révélation.
  • En présence de tant de vastitude, on peut ressentir de la peur. En effet, nous avons l’habitude de voir le monde depuis notre prison intérieure, le prisme de nos pensées et conditionnements ; il n’est pas facile de lâcher ces représentations et de s’ouvrir à cette nouvelle perspective.
  • Les trois mondes sont nos trois corps qui sont imprégnés de ces fausses perceptions.

 

Verset 21 : En vérité, des légions de Deva entrent en Toi. Certains, dans leur frayeur, chantent tes louanges, les mains jointes. Des rassemblements de grands sages (Ṛṣi) et d’hommes parfaits (siddha), s’écrient : « Que le bien soit ! », et te célèbrent par des hymnes sublimes.

  • Maintenant Arjuna décrit les mouvements qu’il observe.
  • « Des légions de Deva entrent en Toi » : Deva fait ici référence à « l’état céleste d’existence karmique de la création et représentent différents états d’existence ». Ce qui explique que certains terrifiés par « l’inconnu » chantent les louanges de la conscience pour d’une certaine manière attirer ses faveurs. Mais ce n’est qu’un prisme de compréhension, car la conscience est la conscience et ne représente ni danger ni sécurité en réalité.
  • Quant aux grands sages (Ṛṣi) et d’hommes parfaits (siddha) (ayant atteint la réalisation), ils savent que l’un est dans tous les mouvements de la vie, la paix, la guerre, la vie et la mort. Rien n’est jamais perdu même dans les moments les plus difficiles. Il n’ y a pas de fin à la conscience.
  • Selon où nous en sommes dans notre cheminement, la vie va nous paraître plus ou moins simple ou rude. Ceux qui ont intrinsèquement compris que la conscience est comme un diamant indestructible professe la paix en eux et autour d’eux.

Verset 22 : « Les rudras (toutes les manifestations de Śiva), les ādityas (toutes les manifestations du Soleil), les Vasus (les personnifications des phénomènes naturels et des cycles), les Sādhyas (les esprits du Ciel), les Viśva Devas (les devas incarnés sur terre), les deux Aśvins (l’élément cosmique et l’élément humain comme deux médecins qui voyagent sur un char), les Maruts (les divinités de la tempêtes), les Ușmapas (les âmes des ancêtres), les Gandharvas (les légions de musiciens célestes), les Yakșas (les êtres ignorants), les āsuras (démons) et les Siddhas (les êtres parfaits), tous Te regardent et sont émerveillés. »

  • Toutes les manifestations de la conscience produisent de l’émerveillement.
  • Adbhuta fait référence au sentiment du merveilleux. L’émerveillement est l’une qualité essentielle pour goûter pleinement la vie. C’est une sensation qui apparaît devant une situation extraordinaire et qui submerge complètement en annihilant l’ego. Tout le monde rêve de vivre ces expériences, imprévisibles, sublimes. C’est un sentiment inattendu qui ne peut être convoqué par la volonté. Cependant, c’est aussi une manière (et « les manières se cultivent » dixit Mathieu Ricard) d’appréhender la vie. C’est le mystère au cœur de l’existence. Adbhuta est un grand cadeau qui permet d’accueillir l’essence profonde de l’être.
  • L’état d’émerveillement d’une nature spécifique se manifeste par une béatitude supérieure à toute expérience ordinaire de plaisir ou de joie. La béatitude est l’essence de la lumière – une lumière extrêmement dense, consistant en la délectation de la conscience par elle-même
  • « L’émerveillement peut naître en notre esprit en toutes circonstances — en croisant le regard d’un enfant qui vient de naître, en étant témoin d’un acte d’une grande bonté, ou en laissant notre esprit reposer au sein de la paix intérieure. » Mathieu Ricard

 

Chapitre 11 – La Vision de la Forme Cosmique – versets 23 à 30 – Chérifa

Verset 23 : « Ô Toi aux bras puissants, … et moi aussi »

  • Arjuna contemple la forme cosmique, qui rassemble en elle toutes les dimensions de l’existence. Des innombrables visages et yeux représentent la multiplicité infinie des perspectives. Les bras, jambes, ventres signifient que cette conscience s’exprime dans toutes les actions, tous les mouvements, toutes les naissances et transformations. Les multiples dents, symbole de l’aspect redoutable de la vie, la destruction, la mort. La vision n’est pas seulement belle, elle est aussi écrasante, car elle inclut l’ombre et la finitude.
  • Les « mondes sont terrifiés » comme Arjuna lui-même qui tremble devant cette immensité. Cela illustre une vérité spirituelle, lorsqu’on perçoit la totalité, sans filtre, cela dépasse l’humain.
  • Le verset montre que la réalité ultime n’est pas seulement douce et consolante, elle est aussi écrasante, car elle contient tout, y compris ce qui fait peur.
  • La peur d’Arjuna reflète notre propre difficulté à accepter que la vie englobe à la fois création et destruction, beauté et laideur.

 

Verset 24 : « En voyant Ta forme toucher le ciel…, et ne trouve ni courage ni paix, ô Viṣṇu »

  • La vision dépasse toute limite terrestre. Elle envahit l’espace, reliant le fini à l’infini.
  • La multiplicité des couleurs symbolise la diversité infinie des phénomènes. Tout est contenu, la lumière, l’énergie.
  • La bouche ouverte suggère l’engloutissement, la dissolution des êtres.
  • Les yeux vastes et brillants représentent la conscience qui voit tout, sans limites.
  • Arjuna exprime la sidération et l’effroi, son « soi intérieur » vacille devant cette immensité. Il perd sa stabilité et sa tranquillité. Ce qui est sublime est en même temps terrifiant. La totalité de l’existence est trop vaste pour l’esprit humain ordinaire. Ici, Kṛṣṇa est nommé Viṣṇu (car il est un de ses avatars).
  • Ce verset nous montre le vertige existentiel, quand on entrevoit l’infini, nos repères habituels s’effondrent.
    Nous pouvons être attirés et effrayés à la fois.
  • C’est une étape sur le chemin spirituel, il faut reconnaître que l’infini ne se laisse pas réduire à ce qui est connu, rassurant.

