Chapitres 7 – 12 – Connaissance & Sagesse 

« Tat Tvam Asi » : selon de nombreux commentateurs du texte de la Bhagavadgītā, les 18 chapitres peuvent être divisés en trois parties pour expliciter le concept de « Tat Tvam Asi ». Traduit par « tu es cela», c’est « la grande déclaration » de la Chandogya Upanishad, qui signifie que tout est issu de la même source, de la même conscience/énergie ; que l’atman, le Soi individuel n’est pas différent de brahman, le Soi universel. Toute la manifestation de la vie n’est qu’une déclinaison de ce Soi unique, il n’y a pas de séparation. C’est une affirmation essentielle, car elle établit un profond respect pour toutes les formes de vie et le sentiment de compassion envers tous les êtres vivants. « Tat Tvam Asi », c’est la paix qui s’établit grâce à la continuelle pratique du yoga.

La Première partie de la Bhagavad-Gītā met l’accent sur le travail à accomplir pour trouver la paix intérieure et la façon de l’accomplir dans la discipline. Mais ce premier chapitre à travers les doutes et les réflexions d’Arjuna montre notre propre cheminement dans la vie. Même si nous ne sommes pas sur un vrai champ de bataille, symboliquement, nous nous retrouvons tous les jours au coeur d’un conflit intérieur, à jongler entre nos émotions, nos pulsions, nos instincts, nos vieilles histoires, etc. D’autre part, nous devons à chaque instant ou presque, nous adapter à ce qui se passe extérieurement. Ce qui est décrit dans ce premier chapitre est le chaos mental dans lequel nous nous débattons tant bien que mal. Kṛṣṇa a toute suite reconnu cette immense difficulté tout en suggérant qu’elle provenait d’un manque de Connaissance (de sagesse, mais aussi de compréhension du monde lui-même). Il explique donc à Arjuna que notre relation au monde ne se résume pas aux sens, aux sentiments, aux émotions. Il est possible d’établir un autre rapport. Cela Arjuna l’ignorait tout comme nous. Voir le monde uniquement par le prisme émotionnel, sentimental, etc. apporte énormément d’anxiété, car tout est mouvant, instable, et parfois incompréhensible.  Pour apprendre une nouvelle manière d’être au monde, nous avons besoin du Yoga, mais aussi de la compréhension du Samkhya.

Dans le sixième chapitre, nous avons été invités à la maîtrise de soi (ego, etc.) en mettant en avant le Soi (la conscience). Cependant le petit soi persiste et voit le grand Soi comme un ennemi à combattre. Il faut alors, impérativement, prendre le temps de s’asseoir et de méditer, contacter notre guru intérieur et nous laisser guider. C’est une force que nous avons et que nous pouvons développer. Ce que dit la Bhagavad-Gītā, c’est que tout est à l’intérieur et que cela ne dépend que de soi pour percevoir l’universel dans la vie et faire croître nos capacités « supérieures ».

Il y a une magnifique légende indienne qui raconte : qu’un petit groupe de souris se promènent dans la forêt et rencontrent un éléphant. La première s’exclame, « oh, je vois un mur gris devant moi, que puis-je faire? » ; la seconde se glisse sur la défense et s’extasie : « j’ai trouvé une lance » ; la troisième aperçoit la trompe, prend peur en croyant apercevoir un serpent ; la troisième assimile une oreille à un éventail et la sixième attrape la queue pensant que c’est une corde. Après ces découvertes, elles débattent de ce qu’elles ont vu sans parvenir à se mettre d’accord. Un sage qui passe par là les voit se disputer et demande : qu’est ce qui vous agite tant? » Les souris répondent, « nous ne pouvons pas nous mettre d’accord pour dire à quoi ressemble un éléphant ». Et chacune d’expliquer sa version. Le sage répond, vous avez toutes raison, cependant chacune de vous ne détient qu’une part de la vérité. Surprises, les souris commencent à rassembler leur expérience pour avoir une vue un peu plus vaste, une vue de l’ensemble. Chacun de nous construit sa réalité, pensant que c’est LA REALITE, alors que ce ne sont que des points de vue. L’ensemble n’est accessible que sur un autre plan que celui du mental et de l’émotionnel. 

Avoir une vue plus vaste permet de dépasser les différents même s’ils existent temporairement. Cependant, ce sont nos erreurs et même quelquefois la répétition de ces erreurs qui nous permettent de comprendre au final où se trouve le bon chemin. La marche du Cosmos est universelle, notre participation à cette activité cosmique nous demande d’avoir le courage de reconnaître et corriger ce qui est en déséquilibre pour contribuer à une plus grande harmonie globale. 

Ces six premiers chapitres nous indiquent donc ce que nous devons faire et comment. Le sixième chapitre enseignant la méthode de la concentration (dhāraṇā) et de la méditation (dhyāna).

Cependant reste la question essentielle : l’individu reste un individu et même avec une pratique assidue, comment le fini entrera-t-il en contact avec l’Infini ?

 

 

Chapitre 7 – Connaissance et Sagesse – Versets 1 et 2 – Chérifa

Verset 1 : « Ô pârtha, écoute comment, en pratiquant le yoga et en prenant refuge en Moi, la pensée absorbée en Moi, assurément, tu Me connaîtras totalement »

  • Après avoir enseigné le yoga de la méditation (chapitre 6), Kṛṣṇa s’apprête maintenant à dévoiler la connaissance suprême (jñāna) et sa réalisation directe (vijñāna).
  • «Pratiquant le yoga et en prenant refuge en Moi » : le yoga ici, n’est pas simplement une technique, mais une connexion vivante au Divin, soutenue par un abandon confiant à Kṛṣṇa.
  • « La pensée absorbée en Moi »: Kṛṣṇa parle ici d’un mental tourné vers le Divin avec amour et constance. Un lien spirituel, non pas basé sur le désir ou la peur, mais sur l’élan profond de l’âme vers sa source.
  • « Assurément, tu Me connaîtras totalement » : Kṛṣṇa promet ici la connaissance intégrale de Sa nature : la connaissance intellectuelle, et aussi la connaissance expérimentée. Et surtout, cette connaissance sera totale (clair, profonde, et irréversible). 

