Bhagavadgītā 

La Bhagavad Gītā est un poème du Mahābhārata, composé de 650 vers et divisés en dix-huit chapitres. La Gītā est un texte sacré où Kṛṣṇa partage sa connaissance spirituelle avec Ajuna Ce dialogue se déroule sur le champ de bataille dans la plaine de Kurukṣetra (l’arène sacrificielle des devas, le champ du dharma ), le premier jour de la guerre entre les Pāṇḍavas et les Kauravas.  Il est raconté par Sañjaya, le ministre et les « yeux » de Dhṛtarāṣṭra. C’est interessant ici de voir que l’intrigue se passe sur le champ de bataille , Kṣetra représente symboliquement Prakṛti, et signifie « champ » ou « étendue de terre » dans le sens de « champs sacrés » ; Kuru représente une lignée englobant les guerriers et les familles royales des Pandavas et des Kauravas, mettant en évidence l’héritage culturel, les conflits et les liens avec les figures divines et la géographie sacrée. C’est à dire que nous sommes sur la terre comme lieu sacré, sur le champ sacrificiel de la vie, dans la lignée de nos ancêtres dans le cycle du Saṃsāra (le grand arbere de la transmigration). Ce champ est le lieu de la bataille intérieure.

 

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Le Mahābhārata est un grand poème épique qui raconte l’histoire des cinq frères Pandavas et la rivalité avec leurs cousins, les cent Kauravas. Mahābhārata est composé de  « Mahā » qui signifie à la fois « grand » et « total », et de « Bhārata », qui désigne la famille Bhārata , c’est à dire l’humanité toute entière ;  une grande histoire  qui fait référence aux processus universels et à  l’être humain, émanations de la suprême conscience. C’est une allégorie sur le cheminement que chacun peut accomplir de sa condition matérielle à sa condition spirituelle, étape après étape. 

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Utilisation de cette page

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folio d’une série dispersée du Mahabharata. Vers 1670. Cette image a été téléchargée par le Brooklyn Museum dans le cadre d’un partenariat de contenu et est considérée comme n’ayant aucune restriction de droit d’auteur connue par les institutions du Brooklyn Museum.

Contexte dans le Mahābhārata

Au nord de l’Inde, le royaume de Bhārata est dirigé par le roi Pāṇḍu, le plus jeune des fils de Vyāsa, car son frère Dhṛtarāṣṭra, aveugle ne pouvait pas monter sur le trône. 

Auteur inconnu – peinture entre 1830-1850 Brooklyn-Museum- considérée comme n’ayant aucune restriction de droit d’auteur connue par les institutions du Brooklyn Museum.

 

Les Pāṇḍavas Côtés positifs de la personnalité

Pāṇḍu juste après son mariage tue accidentellement un brahmane et sa femme en train de faire l’amour le prenant pour un cerf. Avant de trépasser, le sage le maudit, le condamnant à mourir sur-le-champ à l’instant même où il aurait des relations sexuelles avec l’une de ses épouses (Kuntī et Mādrī). En raison de cette malédiction, Pāṇḍu ne peut avoir d’enfants. Pourtant avec sa première épouse, il aura trois fils, Yudhiṣṭhira, Bhīma et Arjuna. Le premier, Yudhiṣṭhira est engendré par Dharmarāja (la divinité du Dharma grâce à un mantra), le second Bhīma avec Vāyu (le dieu du vent, toujours avec le pouvoir des mantras secrets de Kunti) et le troisième, Arjuna avec Indra, (le roi du ciel, de la foudre et du tonnerre – l’une des cinq formes d’Agni, le feu de l’espace) .