 

Verset 25 : « Voyant tes bouches terrifiantes et tes dents, flamboyant comme le feu du déluge cosmique. Je ne sais plus où sont les points cardinaux et j’ai perdu toute paix. Accorde-moi Ta grâce, ô Seigneur des dieux, ô Demeure de l’univers ! »

 

  • Les dents représentent la puissance dévorante de la vie, car tout ce qui naît est voué à être englouti par le temps. C’est la vision du côté destructeur, inévitable, de l’existence. La Comparaison avec le feu cosmique qui, à la fin des cycles, consume les mondes, montre à Arjuna que le temps est un feu qui dévore tout, et que rien n’y échappe.
  • Face à l’infini, les repères ordinaires (ici représentés par les 4 points cardinaux) disparaissent. C’est une expérience de vertige existentiel. Il n’y plus de haut, de bas, de passé, d’avenir.
  • « J’ai perdu toute paix » L’esprit humain, accoutumé à chercher sécurité et stabilité, est submergé par l’immensité qui ne laisse rien fixe.
  • Arjuna implore la « grâce » non pas une faveur extérieure, mais une apaisante reconnaissance dans la source de tout.
  • Il appelle « ô demeure de l’univers », c’est-à-dire la conscience universelle dans laquelle tout naît, vit et se dissout.
  • Ici, nous sommes confrontés à l’inévitable : la puissance destructrice du temps.
    Lorsque nous faisons face à cela sans détour, la peur surgit, une perte de repères, d’orientation, d’illusion de sécurité.
    Mais c’est aussi une invitation à chercher non pas un refuge extérieur, mais une paix intérieure plus profonde, au-delà des formes passagères.

 

Verset 26 : « Tous les fils de Dhṛtarāṣṭra, les nombreux rois de la terre, Bhīṣma, Droṇa et Kama, le fils d’un conducteur de char, ainsi que les principaux guerriers de notre armée »

  • Arjuna voit ses propres cousins (les Kauravas), destinés à la destruction dans cette guerre, ce n’est plus une vision abstraite, il reconnaît des visages familiers, proches, aimés ou respectés. Bhīṣma, son parent vénéré, Droṇa, le maître qui lui a enseigné l’art du combat. Tous, malgré leur grandeur, sont happés par le flot du temps destructeur.
  • Arjuna remarque que non seulement ses ennemis, mais aussi ses propres alliés, « les principaux guerriers de notre armée » sont voués à la même destinée. La vision transcende la dualité de victoire et de défaite, amis et ennemis partagent le même sort face au temps.

 

Verset 27 : « Se précipitent dans Tes bouches, épouvantables avec leurs dents effrayantes. On en voit certains suspendus entre Tes dents, leurs têtes broyées »

  • Cette image souligne que le temps n’épargne personne : ni roi, ni guerrier, ni sage, ni maître. Tout est avalé dans le cycle de naissance et de mort.
  • Arjuna voit les guerriers s’élancer presque volontairement « se précipitent » vers la destruction. Cela illustre que les êtres, pris dans la roue du destin, vont sans résistance vers leur fin. Même ceux que nous croyons puissants, intouchables, éternels dans leur gloire ou leur rôle sont soumis à la même loi universelle. La bouche du temps n’épargne ni les plus grands ni les puissants.
  • « Avec leurs dents effrayantes »: c’est l’image de la mort inexorable, qui déchire toute forme, le côté implacable de la vie qui se manifeste sans adoucissement.
  • « Suspendus entre tes dents », Les héros, pourtant puissants, sont vus avec leurs « têtes broyées » symbole de la dissolution totale de l’ego, du statut, de la gloire, tout est réduit en poussière.
  • Arjuna décrit ici un aspect terrifiant, non seulement la mort, mais la violence même du processus de destruction. Ce n’est plus l’image poétique du temps, mais la vision brute du chaos et de la fin.
  • Tout ce que nous appelons « grand », « fort », « glorieux », finit broyé par le temps. Nous nous y jetons nous-mêmes, pressés par le désir, l’orgueil, la peur, dans cette bouche inévitable.
  • La vision d’Arjuna est le miroir de notre condition, une marche inconsciente vers la dissolution, à moins de reconnaître la réalité plus profonde qui englobe naissance et mort. (Dans la mythologie grecque, on parle de Chronos et de keiros ).

 

Verset 28 : « En vérité, comme les flots impétueux de nombreuses rivières courent vers l’océan, ces héros du monde des hommes entrent dans tes bouches flamboyantes »

  • Les rivières représentent les multitudes d’êtres vivants, l’océan est le temps ou l’infini, qui reçoit tout sans fin. Cette comparaison insiste sur la loi naturelle et inévitable : tout ce qui coule finit par rejoindre les mers et les océans.
  • Les flots des rivières n’ont pas de choix, ils suivent la pente de la gravité. De même, les êtres suivent la pente du temps et de la destinée. L’image de l’océan est intéressante, car il est à la fois le lieu de dissolution et d’union.
    Dans l’océan, toutes les différences des rivières disparaissent, mais elles deviennent aussi partie intégrante d’un tout plus vaste.
  • Ce ne sont pas seulement les faibles ou les inconnus, mais aussi les plus grands parmi les hommes. Leur gloire et leur courage ne les protègent pas de la dissolution.
  • Le feu des bouches symbolise le processus brûlant de transformation de la vie, de la mort, et des renaissances. Tout est absorbé et transmuté dans ce foyer cosmique.