Kṛṣṇa enseigne que la connaissance suprême du Divin ne vient pas seulement d’études ou d’ascèse, mais d’un lien intérieur vivant, nourri par la foi, la pratique du yoga et l’abandon à la création(brahman). C’est notre disposition du cœur (l’esprit tourné entièrement vers Kṛṣṇa) qui est important.

 

Verset 2 : « Je vais te révéler entièrement cette connaissance et sa réalisation qui, une fois acquises, ne laissent rien d’autre à connaître »

  • Ce verset est une déclaration de Kṛṣṇa. Il affirme qu’il va révéler (transmettre à Arjuna) la totalité de la connaissance et de sa réalisation (l’expérience de la connaissance). Connaître intellectuellement ne suffit pas. Il faut vivre, réaliser, expérimenter. Il ne s’agit pas d’un fragment ou d’une vérité partielle. Kṛṣṇa promet une révélation complète : sans condition. Il va exposer la réalité ultime, dans son ensemble.
  • « Qui une fois acquise ne laisse rien d’autre à connaître » : Kṛṣṇa affirme que cette connaissance est l’ultime, celle qui enveloppe toutes les autres.
  • Elle est la clef de tout : une fois connue, plus rien dans le monde n’a besoin d’être su pour atteindre la libération.
  • C’est la connaissance du Divin en tant qu’essence, énergie, forme, et refuge. Celui qui la comprend réellement (intellectuellement et dans l’expérience) n’a plus besoin de chercher ailleurs : il a atteint la Vérité.

 

Chapitre 7 – Connaissance et Sagesse – Versets 3 à 10 – Catherine

 

Verset 3 : « Parmi des milliers d’hommes, quelques-uns à peine s’efforcent d’atteindre la perfection. Et parmi ceux qui réussissent, un seulement vient à Me connaitre réellement. »

  • Le chemin est rigoureux et demande un désir profond d’évolution. La vraie nature du Soi ne se dévoile qu’à très peu de chercheurs spirituels, car le moindre doute, la moindre attente suffit à bloquer l’accès au Soi. Seul l’esprit « nu » pénètre dans la Joie Supreme.

Verset 4 : « La Terre, l’Eau, le Feu, l’Air, l’Ether (l’espace), le mental, l’intellect, l’ego, sont les 8 divisions de Ma Nature. » Ici, il est fait référence au Samkhya (Sāṅkhya) qui est la référence analytique du yoga qui explique les différentes composantes de l’univers.

  • La Conscience Pure : le Soi (Brahman)
  • Les 5 éléments: mahābhūta, du plus subtil au moins subtil : l’éther (espace), l’air, le feu, l’eau et la terre dans la densification de la matière comme dans l’élaboration des planètes.
  • Le Mental : Manas
  • L’Intellect : Buddhi
  • L’Ego : Je (ahamkara)
  • Le Monde est la résultante de l’Union entre la Matière et l’Esprit.
  • Le facteur spirituel (Puruṣa) gouverne une structure de matière inerte, la dynamise et la rend agissante, comme si elle était dotée d’intelligence et de vitalité.
  • L’Esprit (Puruṣa), le Soi éternel s’exprime dans l’étreinte de la Matière (Prakṛti) : Nature Inférieure. S’identifier à la matière procure de la Souffrance, c’est l’Ego qui agit.
  • Les 5 éléments cosmiques sont représentés dans le microcosme, par les 5 organes des sens. Jnanendriya (oreilles, peau, yeux, lange et nez) qui sont le moyen de connaissance dans la matérialité.
  • Les organes des sens permettent l’expérience du monde des objets.
  • Les éléments de Prakṛti – les corps subtils (mental, intellect) et les véhicules d’expression (organes des sens) reçoivent les stimuli, le Mental classe rationalise, l’Intellect systématise les connaissances. Le « Je », l’Ego est présent tout le long, il s’agit de l’Être doué d’intelligence.
  • Ici, il est fait référence à Prakriti la Nature Inferieure.

Verset 5 : « Ceci est Ma Nature (Prakṛti) inférieure, Ô guerrier aux bras puissants, dont diffère, sache-le, Ma Nature supérieure, le principe de Vie (Jivabhutam) qui soutient cet univers.»

Ici Kṛṣṇa complète la description du Soi, en nommant la Nature Supérieure, constituée de la Conscience Pure. « Jagat » : l’Univers, le monde des objets perçu par les sens, permet de faire l’expérience, l’interprétation par notre esprit (mental et intellect) du monde phénoménal (qui nous apparaît tel qu’il est, sans jugement ni analyse). Le Concept d’espace par notre mental qui se fonde sur le jugement de l’intellect par la Conscience en nous (entité spirituelle).

Verset 6 : « Sache que ces 2 Prakṛti sont la matrice de toutes les créatures. Ainsi, Je suis la source et la dissolution de l’univers entier ».

Ces 2 Prakrti sont la matrice de toutes les créatures ? Prakṛti, sous ses deux aspects, parā (la Grande)  et apara (la Seconde), est la matrice de tous les êtres.

Les 5 Koshas (les Kośa sont le contenant de la Conscience sous 5  formes dans le corps) :

  • Annamaya Kosha : corps physique, lié à nos besoins de bases (manger, dormir…)
  • Pranayama Kosha : corps énergétique, régule la respiration, la circulation et toutes les fonctions vitales.
  • -Manomaya Kosha : mental, pensées, émotions, désirs, perceptions. Interaction avec le monde extérieur.
  • Vijnamaya Kosha : intellect. Source de l’intuition, de la connaissance intuitive, discrimination, capacité de discernement.
  • Anandamaya Kosha : félicité, paix, bonheur. Couche la plus subtile. Sentiment d’unité avec l’univers.