  • Yudhiṣṭhira fait référence à la personnification du dharma en digne héritier de son père énergétique Dharmarāja. Son arme est la lance qui représente la  la sagesse. Yudhiṣṭhira est bon, doux et compassionnel et droit (incarne le dharma). Symbolise la justice.
  • Bhīma : son nom fait référence à sa force extraordinaire. Son arme est la massue qui représente la détermination et l’autorité. Symbolise la force.
  • Arjuna signifie : blanc, clair, brillant, de la couleur du jour en raison de sa droiture dans l’action. Son arme est l’arc qui représente la discipline, la concentration et la vivacité d’action. Symbolise le dévouement.

Avec sa seconde épouse, Mādrī, il a des jumeaux, Nakula et Sahadeva, eux-mêmes engendrés par deux frères, les Aśvinī-kumāra (Aśvinīdevas) et toujours avec le mantra secret.

En guise de pénitence supplémentaire pour cet acte, Pāṇḍu renonce également au pouvoir au profit de son frère aveugle, Dhṛtarāṣṭra pour se réfugier dans la forêt et accomplir des austérités (méditation- contemplation). Plus tard, ses  enfants seront confiées aux bons soins de Bhīṣma, l’oncle de Pāṇḍu et Dhṛtarāṣṭra. Bhīṣma étant également, le commandant suprême des forces des Kauravas. Les enfants de Pāṇḍu et Dhṛtarāṣṭra sont élevés ensemble et tous considèrent que le l’heritier légitime du trône est Yudhiṣṭhira.

  • Nakula : affixe : « na » dans le sens humilité ; « Kula » : Abhinavagupta explique que le terme « kula » dérive de la racine « kul », qui signifie « se rassembler en groupe ». Cette racine a également un sens : « condensation ». Si le premier sens fait allusion à l’ensemble des souffles vitaux, des organes sensoriels, des éléments, etc., qui constituent le corps psychophysique, le second désigne l’état de conscience « condensé » qui, pour ceux qui ignorent ce processus, est un esclavage. D’un autre point de vue, Kula est Kaulikī śakti, qui est à la fois l’énergie du pouvoir de la conscience qui donne vie au corps et renforce les sens et l’esprit. Ainsi, Kula est à la fois la nature essentielle des phénomènes extérieurs, leur manifestation en tant que représentation perceptive et conceptuelle, et le Soi de chaque être vivant. (Wisdom lib). Son arme est l’épée qui représente le courage, mais également le discernement et la conscience non duelle. Ses qualités sont le puissance et l’unité. Symbolise l’amour.
  • Sahadeva : « saha » :  rassembler ; « deva » : qui brille, qui appartient au ciel. Son arme est la hache qui permet de rompre avec les attachements, l’orgueil et l’illusion. Symbolise la connaissance dans la stabilité.

Le rôle de Draupadī

Draupadī est  la fille du roi Drupada, l’appui de Kṛṣṇā, et l’épouse des cinq Pāṇḍavas. Elle captive Arjuna lors de sa cérémonie de Svayaṃvara, et lorsque lui et ses frères rentrent chez eux, ils annoncent à leur mère que ce jour là, qu’ils ramènent un fabuleux joyau. Sur quoi la mère répond : « Eh bien, mes chers enfants, partagez-le entre vous. » Comme ses paroles une fois prononcées ne peuvent être défaites, elle devient l’épouse des cinq frères. Lorsque Yudhiṣṭhira perd son royaume, ainsi que lui-même et Draupadī, au jeu, elle est grossièrement insultée par Duhśāsana (la soeur de Duryodhana) et par l’épouse de Duryodhana. Mais elle supporte ces insultes et d’autres du même genre avec une patience et une endurance peu communes, et à plusieurs reprises, lorsqu’elle et ses maris sont mis à l’épreuve, elle sauve leur réputation . Sans Draupadī , les cinq principes  (les 5 élements) resteraient inertes. En quelque sorte, elle est Prakṛti, Śakti, l’énergie de la conscience qui permet au monde d’exister.  Et sans Krishna (le conducteur du char), ils n’auraient aucune direction .