 

Verset 29 : « Comme les papillons de nuit se jettent dans les flammes pour y périr, toutes ces créatures se précipitent dans Tes bouches pour leur propre destruction »

  • Une autre comparaison fait suite à celui des rivières et de l’océan, celle des papillons de nuit attirés inexorablement par la lumière (forcément à l’époque la lumière du feu). Ils se jettent dans la flamme qui les consume. Cette comparaison souligne que souvent ce qui séduit peut aussi détruire. Ni les papillons ni les hommes ne freinent leur course vers leur fin. L’avidité, l’orgueil, le désir poussent les êtres à se jeter eux-mêmes dans la bouche du temps.
  • Ce verset met en lumière la fascination du vivant pour ce qui le détruit.
  • Nous nous précipitons souvent, comme des papillons vers le feu, dans des désirs ou des conflits qui finissent par nous consumer.
  • Arjuna réalise que l’humanité tout entière participe à ce mouvement, portée par l’élan irrépressible du temps et de la destinée.

 

Verset 30 : « De tes bouches embrasées, Tu dévores tous les mondes en te pourléchant. Tes rayons brûlants, emplissant l’univers entier de leur ardent éclat, le brule, ô Viṣṇu »

  • Arjuna voit le feu cosmique, qui dévore sans distinction tout ce qui existe
  • « Pourléchant »: l’image de la « langue de feu qui lèche » rappelle les flammes qui consomment sans cesse, inlassablement. Ce ne sont plus seulement des héros ou des mondes individuels c’est l’univers entier qui est aspiré dans cette vision de dissolution. C’est une vision apocalyptique, mais aussi cyclique, car la fin d’un monde annonce le début d’un autre.
  • L’éclat de cette forme universelle ne se limite pas à un feu destructeur. C’est aussi une lumière si intense qu’elle inonde tout.
  • Elle révèle la dimension du sublime : terrifiante, mais aussi transcendante. (La sublimation est le changement d’état d’un corps de l’état solide à l’état gazeux, directement, sans passer par l’état liquide.)

 

Dans le texte, Arjuna s’adresse à Kṛṣṇa en l’appelant Viṣṇu. Ici, il voit que la force qui préserve est aussi celle qui consume. La traduction de Viṣṇu : « Viṣ » : pénétrer se rependre. Viṣṇu :  « Celui qui pénètre tout », « la présence universelle qui soutient tout ». La même puissance qui soutient et pénètre l’univers est aussi celle qui le consume.

 

Chapitre 11 – La vision de la forme cosmique – Versets 31 à 43 – Catherine

Verset 31 : « Dis-moi, qui es-tu, Toi dont l’apparence est si terrifiante ? »

  • Arjuna interroge Kṛṣṇa sur qui il est au-delà de ce que ses sens voient. Il reconnait en Kṛṣṇa un être Divin » Ô Seigneur suprême » et « terrifiant », qui dépasse sa compréhension de base.
  • « Je désire Te connaître », il veut aller plus loin dans la connaissance, et à la fois on entend sa peur et son incompréhension « terrifiant » … ». « Je ne comprends pas pourquoi Tu agis ainsi ». Il se voit devant les démons extérieurs et ses démons intérieurs (symbolisés par les Kauravas), il sait qu’en continuant d’agir dans le Dharma, celles-ci vont mourir. La force qui l’accompagne est Kṛṣṇa, dont il sent la nature Divine.

 

Verset 32 : « Je suis le Temps destructeur de l’univers… »

  • Chaque chose, chaque être nait de quelque chose qui a été détruit. Kṛṣṇa se présente comme le Temps « engagé dans l’annihilation des mondes ». Le Temps fait son œuvre quoiqu’il arrive pour le renouveau. Le cycle de la vie. C’est le Divin, le Dharma qui renaît quoiqu’il arrive, même si l’ego humain est en guerre, le Temps fait son œuvre.
  • Kṛṣṇa encourage Arjuna à agir. Le Divin est en tout et partout, il a déjà imprégné chaque guerrier, chaque peur, chaque émotion qui sont amenés à disparaitre, puisqu’ils ne sont pas Dharmiques. « Vaincs les ennemis et jouis d’un royaume prospère. Vraiment, ils ont déjà été détruits par Moi. Sois simplement un instrument (de cette victoire) » Kṛṣṇa invite Arjuna à agir avec confiance. Ceci m’inspire le Sthira et le Sukham, l’action dans le lâcher-prise. Arjuna doit agir en tant qu’instrument, avec ses capacités Dharmiques (Ô Toi l’archer à l’habile main gauche !) : se laisser aller dans la volonté Divine (pour le résultat sans attachement, sans peur). Arjuna doit agir avec dévotion et confiance face à ses parts négatives, sans peur, puisqu’il est dans le Dharma.

Verset 33-34 : « Lève-toi et conquiers la gloire »

  • Kṛṣṇa encourage Arjuna à agir. Le Divin est en tout et partout, il a déjà imprégné chaque guerrier, chaque peur, chaque émotion qui sont amenés à disparaître, puisqu’ils ne sont pas Dharmiques. « Vaincs les ennemis et jouis d’un royaume prospère. Vraiment, ils ont déjà été détruits par Moi. Sois simplement un instrument (de cette victoire) ».
  • Kṛṣṇa invite Arjuna à agir avec confiance. Ceci m’inspire le Sthira et le Sukham, l’action dans le lâcher-prise. Arjuna doit agir en tant qu’instrument, avec ses capacités Dharmiques (Ô Toi l’archer à l’habile main gauche !) : se laisser aller dans la volonté Divine (pour le résultat sans attachement, sans peur).
  • Arjuna doit agir avec dévotion et confiance face à ses parts négatives, sans peur, puisqu’il est dans le Dharma.