Tout découle de Prakṛti et la vie est en tout

Verset 7 : « Il n’y a rien absolument rien de supérieur à Moi, Ô Dhananjaya (« celui qui atteint une grande richesse par la conquête »). Tout ceci est lié en Moi, comme un collier de perles sur un fil ».

  • En nous passe le fil de la conscience qui nous soutient, nous enlace, créé en nous le lien qui nous fait Un.
  • Et à la fois nous sommes les perles du collier, avec toutes nos parts : organes des sens, mental, intellect, expériences et notre conscience d’être.
  • Nous sommes le fil, notre conscience supérieure, nous sommes les perles, chaque part de nous-mêmes.
  • Nous sommes, les êtres humains, les perles d’un même collier.

Verset 8 : « Je suis la saveur dans l’eau, ô fils de Kunti. Je suis la lumière dans le soleil et la lune. Je suis la syllabe OM dans tous les Vedas, le on dans l’espace et la masculinité dans l’homme. » Dans le verset précédent, il est dit que la conscience est partout et en tout, maintenant Kṛṣṇa illustre cela avec certains exemples. La forme du goût avec l’eau, la lumière avec le soleil et la lune, et le Praṇava qui fait référence à la syllabe « Om ».  Ainsi, la syllabe « Om » désigne un excellent bateau pour traverser l’océan de l’existence terrestre.

  • Pra = de la Prakṛti, c’est-à-dire le monde qui en est issu.
  • Navam = Nāvāṃ Varam = un excellent bateau.
  • Praṇava peut également signifier : « Ce qui mène au salut » ou bien encore « Ce qui mène à une nouvelle connaissance. »  La répétition du mantra « Om » donne l’accès à la plus grande connaissance (le Soi).
  • La forme vibratoire de la conscience à travers Prakṛti, est en tout et donne vit à tout : la saveur dans l’eau, la lumière dans le soleil et la lune…

Verset 9 : « Je suis le doux parfum de la terre et l’éclat dans le feu, la vie en tous les êtres, et je suis l’austérité dans l’ascète » 

  • Il est question du Dharma : la loi cosmique, la loi de l’existence. Chaque chose, chaque être a son essence existentielle qui est donnée par le Soi.

Verset 10 : « Sache que Je suis le germe éternel de tous les êtres. Je suis l’intelligence de l’intelligent, la splendeur de ce qui est splendide » 

  • Il y a la matière et quelque chose de plus subtil dans chaque être (et cette partie la plus subtile est à l’origine de toute vie). L’Intellect pur est le lien entre le Soi Supérieur et le Soi Inferieur, il donne vit à l’Être. La part la plus subtile à la base de ce qui prend sens.

 

 

Chapitre 7 – Connaissance et Sagesse – Versets 11 à 18 – Gaëtan

 

Dans le verset 11, Kṛṣṇa rappelle à Arjuna qu’il a une responsabilité, après tout il est le « meilleur des Bharata » (le meilleur des êtres humains ; mais Bharata signifie aussi acteur : ce qui rappelle que la vie est un jeu) : celle de vivre dans le respect du Dharma. Kṛṣṇa n’emploie pas la tournure « chez le fort » par hasard. Il vient stimuler le kṣatriya (guerrier) chez Arjuna et donc en nous. (La force qui va permttre de nous libérer des attachements, et non pas la force de la violence) 

  • Comment vivre dans le respect du Dharma ? En étant « libre du désir et de l’attachement ». 
  • C’est une redite de plus qui intervient à un moment où il faut stimuler l’élève en nous pour nous amener à prêter attention à ce qui va suivre. (« Le développement d’un être humain passe par trois stades. Au premier, les désirs se portent instinctivement vers les plaisirs des sens et la satisfaction de la luxure et de l’avidité. Au deuxième, le désir s’ennoblit jusqu’au niveau supérieur des actes désintéressés de service, de générosité et de bienveillance. Il est alors purifié de son ancienne malveillance. Au troisième et dernier stade, les désirs disparaissent de l’esprit lorsque le véritable Soi est réalisé. » – Vivekavani)

Le verset 12 exprime la supériorité de la Conscience universelle sur la matière et ses formes. Elle existe sans elle ealors que la réciprocité n’est pas vraie.

Dans le verset 13, il est dit que les trois gunas ou qualités ou modalités ou climats (sattva la non-action la lumière ; rajas l’action – le mouvement ; tamas l’inertie – la matière), propres au monde matériel, des formes nous illusionnent (nous sommes prisonniers de l’ego) quant à l’impermanence de la Réalité qui, pour rappel, est « immuable », contrairement aux phénomènes : précision sur ce commentaire : les gunas, ou états, constituent l’Illusion qui nous fait prendre l’ombre pour l’objet. La Réalité, celle que le chercheur spirituel aspire à découvrir, contempler, est dite immuable et éternelle puisque « non-née ». Elle est également impérissable. Ce que nous observons, ce qui naît, évolue puis meurt ainsi que ce qui est créé puis détruit, n’est que le manifesté, pas la Réalité.

Cependant le verset 14 nous dit que l’espoir existe, car le voile de l’Illusion peut être traversé en prenant « refuge en [Lui] » c’est à dire, en se reconnectant à sa nature profonde, le Soi. (Ici, il est question de « Māyā » qui est traduit par « Illusion » : c’est un concept majeur dans le yoga. Qu’est-ce que cette Māyā et comment la dépasser? C’est la puissance de la matérialité, de l’ego, du mental qui plonge les êtres humains dans l’affliction. En même temps, Māyā est divine, impénétrable. Māyā semble exister et pourtant, elle n’existe pas.)