Les Kauravas – Les côtés négatifs de la personnalité

Dhṛtarāṣṭra, le roi aveugle est marié à Gāndhārī qui pour partager le sort de son mari, décide de se bander les yeux à vie.  Ensemble, ils ont cent fils et une fille. L’aîné de leurs fils s’appelle Duryodhana (signifiant : « dur » ou «mauvais» & « yodhana » : «combattant») et leur fille, Duḥśalā.

  • Dhṛtarāṣṭra représente manas, aveugle et guidé par les sens.
  • Bhīṣma avec la vue, et étant  le commandant suprême des forces des Kauravas représente l’ahamkāra, l’ego, la séparation.
  • Gāndhārī est le pouvoir des désirs insatiables (elle s’est volontairement bandée les yeux) et pousse sans cesse son fils Duryodhana à la lutte pour le pouvoir.
  • Duryodhana représente la matérialité qui sans discernement anime la violence et la haine.
  • Duḥśalā symbolise les mauvais choix.

L’hostilité de Duryodhana envers les frères Pāṇḍava résulte de sa conviction sincère qu’en tant que fils de l’aîné de la lignée (Dhṛtarāṣṭra), il est bien l’héritier du trône. Comme son père avait dû renoncer au pouvoir en raison de  sa cécité , en faveur de Pāṇḍu, il est convaincu que ce qui lui revient de droit est donné par favoritisme à son cousin aîné Yudhiṣṭira. 

Duryodhana n’a de cesse de combattre ceux qu’ils considèrent comme ses ennemis, ses cousins. « Dans ses plans obscurs, il est aidé par son oncle Śakuni ( le frère maléfique de Gāndhārī et son ami notoire) : ce dernier joue aux dés et n’a pas d’égal dans l’art de la tricherie pour gagner. Duryodhana sachant que Yudhiṣṭira a un faible pour le jeu, l’invite donc à une partie de dés. Śakuni  joue pour Duryodhana, et inévitablement gagne. Dans sa faiblesse, Yudhiṣṭira met en jeu peu à peu tout ce qu’il possède, y compris son royaume, ses frères, et même leur épouse, Draupadī. C’est le triomphe de Duryodhana grâce à Śakuni. Il exulte et insulte les Pāṇḍavas devant toute la cours horrifiée. il est alors obligé d’accorder la pleine liberté aux Pāṇḍavas, et tous retourne dans leur royaume. Cependant sa haine n’a pas de limite et il persuade son père d’inviter de nouveau les Pāṇḍavas à une nouvelle partie de jeu. Le perdant devrait cette fois partir dans la forêt, et vivre une vie d’austérité pendant douze ans, et rester invisible durant toute la la treizième année, au risque de devoir mener cette monastique vie pendant douze autres années. Yudhiṣṭira accepte la partie de dés et l’enjeu, et perd de nouveau.  Les frères Pāṇḍavas sont donc condamnés à vivre  douze ans dans la forêt, pratiquant des austérités, rencontrant des sages, en écoutant leur enseignement. Puis ils passent la treizième année de leur exil au royaume du roi Virāṭa (sans que celui-ci en ait connaissance) sous des déguisements divers… Malgré les recherches acharnées de Duryodhana, ils ne sont pas découverts et demandent à revenir à Hastināpura. Cependant Duryodhana qui a déjà réclamé leur royaume, refuse de leur donner le moindre morceau de territoire. Il conclut des alliances avec d’autres rois puissants en vue d’une guerre éventuelle. Kṛṣṇa fait des tentatives de réconciliation, mais Duryodhana ne céde pas et son père n’a pas le courage ni l’intelligence de l’arrêter dans cette folie. La guerre est ainsi inévitable. » Bhagavad Gītā – Swami Chinmayananda

Ce que l’on voit ici, c’est un mental tourné vers les seules expériences matérielles qui d’un côté avec Yudhiṣṭira va mener toute sa famille à leur perte. Et d’autre part avec Duryodhana englué dans le ressentiment et la haine engage tout son royaume et ceux de ses alliées dans la guerre.  