 

Verset 34 : Les guerriers sont cités par Kṛṣṇa comme étant déjà détruits par le Temps

 

Verset 35 :  Sanjaya dit : « Après avoir entendu les paroles de Keśava, le Prince couronné d’un diadème, les mains jointes, tremblant et prosterné, s’adressa de nouveau à Kṛṣṇa, d’une voix altérée, s’inclinant, submergé de peur : »

  • Ici Arjuna porte une couronne de diadème il est présenté comme un futur prince. Il est prosterné tremblant, apeuré devant la forme divine Universelle de Kṛṣṇa.

 

Verset 36 : Arjuna dit : « Il est juste, Ô Hṛṣīkeśa, que le monde se réjouisse et trouve sa joie dans Tes louanges. Les démons (raksasa) épouvantés s’enfuient dans toutes les directions, et les légions d’êtres parfaits (siddha) se prosternent devant Toi. »

  • Devant la révélation de la forme Divine, le monde se réjouit en louange. Il est décrit des réactions différentes de joie, de prosternation et de crante selon qui les perçoit.
  • Hṛṣīkeśa :  littéralement, īśa : « seigneur », hṛṣīka : « des sens » ou Maître des sens.

 

Verset 37 : « Et comment ne se prosterneraient-ils pas devant Toi Ô Grand Être, Toi qui es plus grand (que tout), Toi qui es la cause primordiale, même de Brahman le Créateur, Ô Seigneur Infini, Ô Seigneur de tous les Dieux, Ô Demeure de l’Univers. Tu es l’Impérissable, ce qui est au-delà à la fois du Manifesté et du Non Manifesté. » 

L’Infini- le Seigneur des Dieux – la Cause Primordiale est :

  • Au-delà de toutes formes
  • Pénètre tout
  • Eternel
  • Omniprésent
  • Réunit les noms et les formes
  • Il est présent dans le Manifesté (Sat)
  • Il est présent dans le Non Manifesté (asat)
  • Dans la matière – dans les objets d’expériences disponibles pour les organes de perceptions, sentiments et pensées, ce qui cause les perceptions, les émotions, les pensées. Les Vasanas
  • Le Seigneur transcende tout.
  • Il est l’Origine de tout, il est en tout et il transcende tout. Et pour cela il élargit notre cœur de manière incommensurable.
  • Le Soi – la Conscience Pure – le Désir de créer – Celebration de la Nature de Kṛṣṇa qui est présent en tout, qui est l’essence de tout.

 

Verset 38 : « Tu es le Dieu Primordial, l’Être Ancien (Puruṣa). Tu es le Refuge Suprême de cet univers. Tu es Celui qui connaît et Ce qui doit être connu. Tu es le Demeure Suprême. Cet univers est pénétré par Toi, Ô Être aux Formes Infinies. »

  • Le Soi – la Conscience Pure – le Désir de créer – Celebration de la Nature de Kṛṣṇa qui est présent en tout, qui est l’essence de tout.

 

Chapitre 11 – La Vision de la Forme Cosmique versets 39 à 46 – Gaëtan

 

Arjuna, témoin de la forme cosmique dans laquelle Kṛṣṇa se révèle en tant que seigneur de l’Univers, a été exhorté par ce dernier à réaliser ce qui est inéluctable puisque déjà écrit : mener le combat pour le Dharma. À présent ce dernier s’adresse à nouveau à Kṛṣṇa et se lance dans une litanie de louanges aux allures de prière.

 

Le verset 39 en fait partie, il décrit Kṛṣṇa comme étant la totalité des dieux adorés à la période védique : Vāyu, Agni, Yama, Varuṇa, Śaśāṅka (Lune). Alors qu’ils étaient vénérés comme des entités séparées,

  • Arjuna réalise qu’ils ne sont que des facettes d’un même diamant. Le Soi est à l’origine de Tout, en cela il est « l’Aïeul ».

 

Le verset 40 réitère la proclamation suivante : le Soi est l’Existence et l’Essence. Arjuna célèbre ce qui est partout et en Tout.

 

Les versets 41 et 42 se présentent comme une supplique à Kṛṣṇa : il s’agit pour Arjuna de se faire pardonner pour la familiarité avec laquelle il l’a traité jusque-là, ne voyant pas au-delà des apparences- qui est l’occasion de mettre de l’intime après un moment spectaculaire, grandiose, aux dimensions cosmiques.

  • Kṛṣṇa a été nommé « Yādava » entre autres, ce qui le cantonne à un lignage, certes noble, mais néanmoins très « humain » et donc limité. On retrouve cette intimité dans la liste des moments qu’ils ont partagés ensemble qui dit, de mon point de vue, que le divin, la Conscience a toujours été là même quand Arjuna ne le percevait pas.
  • Le terme « Acyuta » vient faire effet de contraste avec les termes employés pour qualifier la familiarité dans la relation. En effet il s’agit d’un des épithètes de Viṣṇu qui le désigne comme immuable ou infaillible.

 

Dans le verset 43, Arjuna poursuit ses louanges et se réfère aux « trois mondes » qui renvoient aux trois états de conscience que sont la veille, le rêve et le sommeil profond, eux-mêmes attachés aux trois « corps » (śārīras) : grossier (physique), subtil (énergétique), causal (éthérique). La dualité inerte/animé est aussi invoquée et n’est pas sans rappeler ce qui a été dit précédemment quant au manifesté/non- manifesté. Ces rapports renvoient à la Totalité.

 

Le verset 44 introduit la fin de la supplique qui arrive à son apogée avec une demande de pardon. Il s’agit pour Kṛṣṇa de pardonner comme un « père », un « ami », « un amant » qui renvoient à 3 types d’attachement et probablement à ce que ces attachements viennent générer en termes d’ego.

  • Arjuna nous invite à nous prosterner intérieurement plutôt que physiquement en faisant, humblement, le sacrifice des erreurs consécutives à nos attachements.