Verset 15 : pour moi il est dit ici que l’absence de discrimination de ceux qui sont les moins conscients de l’Illusion que représente le monde de la matière et ses qualités (gunas), les condamne à devenir et rester « vils », « ignorants » et « malfaisants ». C’est en empruntant une voie de quête spirituelle, comme le yoga (parmi d’autres), que l’on peut éviter d’en arriver là et /ou s’améliorer, voire atteindre le but ultime : se connecter au Soi. (Oui, ce qui est dit ici, c’est que dans l’être humain résident des démons prêts à mal se conduire. Si on les laisse prendre le pouvoir, la vie sera une destruction au lieu d’être une célébration. Transcender les démons de la Māyā est absolument nécessaire pour trouver ou retrouver notre pleine humanité)

Versets 16 à 18 : 

  • Un fil rouge relie celui qui souffre, celui qui recherche l’érudition, le conquérant et le sage : le principe de vie qui dynamise, permettant l’action et l’évolution. Sans lui, sans cette étincelle divine ou Conscience, rien ne peut se faire.
  • Le sage est cependant l’exemple à suivre. Il est le plus proche du Soi et du Tout ; celui qui est le plus à même de se réaliser prochainement.
  • Tous ceux qui aspirent à l’évolution sont dits méritants, car ils peuvent s’engager sur la voie vers la réalisation, mais tous n’ont pas les mêmes vasanas (empreintes sensorielles, karmiques), ce qui peut expliquer qu’ils n’en soient pas au même point. Le sage étant celui qui peut véritablement méditer pour finalement contempler le Soi.

 

Chapitre 7- Connaissance et Sagesse – Versets 19 à 26 – Nadège

 

Verset 19 : « Après de nombreuses naissances, l’homme épris de sagesse vient à Moi, réalisant que tout ceci est Vāsudeva (le Soi intérieur ou Kṛṣṇa). Une âme si noble (mahātma) est très rare. »

  • Cici, il est question de l’évolution de la vie et de notre nature phénoménale : la vie traverse de nombreux états, unicellulaire, vers, poisson, oiseau … être humain et en tant qu’être humain, de nombreuses vies dans « l’ignorance » du Soi. La sadhana est essentielle pour parfaire la connaissance ou la reliance à cette conscience originelle. Il n’y a pas de temps imparti pour cela, les vies successives à pratiquer (le yoga) permettront cette Réalisation. Ensuite ce mahātma, cet être réalisé pourra revenir dans la matérialité s’il le souhaite pour aider les autres. Pour ma part, je dirai que cet idéal à atteindre permet surtout de comprendre notre fonctionnement et apporter la paix intérieure nécessaire à la paix sur terre et c’est déjà beaucoup. 

Verset 20 : « Ceux dont la discrimination a été détruite par tel ou tel désir adorent d’autres divinités, suivant tel ou tel rite, conduits par leur propre nature. »

  • C’est intéressant de voir que les rituels et l’adoration des « dieux » peuvent être un leurre. En effet, au lieu de se concentrer sur le Soi, on va se projeter vers l’extérieur, dans des chimères qui vont égarer et séparer les êtres. 

Verset 21 : « Quelle que soit la forme adorée par le fidèle avec foi, c’est Moi qui rend la foi inflexible ».

  • Cependant Kṛṣṇa dit aussi que si une personne vient à la Conscience à travers la foi d’une certaine divinité, ce n’est pas un problème. C’est le résultat qui compte, se retrouver dans le Soi. Les enseignements de la Bhagavad-Gita apportent cette dimension de tolérance quant aux différents chemins qui peuvent être empruntés par chacun pour arriver à un même but ; il n’existe pas un seul chemin !

 Verset 22 

  • Tout provient de la même source et retourne à la même source. Les autres divinités sont aussi des forces intérieures à cultiver qui ne sont que différents agents qui peuvent mener à la Réalisation. 

Verset 23

  • Cependant ceux qui se fourvoient dans des  adorations extérieures et qui ne comprennent pas ce qui est demandé : à savoir un travail sur soi qui permet de soulever les voiles de la Māyā pour atteindre la bonté, la gentillesse, la tolérance, etc. ne pourront pas atteindre cette réalisation. (Il s’agit avant tout de préserver le dharma, la vie dans le respect de tous les êtres vivants).

Verset 24

  • Le pouvoir de discernement est essentiel dans la démarche de la réalisation, car il faut distinguer ce qui est juste de ce qui ne l’est pas ;  identifier si on n’est pas en train de se perdre ou pas dans les méandres de la vie phénoménale.

Verset 25

  • Il y a un triple voile qui cache la conscience, c’est sattva, le voile blanc, rajas, le voile rouge et tamas, le voile noir. En même temps toute l’expression de la conscience se trouve dans les multiples expressions de la vie. Le discernement consiste à comprendre ce jeu et ne pas s’y laisser prendre. En reconnaissant la conscience dans toutes les formes, la vie n’est que plus belle. 

Verset 26 

  • Lorsque nous naissons, nous sommes projetés dans le temps et l’espace. La vie est un mouvement incessant. L’agitation peut émerger à tout instant ; un mental agité et l’attachement à l’ego vont générer d’innombrables problèmes. En reconnaissant la conscience à l’œuvre dans le monde, il est possible de prendre de la distance pour revoir nos comportements. Finalement, le Soi n’est perceptible que par le Soi, c‘est la raison pour laquelle, on parle d’absorption lors de la réalisation d’un être ; en attendant, en soulevant progressivement les voiles, une compréhension prend forme pour permettre cette ultime unité.

 

Chapitre 7 – Connaissance et Sagesse – Versets 27 à 30 – Chérifa

Verset 27 : « À cause des dualités trompeuses nées du désir et de l’aversion, ô Bhârata, tous les êtres sont sujets à l’illusion au moment ou ils naissent, ô destructeur des ennemis »

  • Ce verset décrit une vérité psychologique et spirituelle profonde : la racine de notre ignorance spirituelle est dans les dualités de l’ego humain : attirance et répulsion. Ce sont les deux forces fondamentales du mental conditionné.
  • Cette polarité génère l’illusion, elle nous fait croire que le bonheur se trouve dans la satisfaction des désirs et l’évitement des douleurs. Mais cela nous enferme dans un cycle sans fin.
  • Dès la naissance, tous les êtres incarnés sont conduits par cette illusion. Même l’âme la plus pure, en prenant un corps, est soumise à l’influence de ces dualités.