Eléments (Pañcabhūta) & Cakras

Les chakras sont l’essence du cheminement du yogi

  • Les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être.
  • Ce qui est contenu dans le corps est le reflet des principes cosmiques, le flux de la création. Les éléments (pañcabhūta)  sont représentés dans le corps au niveau de chaque cakra. 
  • Tous les schémas (créés dans cette vie-ci ou auparavant) perdurent dans le corps astral. Lorsque nous perdons le corps physique, subsiste le corps astral avec toutes ses mémoires. Toutes les impressions sensorielles (expériences, jugements, j’aime, j’aime pas, etc., créés dans cette vie-ci ou auparavant, sont conservés dans les cakras.
  • La colonne vertébrale qui est le pilier du corps dans toutes ses dimensions est l’axe du système nerveux et des réponses des sens en lien avec le cerveau ;  là se déroulent de nombreuses interractions énergétiques.
  • Les chakras sont principalement des lieux au niveau astral de canalisation, stockage et orientation du flux énergétique.

 

Les Pandavas – Les Eléments (fondations de la création) & Cakras

  • Yudhiṣṭhira représente l’élement de l’éther (Ākāśa) ; il est le premier né des lignées des Pandavas et des Kauravas, le support de toute la création. Il symbolise viśuddhi cakra, le chakra de la gorge,la sagesse, le dharma, l’intégrité, la clarté et la droiture.
  • Bhīma représente l’élement de l’air. Il est le deuxième de la lignée des pandavas et est  né en même temps que Duryodhana, l’aîné des kauravas. Il symbolise anāhata cakra, le coeur qui définit tout ce que nous aimons et n’aimons pas, ces sentiments auxquels nous sommes particulièrement attachés. Le pouvoir du coeur (compassion, ouverture, inclusion) est la plus grande force de la vie. c’est la raison pour laquelle Bhīma est plus grand guerrier du champs de bataille de Kurukṣetra. Durant cette bataille, Bhīma et Duryodhana vont souvent s’affronter directement, car ils constituent les deux forces opposés du coeur.
  • Arjuna représente l’élement du feu. Il symbolise manipūra cakra, le chakra du ventre, la volonté et le contrôle de soi qui vont amener à la célébration de la vie. Cependant si le côté négatif prend le dessus, l’agressivité et le contrôle des aspects extérieurs amèneront au désastre.
  • Nakula représente l’élément de l’eau. Il symbolise svādhiṣṭhāna cakra, le chakra sacré. Quand le flot de l’eau est régulier et constant, cela apporte une grande harmonie avec ce qui importe vraiment dans la vie, la flexibilité, l’adaptabilité, la création. Inversement, comme l’eau n’a pas de forme, elle peut couler n’importe où et entraîner dans des directions qui ne vont pas dans le bon sens et mener à la perte.
  • Sahadeva représente l’élément de la terre. Il symbolise mūlādhāra cakra, le chakra racine, la stabilité dans notre vérité. La terre est la base dà partir de laquelle le processus va pouvoir se dérouler. En cas de doutes et d’insécurité, c’est tout le mouvement qui est altéré. 