 

Le verset 45 décrit à travers l’expérience d’Arjuna, celle du chercheur spirituel qui fait l’expérience inédite de la contemplation du Soi.

  • « Heureux » dans un premier temps, mais vite rattrapé par la « peur et [la]détresse » lorsque l’ego se manifeste à nouveau, pas complètement dissous dans la Conscience et pas prêt à laisser le mental s’installer durablement dans cette transcendance. Alors vient le besoin de réassurance exprimé par Arjuna qui demande à ce que Krishan revienne à une forme plus rassurante, miséricordieuse plutôt que grandiose.

 

Cette forme est décrite au verset 46 : avec le « diadème, la massue et le disque », la forme à quatre bras plutôt qu’à « mille ».

  • Mille renvoyant probablement plutôt à la multitude voire à l’infinité qu’au nombre précis. Avec ses quatre bras, Kṛṣṇa reste divin, mais se rapproche de l’humain, de ses limites, du connu.
  • La symbolique des quatre mains renvoie aux quatre dimensions de l’esprit : mental, intellect, sens de l’ego et « citta » ou conscience.
  • Quatre « mains » qui sont autant de moyens d’action, de pouvoir d’agir. La conque et le lotus viennent compléter la liste des attributs rattachés à l’avatar de Viṣṇu ici évoqué : « Vāsudeva » (« Celui qui imprègne et s’amuse »). La conque pour appeler l’homme à faire son devoir, à suivre le Dharma, la massue pour le rappeler à l’ordre s’il n’entend pas cet appel, le disque ou roue du temps pour le détruire s’il persiste dans l’erreur ; si au contraire il entend l’appel et suit le chemin, alors l’homme obtient le « lotus », la paix, l’harmonie, la béatitude.

 

Chapitre 11 – Versets 47 à 54 – Nadège

 

Verset 47 : Le seigneur suprême dit : « Par ma grâce, ô Arjuna, et par Mon Pouvoir Yoguique, cette Forme Suprême t’a été montrée ; cette Forme resplendissante, Primordiale, Infinie, cette Forme Universelle, n’a jamais été vue par quiconque avant toi ».

  • L’expérience d’Arjuna était encore insuffisante pour supporter le viśvarũpa (la nature omniprésente et multiple de Brahman – Conscience universelle. Brahman revêt différentes formes, car il existe en chaque être vivant et inanimé de l’univers.) La naissance et la mort font partie du processus de la Vie. Accueillir et accepter viśvarũpa signifie accueillir et accepter tous les évènements de la vie, pas uniquement ce qui est plaisant.
  • Arjuna bénéficie d’une faveur spéciale, car cela n’arrive pas forcément à tous les pratiquants. Lors d’un moment de calme mental, Arjuna a eu la possibilité de discerner ce qui est au-delà des formes et qui en même temps, ce qui constitue toutes les formes à travers Māyā Śakti, l’énergie de la forme.

 

Verset 48 : « Ni l’étude des Veda, ni les sacrifices (yajña : offrandes cosmiques : pratiques yogiques), ni les dons, ni les rituels, ni les sévères austérités (ascèses) ne permettent à quiconque de voir cette forme dans le monde des hommes, à part toi, ô héros des kurus (la lignée des Pāṇḍavas, ainsi que leurs rivaux, les fils de Dhṛtarāṣṭra)».

  • Kṛṣṇa souligne l’importance de l’abandon total (dévotion à la vie) pour accéder à la vision de la conscience.
  • Les différentes pratiques sont des moyens préparatoires à la fin ultime. Elles ne doivent pas être confondus avec le but (l’expérience directe). Toutes les sādhanas mènent au même but.

 

Verset 49 : « N’aie pas peur, ne sois pas déconcerté par Ma Forme si Terrible. Que te peur se dissipe, que ton cœur se réjouisse ; contemple maintenant Mon autre Forme ».

  • Ce n’est pas un verset facilement compréhensible, mais il me semble qu’après avoir appréhendé la Forme terrible du Monde, le/la pratiquant-e peut à partir de ce moment-là, dans le détachement et l’apaisement qui va désormais le/la caractériser, voir la forme qu’il/elle désire. Ce qui signifie certainement qu’une fois que la conscience s’impose, le choix est possible.
  • La Liberté ou Libération se réalise (Mokṣa).

 

Verset 50 :  Sañjaya dit : « Ayant ainsi parlé à Arjuna, Vāsudeva (Celui qui imprègne et s’amuse) de nouveau montre Sa Forme habituelle, et le Grand Être, assumant Sa Forme douce, le rassura, lui qui était si effrayé ».

  • Cependant, chez Arjuna, la peur persiste, car il est effrayé par Anekarūpa (multiformes – de nature variable) et préfère le refuge d’Ekarūpā (la forme homogène, le vrai Soi).

 

Verset 51 : Arjuna dit : « En revoyant ta Forme humaine et douce, ô Janārdana (celui qui fait bouger le monde, le protecteur des forces négatives), je suis apaisé et je reviens à moi ».

  • La forme homogène, calme et transcendantale est plus apaisante pour Arjuna qui a été propulsé (peut-être trop tôt) dans la réalité intrinsèque (sans forme et toutes les formes).

 

Verset 52 : et Verset 53 :

  • La vision de viśvarũpa est peu fréquente, puisque même les dieux désirent cette vision et ne l’obtiennent pas forcément.
  • La pureté mentale, l’abandon, la sincérité profonde sont des conditions essentielles pour accéder à cette vision cosmique de l’universel.
  • Il est repris ici que toutes les pratiques ne sont que le chemin et non pas le but.
  • « On n’atteint pas l’Atman (conscience) par l’étude des Védas, ni au moyen de l’intellect, ni à force d’écouter des enseignements. Seul le trouvera celui qu’il aura lui-même choisi. A celui-là, l’Atman se révèlera de lui-même. » Kathā Upaniṣad (1-II-23)

 

Verset 54 : « Mais par une dévotion exclusive, on peut Me connaître sous cette Forme. Me voir en réalité, et pénétrer en Mon Être, ô Parantapa (le destructeur des ennemis) ».