Ce verset pose un diagnostic clair : nous vivons dans un monde de confusion psychologique, fondée sur le désir et la peur. Si nous sommes dans les considérations émotionnelles animées par le « j’aime / je n’aime pas », nous sommes soumis à l’illusion. » Le vrai yogi cherche à aller au-delà du plaisir et de la douleur, vers la paix de l’âme, où l’Esprit voit tout avec égalité.

 

Verset 28 : « Mais les hommes aux actions méritoires, qui se sont libérés de tout mal (péché), délivrés de l’illusion des dualités contraires et qui sont fermes dans leurs disciplines, M’adorent »

  • Ce verset décrit le profil spirituel de celui qui parvient à sortir de la confusion décrite au verset 27. Il s’agit des êtres purifiés, par leurs actions.
  • Ces personnes ne sont plus esclaves du désir et de l’aversion (de l’illusion)
  • Elles ne sont plus ballottées entre les opposés : elles vivent dans une paix stable. Des êtres résolus, centrés dans l’amour du Divin, sans distraction.

 

Verset 29 : « Ceux qui prenant refuge en Moi (dans le Soi) s’efforce de se libérer de la vieillesse et de la mort, obtiennent la pleine connaissance de ce Brahman(l’absolu), du Soi dans l’individu (adhyātma) et du champ de l’action (karma). »

  • Ce verset décrit les chercheurs spirituels sincères qui se consacrent à vivre la libération, pour atteindre la réalisation suprême.
  • Pour se libérer de la vieillesse et de la mort, il s’agit ici de l’aspiration la plus profonde de l’âme, ne plus être soumis au cycle des renaissances.
  • Ce n’est pas une fuite, mais une quête de l’éternité, de la paix.
  • Kṛṣṇa souligne que le véritable refuge pour atteindre la libération, c’est lui-même. Une relation vivante au Divin, dans l’abandon, la dévotion et l’union intérieure. Ces êtres atteignent la connaissance de « Brahman », la Réalité suprême, l’Absolu éternel qui transcende le monde matériel.
  • Ils comprennent aussi : adhyātma c’est-à-dire la nature du soi intérieur, l’âme individuelle, distincte du corps et de l’ego et le karma c’est-à-dire l’ensemble des actions et lois qui gouvernent le monde, et comment y agir sans attachement. Ainsi, leur connaissance est complète, ils savent ce qu’ils sont, ce qu’est le Divin, et comment agir dans ce monde sans s’y perdre. 

Ce verset nous enseigne que la libération spirituelle est possible par une quête sincère, un effort soutenu, et un abandon au Divin. Celui qui cherche à échapper à la mort, à l’illusion et à l’oubli de soi en prenant refuge dans le Seigneur
réalise la totalité : le Soi, l’Absolu, et la voie de l’action pure.

 

Verset 30 : « Ceux qui me perçoivent dans « adhibhūta » (le monde des objets) « adhidaiva » (les facultés gouvernant les organes des sens) et « adhiyajña » (les perceptions) même au moment de la mort, l’esprit ferme, Me connaissent »

  • Ici, une énumération des manifestations du divin dans trois principes de la vision du yoga.
  • Adhibhūta : la présence divine dans le monde manifesté, dans les éléments, les formes, la nature, les corps.
  • Adhidaiva : les principes régulateurs de l’univers au-delà des formes, le yogi reconnaît le même Esprit divin derrière toutes les puissances de la nature.
  • Adhiyajña: Kṛṣṇa est aussi l’acteur invisible du sacrifice, celui qui reçoit, anime et transcende toutes les offrandes. Et l’être qui a cultivé cette vision, de son vivant, voit encore Kṛṣṇa dans toutes choses à l’instant de la mort. Il quitte le monde en union avec « Lui » avec un esprit unifié, concentré.
  • Cette vision unifiée du Divin en tout ce qui est, tout ce qui agit, tout ce qui est offert voilà la plénitude du yoga et de la connaissance divine.

Kṛṣṇa conclut ce chapitre en décrivant le yogi accompli : celui qui connaît Dieu dans la matière, les forces cosmiques, et les actes sacrés, et qui, même à l’instant de la mort, reste uni à Lui par une conscience ferme et éveillée. C’est ce yogi-là qui atteint la libération suprême.

 

Chapitre 8 – L’impérissable BRAHMAN – Versets 1 à 4 – Chérifa

 

 

Chapitre 8 – L’impérissable BRAHMAN – Versets 5 à 13 – Catherine

 

 Verset 5 : « Quiconque quitte son corps en se souvenant de Moi au moment de la mort, M’atteint. Il n’y a aucun doute. »

  • Il est dit ici, qu’au moment de mourir (à soi), si l’esprit est tourné vers le Soi, alors il s’unit à la Conscience Universelle. Ceci est permis par la pratique méditative et la dévotion, tout au cours de sa vie, afin de maintenir la flamme de l’aspiration Divine.

Verset 6 : « O Arjuna, quel que soit l’être auquel un homme pense au moment de la mort, il n’atteint que cet être-là, sa pensée s’y étant constamment absorbée. »

  • Ici ce verset confirme le précédent. Nous sommes guidées par nos pensées, il est donc important de se délester de nos pensées égotiques et de tracer le chemin vers le divin, car à l’heure de la mort de notre ego, nous pourrons plus facilement reprendre cette trace pour poursuivre paisiblement notre voyage, délesté de celui-ci.

Verset 7 : « Par conséquent, à tout instant, souviens-toi de Moi et combats, le mental et l’intellect absorbés en Moi. Sans aucun doute, c’est vers Moi que tu viendras.» 

  • Dans ce verset, il nous est conseillé de combattre notre mental apeuré, jaloux et anxieux qui nous fait perdre de l’énergie et nous fait oublier notre part Divine. Être Conscient, dans l’Action pure, remplit d’amour et de douceur, à tout instant, alors nous sommes pleinement dans le Soi.

Verset 8 : « Celui dont le mental n’erre plus vers d’autres objets, stabilisé par la pratique répétée de la méditation et absorbé dans la contemplation constante du Purusa Supreme et Resplendissant, l’atteint, ô Partha. »

  • Il y a la mort physique et la mort de l’ego. L’ego qui représente l’aspect extérieur du mental, sous son influence, nous sommes aveuglés et dans l’attachement, perdus.
  • Par la méditation et la contemplation répétées, de notre Conscience Divine, nous pouvons nous libérer de notre ego. Nous commençons par développer notre pouvoir d’attention sur un objet extérieur ou intérieur ou un sujet spécifique. Puis l’état de médiation, le dévoilement du Soi, apparaît, l’extérieur se met à distance, l’ego s’est déposé et apparaît le Soi, il inonde l’Être.

Verset 9 : « Quiconque médite sur l’Omniscient, l’Ancien, le Seigneur de l’univers, plus infime que l’atome, Support universel, de forme inconcevable, resplendissant comme le soleil par-delà les ténèbres… »

  • Le Principe de Conscience – l’âme, dans l’être incarné est présent partout, dans toutes les formes, qui éclaire toutes les pensées et toutes les expériences.
  • Il en est de même pour le Principe divin de Conscience, il est « omniscient » (Kavi), qui a une connaissance approfondie de toutes choses.
  • Il est ancien (Purāna), à l’origine de toute chose et demeure au-delà de toute manifestation.
  • Il est le seigneur de l’Univers (anuśāsita), il est l’essence de vie. « L’or est l’essence des bijoux ». Le Divin est l’essence de l’être.
  • Le Soi est + subtil que le subtil, il est donc vaste et omniprésent en tout.
  • Il est aussi « support de l’Univers (sarvāśya dhātāra), Conscience Unique.
  • Sa forme est inconcevable (acintyarūpa). Notre manière habituelle de connaissance et de perception ne nous permet pas de l’appréhender. C’est dans l’éveil spirituel, dans sa perception comme étant sa propre nature.
  • Le Soi est « resplendissant comme le soleil » (ādityavana). Il est primordial que nous cessions de nous identifier à nos véhicules de matière et revenions à notre Unité Intérieure pour percevoir l’Existence Pure, notre Soleil intérieur qui illumine tout. 
  • Le Soi est présent en nous même quand il n’est pas réalisé, voilé par Māyā. Méditer sur tous ces aspects du Soi, nous permet de le réaliser.

Verset 10 : « Au moment de la mort, l’esprit fermement établi dans la dévotion, fixant par le pouvoir du yoga tout le prāna (respiration) entre les 2 sourcils, il atteint le Purusa Resplendissant. »

  • Lors de la méditation quand il n’y a plus identification au corps, au mental, à l’intellect, quand le silence intérieur est là, alors l’ego meurt.
  • L’ego disparait et se fond dans le silence de la Conscience Universelle.
  • Il nous est donné un conseil, celui de fixer le point entre les sourcils qui désigne « le cerveau frontal, siège de la pensée stabilisée ». Le Prāna : l’énergie vitale fixée sur ce point.

Verset 11 : « Je vais t’enseigner brièvement le But (Ultime), ce que les connaisseurs des Veda appellent l’Impérissable, qui est pénétré par ceux qui sont maîtres d’eux et libres des désirs, ce but auquel aspirent ceux qui pratiquent brahācārya. »

  • Il nous est préconisé de nous laisser traverser par la syllabe OM avant toute méditation qui permet de purifier l’esprit. Il nous est rappelé qu’il est important d’être maître de soi et de se libérer de nos attachements au monde, ce qui sera gage de Paix et de silence mental.

Verset 12 : « Celui qui part et quitte le corps, ayant clos les portes (des sens), le mental ancré dans le cœur, le prāna fixé dans la « tête », engagé dans la pratique de la concentration. « 

Verset 13 : « Prononçant la syllabe OM, symbole de Brahman, la pensée tournée vers le Moi, il atteint le But Suprême. »

Il nous est préconisé ici :

  • De pratiquer Pratyāhāra, car les sens nous sollicitent à l’extérieur et notre mental est happé par ces sollicitations. Malgré cela, même si nous réussissons à fermer les portes des sens et que le flot des perturbations est stoppé, il y a les traces laissées par les expériences passées qui peuvent continuer à solliciter le mental.
  • Il nous est dit « d’ancrer le mental dans le cœur » être dans des pensées d’amour, de gentillesse, de charité, de dévotion et d’abandon.

Quand l’Intellect est dégagé des perceptions et fixé comme le mental sur le Prāna. Quand nous chantons le OM mentalement, quand nous sommes remplis de Joie, quand le mental est silencieux, quand nous méditons sur la signification du OM, alors l’ego se dissout.  

 

 

Chapitre 8 – L’impérissable BRAHMAN – Versets 14 à 21 – Gaëtan

 

Verset 14 : « ô Partha, le yogi ferme qui, chaque jour se souvient de Moi constamment, ne pensant à rien d’autre, M’atteint facilement. »

  • Kṛṣṇa évoque la fermeté. Cela me fait penser à « tapas » (discipline) et au « sthirā », capacité à être stable, vigilant, présent à la posture et au moment.
  • Celui qui en fait preuve atteint le Soi « facilement », dans le « sukham » donc, le lâcher-prise, l’abandon.

Verset 15 :

  • Il est dit ici que ceux qui y parviennent, quittent le saṃsāra (cycle des réincarnations). Ils s’affranchissent ainsi de l’Illusion de la matière et de son cortège de « souffrance », monde dont Kṛṣṇa rappelle qu’il est « éphémère » quand le principe divin est éternel.

Verset 16 :

    • Il est dit que « tous les mondes » sont soumis à la renaissance, « jusqu’à celui de Brahma » (le créateur ou force de création) : Il faut entendre qu’il y a différentes étapes avant que l’ego parvienne à se dissoudre dans la contemplation du Soi. Il s’agit d’un chemin d’épuration des vāsanas (valises – empreintes karmiques) qui peut prendre plusieurs vies. Mais la voie est tracée, la méthode offerte.