  • Ici Kṛṣṇa utilise le terme « Parantapa », car c’est bien de cela qu’il s’agit : la possibilité de la vision cosmique ne pourra être atteinte que par celui qui détruit ses ennemis (ses mauvais penchants).
  • Pour atteindre le Soi, il faut renoncer à toutes identifications, à élever l’amour dans toutes les actions, et envers tout ce qui vit.
  • « Me voir en réalité, et pénétrer en Mon Être » : le Seigneur ou Conscience est soi-même. C’est la fusion.

Verset 55 : « Celui qui accomplit les actions pour Moi, qui Me considère comme le suprême, qui M’est consacré, qui est libre de l‘attachement, qui n’a d’hostilité envers personne, vient à Moi, ô Pāṇḍava. » Ce verset sera développé dans le prochain chapitre.

  • Il est question, ici, d’expérimenter cette conscience dans le monde, dans la Vie. Ce que propose Kṛṣṇa est la voie de la Bakti (dévotion – spiritualité) 

La spiritualité est une autodiscipline de tous les instants sous cinq formes :

  • Dans les actions : karma yoga : accepter tous les résultats de la vie est karma yoga.
  • Mokṣa (la libération de la roue des transmigrations) comme but.
  • S’appuyer sur la conscience, sur les conditions supérieures.
  • Se libérer de l’attachement (aux agitations mentales particulièrement). Cet affranchissement ne se peut s’opérer que lorsqu’on est en constant lien avec la conscience (le cœur).
  • S’affranchir de l’hostilité. L’animosité vient quand nous considérons l’autre comme séparé de soi. Swami Chinmayananda donne cet exemple très parlant : « il ne peut y avoir d’inimitié entre ma main droite et ma main gauche. La conscience de l’Unité doit être vécue par la vision du même Soi en tout lieu, et c’est seulement alors que l’évitement total de l’inimitié envers toute créature peut être pleinement accompli. »

 Comme tout chose, c’est en nous appliquant à faire que les choses deviennent possibles.

« Même pour le yogi austère
Qui atteint la teinte brilante du riche fruit mûr 
Le Seigneur est dur comme la coquille du fruit de la pomme du maja (sorte de cognassier)
Mais pour ceux dont le coeur mûrit dans l’amour
Et goûte les douceurs du ravissement divin,
Il s’ouvre tout entier
À un riche fruit mûr. »      Poème de Thirumular (Tirumantiram) dédié à Śiva

 

Chapitre 12 – La Voie de la Dévotion – Bhakti Yoga – Versets 1 à 8 – Chérifa

 

Verset 1 : Ajurna dit : « De ces fidèles qui T’adorent avec une concentration infaillible (qui adore ta forme) et de ceux qui vénèrent l’impérissable et le non Manifesté (avyakta), lesquels sont les plus versés dans le yoga ? »

Arjuna distingue deux approches :

  • Ceux qui s’orientent vers une relation vivante avec le divin (ici personnifié par Kṛṣṇa)
  • Ceux qui s’orientent vers l’absolu impersonnel, l’Impérissable et le non manifesté,

Arjuna, pose la question, quelle voie mène à la réalisation ?

  • Doit-on s’attacher à une forme de relation vivante (personnelle) ou méditer sur l’absolu sans attributs (impersonnel) ?
  • Le verset 12.1 ouvre une réflexion, certains trouvent plus naturel de se relier à l’Infini par une présence incarnée, vivante, qui parle à leur cœur. D’autres cherchent l’Infini en se reliant à la conscience pure.

 

Verset 2 : Le seigneur suprême dit : « Ceux qui, la pensée fixée sur Moi, M’adorent avec constance et avec une foi intense, ceux-là, je les considère comme les meilleurs dans le yoga. »

  • « La pensée fixé sur moi »: Cela signifie orienter son cœur et son esprit vers la conscience divine. C’est l’acte d’orienter l’attention vers ce qui est stable, essentiel.
  • « Avec constance »: Il s’agit d’une attitude continue, garder le lien intérieur au quotidien, dans toutes les actions.
  • « Une foi intense »: la foi n’est pas une croyance aveugle, mais une force intérieure qui relie. C’est la certitude intime que l’on peut s’appuyer sur cette présence, comme sur un sol solide.
  • « Je les considère comme les meilleurs dans le yoga. »: Kṛṣṇa affirme ici que la voie du cœur est plus accessible que la contemplation impersonnelle du pur absolu. La voie du cœur est plus directe.

 

Versets 3 et 4

3- « Ceux qui adorent l’impérissable, l’Indéfinissable, le Non Manifesté, l’Omniprésent, l’Inconcevable, l’Immuable, l’Immobile et l’Éternel. »

4- « Ayant acquis la maîtrise de leur sens, toujours équanimes, se réjouissant constamment du bonheur de toutes les créatures, en vérité eux aussi viennent à Moi. »

  • Kṛṣṇa décrit ici la méditation de l’absolu sans forme. Cet absolu est immuable, stable, éternel. C’est l’expérience d’une conscience sans attribut, sans image, sans limites. Pour marcher sur cette voie, il faut maîtriser la discipline des sens et savoir contrôler les impulsions.
  • Voir au-delà des préférences, des jugements, des attachements. Vibrer l’amour universel afin d’agir pour le bien de tous les êtres, sans exception.
  • Ces pratiquants atteignent aussi l’ultime réalité ; Kṛṣṇa reconnaît donc que la voie de l’impersonnel est correcte, mais exigeante.
  • Ces versets montrent que la voie impersonnelle demande une grande rigueur et de la discipline, il faut maîtriser l’équanimité et être une personne dotée de compassion envers tous les êtres vivants.

 

Verset 5 : « La tâche est plus ardue pour ceux qui fixent leurs pensées sur le Non Manifesté, car leur but, le Non Manifesté, est plus difficile à atteindre pour les êtres de chair. »

  • Kṛṣṇa ne dévalorise pas cette voie, mais indique qu’elle est peu accessible à la majorité.

 

Verset 6 et 7

6- « Mais ceux qui M’adorent, (…) méditant sur moi avec une dévotion exclusive. »

7- « Ceux-là dont les pensées sont fixées sur Moi (…). Je les sauverai, ô Pārtha, de l’océan des expériences limitées(samsara) ».

  • Le yogi n’agit plus en son propre nom, mais offre chaque action à Kṛṣṇa. Cela transforme le quotidien en sacrifice vivant.
  • Ainsi les actes ordinaires deviennent sacrés, car ils sont accomplis en conscience, de quelque chose plus grand que l’ego. Confier toutes ses actions, pensées, et intentions à une présence plus vaste, divine.
  • Kṛṣṇa, fait une promesse, sauver de l’océan des naissances et des morts ceux dont les pensées sont fixées sur lui. C’est rassurant et soutenant. Car on peut visualiser l’océan agité, bien plus fort que nous, dans lequel nous nous débattons parfois. Cette reliance à la Présence nous donne une force qui nous tire hors de l’agitation des vagues de la surface. Nous pouvons ressentir la force et le calme des profondeurs.
  • Ces versets affirment que nous pouvons suivre la voie du cœur avec confiance. Confier toutes nos actions, pensées, et intentions à une présence plus vaste. Vivre avec un axe intérieur qui unifie. Savoir qu’au milieu des turbulences de l’existence, cette présence est la force qui sauve, qui élève, qui soutient.

 

Verset 8 : « Fixe ton mental en Moi seul, place ton intellect en Moi, et alors, sans nul doute, tu vivras en Moi seul. »

  • « Fixe ton mental en moi »: Kṛṣṇa invite Arjuna à orienter son mental (manas) vers un seul centre, sans dispersion.
  • « Place ton intellect en moi »: non seulement le cœur et les émotions, mais aussi l’intellect (buddhi) doivent être orientés vers le même but. C’est une intégration totale, penser, sentir et agir à partir d’un même axe.
  • « Sans nul doute » : il n’y a pas ici une promesse vague, mais une certitude intérieure. Dès que l’esprit et l’intelligence se rassemblent dans l’axe de l’Un, la paix s’installe.
  • « Tu vivras en moi seul » : vivre « en la Présence », c’est ne plus être séparé.

 

Ce verset nous montre que la pratique directe consiste à unifier les trois centres de notre être intérieur, l’esprit (les pensées), l’intelligence (la vision claire), et le cœur (l’orientation profonde). Quand tout converge vers le même centre, la dualité disparaît. Nous vivons en paix.

 

 

Chapitre 12 – La voie de la dévotion – Verset 8 à 15 – Catherine

 

Verset 8 : « Fixe ton mental en Moi seul, place ton intellect en Moi et alors, sans nul doute, tu vivras en Moi seul. »

  • Le mental est happé par les sens, projeté vers l’extérieur. Seul Pratyāhāra (le retrait des sens), peut permettre au mental focalisé sur ājñā (Ājñā : le « 3e œil », le lieu de vision de la conscience) de rejoindre la Source.
  • L’Intellect sera alors présent, distancié des pensées et des sentiments et de ce fait, tourné vers la Source.
  • Alors l’être tout entier vivra « en Moi seul ».

 

Verset 9 : « Si tu es incapable de fixer constamment tes pensées sur Moi, essaie de M’atteindre, Ô Dhananjaya (« celui qui atteint la richesse intérieure par la conquête »), par le yoga de la pratique constante. »

  • « Fixer constamment tes pensées sur Moi » : méditer sur une statue et parallèlement ressentir la qualité vibrante du Divin qui en émane.
  • Si cela est difficile alors, ce que propose Kṛṣṇa : « Essaie de m’atteindre… par le yoga de la pratique constante » : abhyāsa yoga. Le mental par nature est volage, le ramener sur le point ājñā, incessamment.
  • Il est important d’être vigilant, pour ne pas se laisser emporter par les pensées. Ne pas s’identifier au mental. L’Intellect a le pouvoir de maitriser et de diriger le mental.

Si cette méthode n’est pas possible ; Kṛṣṇa propose :

Verset 10 : « Si tu ne peux pas non plus pratiquer le yoga de la pratique constante (abhyāsa), veille alors à accomplir toutes tes actions pour Moi. En Me dédiant toutes tes actions pour Moi. En Me dédiant toutes tes actions, tu atteindras la perfection. »

  • « Veille alors à accomplir toutes tes actions pour Moi » : consacrer toutes ses actions quotidiennes au Seigneur quand on a un mental constamment tourné vers l’extérieur et que l’Intellect ne peut maitriser, lui-même étant happé dans ce mouvement extérieur.
  • Je peux entretenir la pensée quand j’agis au quotidien pour le Dharma, je peux exécuter chaque tâche journalière mentalement, en contemplation à plus grand, les actes laissent alors des empreintes positives en nous. En mettant l’ego (sens d’une existence qui est séparée, individualiste) de côté, agir sans attente de résultats.