Verset 17 :

  • Ce verset introduit le concept des « yugas » qui constitue une représentation cyclique du temps.
  • Chaque cycle ou Mahāyuga est constitué de quatre yugas : Satyā yuga, Tetrā yuga, Dvāpara yuga et le Kali yuga (ère actuelle selon la cosmogonie hindoue). Le tout représente plus de 4 millions d’années.
  • Dans le Mahabarata cette cosmogonie hindoue est décrite par le Ṛṣi (rishi) Mārkaṇḍeya qui rend visite aux Pāṇḍavas pendant leur exil dans la forêt et répond aux questions de Yudhiṣṭhira (un des frères d’Arjuna).
  • La « journée du créateur » correspond à mille cycles, sa nuit est équivalente : s’agit-il ici de dire ici que celui qui est renseigné à cet endroit a atteint une forme de sagesse ?

Versets 18 et 19 :

  • Ces versets éclairent le précédent. Il y est dit que la journée cosmique (longue de mille mahāyugas) correspond à la période de temps où le manifesté surgit du non manifesté.
  • Selon le sāṅkhya, le monde des formes est issu de l’union entre Brahman (conscience immobile universelle) et Prakṛti (Prakriti : nature ou énergie universelle), union rendue possible par le désir, Puruṣa (Purusha). : je comprends donc que cette manifestation est limitée dans le temps quoi qu’il en soit.
  • Il est dit également que les êtres existent tous à l’état latent (non manifesté) pendant la nuit cosmique et reviennent dans le manifesté (s’incarnent) lors du jour du Créateur. C’est le principe du saṃsāra et chacun revient avec les vāsanās déjà préexistantes.

Le verset 20 exprime que pour que l’intelligibilité du fonctionnement de l’univers soit complète, il faut pouvoir concevoir que tout n’est pas dissout dans le non manifesté lors de la nuit cosmique. Il existe un « Non-Manifesté » qui perdure et sans lequel le reste n’existerait pas : la conscience universelle ou Brahman, support éternel, immuable, non né, permanent, omniprésent…

Le verset 21 entérine ce qui a été décrit plus haut et redit « le but ultime » : atteindre Brahman par la réalisation du Soi pour mettre fin au saṃsāra (ccle des réincarnations) une fois les vāsanās (empreintes) complètement abandonnées.

 

 

Chapitre 8 – L’impérissable BRAHMAN – Versets 22 à 28 – Nadège

 

Verset 22 : « ô Pārtha, c’est par une dévotion infaillible et exclusive que l’on peut atteindre le Puruṣa Suprême, en qui tous les êtres demeurent et par qui tout cet univers est pénétré ».

  • Le moyen et le but sont expliqués ici. L’identification au Soi (la Réalisation) ne peut se faire que si le chercheur spirituel se détache des contingences matérielles (le monde de l’ego, des émotions, etc.) pour se réfugier dans la lumière du Soi.
  • Dans cette dévotion et cette lumière résident l’univers dans son entier.
  • Tout comme le serpent et la corde qui paraissent être la même chose, la réalité et l’illusion appartiennent au même monde.
  • Tout est à l’intérieur, en soi : le non manifesté tout comme la manifestation : ce qui fait de la Vie, une célébration. La célébration de chaque instant mène à la réalisation.
  • La Conscience pure imprègne tous les mondes.

 

Verset 23 : « Maintenant, je vais t’enseigner la période (la voie) par laquelle les yogīs partet pour ne jamais revenir, et aussi celle par laquelle ils partent pour revenir, ô Meilleur d’entre les Bharata (ô Meilleur d’entre les Hommes).

  • Dans la vie, il y a deux voies, la voie extérieure qui va satisfaire les tendances égotiques et la voie intérieure, celle de la spiritualité.
  • En restant prisonnier de l’ego, l’être est soumis au saṃsāra, le cycle des réincarnations et des souffrances.
  • En prenant, la voie de la recherche spirituelle, l’être va pouvoir s’extraire de cette transmigration.

 

Verset 24 : « En suivant la voie du feu, de la lumière, du jour, de la quinzaine brillante (de la lune), des six mois de la course du soleil vers le nord, les hommes qui connaissent Brahman vont à Brahman ».

  • La voie du Soleil est la voie de la Conscience.
  • Le Hatha Yoga traditionnel, où «Ha » signifie le Soleil (puruṣa) et « Tḥa » la Lune (Prakṛti) est le « Yoga du Soleil et de la Lune », utilisant le mantra et le pranayama pour équilibrer les deux forces et provoquer la transformation.
  • « Avant la création, Prakṛti était fusionnée avec l’Esprit Suprême, sans existence séparée. Mais lorsque le désir de création fut éveillé, cet Esprit Suprême se divisa en Prakṛti et Puruṣa. La moitié droite devint alors « Puruṣa » et la moitié gauche « Prakṛti ». Bien qu’ils soient ainsi deux yogīndras (« rois parmi les sages »), ils se considèrent comme fusionnés avec l’Éternel Un, comme le feu et la chaleur, et affirment la vérité (Esprit Sarvaṃ) ». (Issu des Purāṇas)
  • Puis, dans l’état de fusion, c’est la connaissance de l’Absolu (Brahmajñāna), l’absorption dans la lumière, la voie des « Dieux ». La lumière comme refuge.
  • « Ceux qui connaissent Brahman atteignent Brahman » : ce qui produit de la lumière (de l’humanité) est Brahman. Le regard vers le haut pour s’élever dans la nature suprême.

 

Verset 25 : « Atteignant la Lune, la lumière lunaire, par la fumée de la nuit, la quinzaine sombre (de la lune), les six mois de la course du soleil vers le sud, les yogīs reviennent.

  • L’obscurité est assimilée à l’ignorance du Soi.
  • Lorsqu’un être humain est entraîné dans les désirs matériels incessants, il sombre dans la nuit (de ses mauvais penchants) et de la souffrance
  • La voie de la lune est ici la voie de la matérialité. Celle qui enferme dans le saṃsāra.