 Et si, cette méthode est compliquée, Kṛṣṇa propose :

Verset 11 : « Si même ceci te paraît impossible à pratiquer, alors, prenant refuge en Moi, les sens maitrisés, renonce aux fruits de tes actions. »

  • Quand l’ego est très présent, l’instinct l’emporte et ne permet pas facilement d’agir pour le Dharma. Alors « les sens maîtrisés, renonce aux fruits de tes actions » en « prenant refuge en Moi ».
  • Si aujourd’hui, je me tracasse pour demain, je perds mon énergie. Il est donc important de revenir pleinement dans le présent, inlassablement.

 

Verset 12 : « Vraiment, la connaissance est préférable à la pratique (conduite sans discrimination) ; la méditation est préférable à la connaissance ; le renoncement aux fruits de l’action est préférable à la méditation, car la paix suit immédiatement le renoncement. »

4-renoncement aux fruits de l’action aboutit à la Paix                                                                       

 3-la méditation

  2-la connaissance

 1-pratique sans discrimination

 

  • 1-Les pratiques spirituelles : (actes physiques), sont plutôt des disciplines destinées à harmoniser esprit et intellect. Connaître correctement et complètement nos actes et les motifs de nos actes. Pourquoi j’agis psychiquement, intellectuellement et spirituellement.
  • 2-La connaissance du pourquoi des pratiques spirituelles passe par la méditation, car l’intellect n’est pas suffisant pour la compréhension, les 2 sont liées.
  • 3-Mediter au-delà des perturbations que pourrait subir l’intellect (certaines agitations mentales).
  • 4- Si nous cessons d’être anxieux quant aux fruits de nos actions, nous sommes alors dans le présent et la paix surgit et nous pouvons alors méditer sereinement sur les Sastra.

 

Verset 13 : « celui qui ne hait aucune créature, qui est bienveillant et compatissant envers tous, qui est dénué de tout attachement et de tout égoïsme, qui reste égal dans le plaisir et la peine, qui pardonne. »

Verset 14 : « Celui qui est toujours satisfait qui est constant dans la méditation, qui sait se maitriser, dont la conviction est inébranlable, dont l’esprit et l’intellect Me sont entièrement consacrés, est Mon dévot et il M’est cher. »

  • Kṛṣṇa décrit dans ces 2 versets l’attitude mentale et intellect parfait, résultat de ceux qui méditent sur le Seigneur. Onze qualités d’un dévot ayant atteint la perfection. Il est dans la présence de l’esprit Divin en tout et en toutes choses, donc aussi en lui-même. Il n’y a plus d’individualisme, mais une Unité avec tous les êtres et les choses. Le respect, la bienveillance, la compassion pour tout. L’égoïsme s’est dissout. L’émotion quelle qu’elle soit ne l’affecte pas. Étant dans la Joie et l’Unité, il n’attend rien.

 

Verset 15 : « Celui qui ne crée aucune perturbation autour de lui, et que le monde ne peut troubler, qui est libre de la joie, de l’envie, de la peur et de l’anxiété, M’est très cher. »

  • Le sage apaise ce qui l’entoure et reste paisible dans le monde tel qu’il est.
  • Il est ancré dans l’éternel de la vie.

 

Chapitre 12 – La Voie de la Dévotion – versets 15 à 20 – Gaëtan

 

Le verset 15 revient sur la notion d’équanimité, c’est à dire, être égal en toute circonstance.

  • Est équanime celui qui n’est pas perturbé par ses émotions et non celui qui n’en ressentirait plus.
  • Mais Kṛṣṇa va plus loin en disant qu’il s’agit également d’être celui qui ne « crée aucune perturbation autour de lui ». Je le comprends comme le fait, justement, d’agir plutôt que de réagir, en ayant la maîtrise de ce qui est ressenti, d’être en paix.
  • Kṛṣṇa liste les conséquences de l’attachement : joie, envie, peur et anxiété. Il s’agit de ressentis éphémères qui peuvent venir troubler la paix. Il nous invite donc à apprendre à nous en détacher.

 

Dans le verset 16, Kṛṣṇa poursuit sa description du chercheur spirituel réalisé.

  • Il est sans désir, pur, dynamique, paisible, inaffecté, et désintéressé dans l’action.
  • Libre des attachements il peut placer son énergie dans l’action juste, conscient de ce qu’il fait et sans attente vis-à-vis du résultat.
  • Rendu paisible par cette attitude, inébranlable, il s’inscrit parfaitement dans le Dharma.

 

Le verset 17 semble répéter ce qui a été dit.

  • Il s’agit toujours d’équanimité et de détachement. Il semble cependant y avoir un sous-texte à ce qui est dit ici.
  • En effet Kṛṣṇa présente des opposés joie/haine, bien/mal comme pour faire entendre qu’il s’agit de dépasser la dualité. Être « empli de dévotion » le permet car celui qui a reconnu le Soi en lui et dans le monde a tout atteint et n’est plus soumis au jeu des contraires, source de perpétuelle insatisfaction.

 

Les versets 18 et 19 précisent encore la description du chercheur spirituel réalisé : il est « libre de tout attachement ». Cela a déjà été dit, mais Kṛṣṇa précise ici que cette libération s’exprime à trois niveaux:

  • mental (« ami / ennemi »), intellectuel (honneur/déshonneur) et sensoriel (« chaud / froid »).
  • Maître de lui, il n’est plus sous l’influence de l’extérieur et peut s’installer dans le silence véritable (celui qui existe quand le mental se tait), et peut se satisfaire de ce qui est, installé dans une intériorité tranquille de manière « constante ».
  • Ces conditions ouvrent l’accès au Soi (« dévotion »).

 

Le verset 20 vient clore provisoirement la description du « Dharma immortel », le chemin vers le Soi.

  • Le chercheur spirituel doit être « empli[s] de foi », avoir la conviction qu’il est sur ce chemin et n’avoir que ce« but suprême ».

 

Chapitre 13 – Prakṛti-Puruṣa-Viveka-Yoga le Champ et le Connaisseur du Champ)– versets 1 à 2 – Gaëtan

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