 

Verset 26 : La Voie de la Lumière et la Voie des ténèbres qui s’offrent toutes deux en ce monde sont réellement éternelles. Par l’une, la Voie de la Lumière, l’homme ne revient pas ; par l’autre, la Voie des Ténèbres, l’homme revient.

  • Les deux voies ou les deux côtés de ce que nous sommes coexistent en nous et ceci depuis la nuit des temps. Cela ne disparaitra pas. C’est ainsi que l’expérience peut s’opérer. On pourrait dire le Bien et le Mal sont nous deux composantes, l’un dans le Monde de la lumière, la Connaissance et l’autre dans le monde de l’obscurité, l’ignorance.
  • L’une mène à la félicité et l’autre attache à la grande Roue de la transmigration.
  • Lumière et obscurité sont liées l’une à l’autre : c’est la raison pour laquelle dans le yoga, l’onscurité est transcendée et amène la lumière.

 

Verset 27 : « Quand il connaît ces deux voies, ô Pārtha, aucun yogī ne s’égare. Par conséquent, ô Arjuna, sois toujours ferme dans le yoga. »

  • Sachant que ce sont nos deux composantes et que nous y sommes soumis quoi qu’il arrive : la pratique constante va permettre d’affirmer le discernement. La Pratique consiste à placer la Conscience au cœur de la vie.
  • Avec ce discernement, nous serons plus à même de comprendre comment nous agissons, pour nos tendances égotiques ou pour le bien universel.
  • Progressivement, nous allons éliminer ces obstacles égotiques pour nous rapprocher de la lumière.

 

Verset 28 : Quels que soient les fruits des mérites attachés à l’étude des Veda, à l’accomplissement des sacrifices, à la pratique d’austérités et à la charité, le yogī qui sait cela (ces deux voies), les transcendent et atteint le Suprême, l’Essence Primordiale.

  • Que ce soit le bon ou le mauvais, tout ceci relève de la Māyā (l’illusion).
  • C’est ainsi que la fusion engendrée par le Yoga (la méditation) amène à la seule réalité qui est la Conscience.
  • Si le fait d’aspirer aux récompenses nous aide dans notre démarche, pourquoi pas, mais il ne faudra jamais oublier que cela devra rester transitoire, sinon, nous replongerons dans nos travers.
  • Tous les êtres humains peuvent accéder à la réalisation s’ils s’abandonnent à cette essence primordiale en eux.

 

Dans ce chapitre « l’Impérissable Brahman » ou « le Yoga de la délivrance Absolue », Arjuna pose la question de ce qu’est Brahman, la Conscience et demande de définir les termes que Kṛṣṇa a employés précédemment. Ensuite Kṛṣṇa expose la pratique du Praṇava, le « OM sacré » et ses merveilleux effets. En effet, le praṇava est « le navire qui permet de traverser l’océan de l’existence terrestre » (Vidyeśvara- samhitā). Puis vient l’explication de la création et de la dissolution, le refuge de Brahman, les chemins de la lumière et de l’obscurité et le pouvoir du yogī. 

 

 

Chapitre 9 – Le Secret Royal – Versets 1 & 2 – Nadège

 

Verset 1 : « A toi qui ne discutes pas en vain. Je vais délivrer le plus grand secret, la plus profonde connaissance alliée à sa réalisation, et, connaissant cela, tu seras délivré des souffrances de la vie. »

  • L’enseignement est donné au moment où nous sommes capables de l’accueillir. L’enseignement du Brahmajñāna est dispensé à ceux qui peuvent le recevoir et/ou même « en entendre parler ».
  • Kṛṣṇa dit : « A toi qui ne discutes pas en vain », quelquefois traduit aussi par « toi qui es exempt de malice » : ce qui signifie qu’il est possible d’atteindre le Soi lorsque nos vertus sont plus importantes que nos démons et que nous sommes capables d’une certaine maîtrise de nous-mêmes (ne pas discuter en vain).
  • Cette connaissance ne se révèle pas aux cœurs impurs : la voie du yoga est une voie de purification.
  • Lorsque tout est suffisamment clair en soi, la Vérité peut émerger.
  • La voie Royale est la voie non duelle qui n’est accessible que lorsque nos tendances obscures ne nous entraînent pas vers le bas. Vivekavani donne dans son commentaire cet exemple : « Celui qui ne se complaît pas à dénaturer le bien, qui vante même les plus basses formes de bonté chez autrui, qui ne se complaît pas à penser au mal chez autrui, en anasūyā (libre de méchanceté, ni envieux, ni méchant). De toutes les mauvaises qualités, l’envie est la plus forte. Tel un cancer venimeux, elle imprègne tout l’esprit et arrache le sādhaka (l’aspirant) à tout mérite qu’il aurait pu acquérir par l’austérité. Plusieurs aspirants ont chuté à cause de ce mal. »

 

Verset 2 : « Ceci est la science royale, le secret royal, le suprême purificateur, que l’on peut réaliser par la connaissance intuitive directe, en accord avec le dharma, très aisée à pratiquer et éternelle. »

  • Ici, il est indiqué que lorsque notre mental est purifié de ses impuretés (l’action juste), l’accès à la conscience est direct.
  • Finalement rien de plus simple effectivement !!!! Purifions !
  • Aucun effort n’est requis pour se réaliser.
  • C’est un verset qui donne beaucoup de courage : en effet, lorsque nous sommes traversés par les doutes, quand l’ego revient au centre et que nous sommes tentés d’avoir des actions pour le préserver en pensant que c’est juste, nous rappeler cela, permet de revenir dans notre cœur, en accord avec le dharma. Même si cela semble douloureux d’un point de vue égotique. Se demander qui parle dans cette situation ? La Conscience ou mon petit ego blessé ? (Ou soi-disant blessé). Cela peut être vraiment difficile et douloureux de remettre cet ego à sa place, qui n’est pas celle de la conscience.
  • Accueillir – purifier – digérer – accepter et refaire autant de fois que nécessaire jusqu’à disparition des empreintes.
  • Le dharma est issu de la conscience ; le respecter mène à la conscience.
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