Kṛṣṇa, le personnage central du Mahābhārata

Kṛṣṇa est le fils de Vasudeva et de Devakī ; il est le neuvième avatar de Mahāviṣṇu (la divinité de la préservation ou force intérieure de la résilience). Vasudeva a deux épouses, Rohiṇī et Devakī ; cette dernière a eu huit fils, dont le huitième est Kṛṣṇa.  Kaṃsa, roi de Mathurā et cousin de Devakī apprend par une prédiction que l’un des fils de sa cousine le tuerait ; il retient donc Vasudeva et sa femme en captivité et fait mourir leurs six premiers enfants ; le septième, Balarāma, est sauvé en étant extrait du ventre de Devakī et transféré dans celui de Rohiṇī. Quant au huitième, Kṛṣṇa, il naît  avec la peau noire et une marque particulière sur la poitrine.  Son père Vasudeva réussit à s’échapper de Mathurā avec l’enfant et confie l’enfant à un berger nommé Nanda et sa femme Yaśodā.  Kṛṣṇa et Balarāma, lui aussi adopté par la même famille grandissent ensemble, jouant dans les bois avec des fils de bergers. C’est un enfant gai et malicieurx qui joue merveilleusement bien de la flûte et qui accomplit très jeunes des exploits digne des dieux. Après qu’il ait fait disparaître Kaṃsa, il construit une ville appelée Dvārakā où les habitants de Mathurā s’installent.

Kṛṣṇa fait preuve de compassion, patience, indulgence, justice, impartialité, détachement, invincibilité, générosité, honnêteté, vérité, contrôle de soi et beauté. Il maîtrise parfaitement les arts de la danse, du chant et de la musique. Ces dispositions qui sont en soi, puisque rappelez-vous, toutes les divinités sont des forces intérieures, servent de guide à chacun pour cultiver une personnalité équilibrée et vivre en harmonie.

 

Kṛṣṇa et cakra

  • Ājñā  cakra est le point unique dans le corps où la dualité est nettement visible, avec un côté nettement positif concernant notamment la qualité de clairvoyance. Le côté négatif est celui du mental et de l’ego non éclairés.
  • Kṛṣṇa symbolise l’aspect positif d’ājñā, l’unité, la clarté mentale tandis que Bhīṣma, celui de l’ego et de la séparation.
  • Kṛṣṇa est le guide intérieur comme une sorte de boussole qui aide à garder le cap lors des tempêtes. 
  • Un dernier point, il danse, il joue de la flute, il nous enchante : qu’est-ce que cela dit? Vivons notre vie au mieux dans la joie ; la vie , c’est l’impermanance et elle est temporaire avec ce corps-ci!

Kṛṣṇa joue une rôle de médiateur dans le conflit. Sollicité à la fois par les Pāṇḍavas et les Kauravas, il octoie son armé à Duryodhana et il accepte de conduire le char sur lequel se trouve Arjuna au centre du champ de bataille. Ceci est très symbolique, c’est donc la conscience Arjuna qui va guider et non pas l’ego/mental.. C’est Arjuna qui a demandé à Kṛṣṇa de diriger le char entre les armées, car ce qui dit ici, c’est notre choix en quelque sorte de choisir de « sortir » de la souffrance. (Paragraphe : 2.39 : « Tu as reçu de Moi, jusqu’ici, la connaissance analytique de la philosophie du Sāṃkhya, la création. Reçois maintenant la connaissance du yoga, qui permet d’agir sans être lié à ses actes. »)

Le Char serait notre corps et notre mental. Les 5 chevaux, nos 5 sens et les rênes, notre capacité de discrimination qui nous permet de trouver l’équilibre entre nos désirs discordants. (Paragraphe : 2.71 : « Celui que les plaisirs matériels n’attirent plus, qui n’est plus esclave de ses désirs, qui a rejeté tout esprit de possession et qui s’est libéré de la tyrannie de l’ego, peut seul connaître la sérénité parfaite. »)

Chapitre 1  – La détresse d’Arjuna (p.23 – verset 1 – verset 36)

A- Kurukṣetra

Alors que les yoga-sutras de Patañjali (un autre texte fondamental pour l’approche du yoga) sont comme des cartes IGN qui dirigent une conscience intérieure, la Bhagavadgītā, elle nous plonge au coeur de l’affect et des sentiments humains. Les êtres humains sont des êtres d’émotions qui expérimentent le monde par les cinq sens. Ces impressions sont ramenés au mental , l’ego qui va les traiter à travers le filtre de nos expériences passées, conditionnements, divers, traumas, etc. La réalité n’est donc jamais directe, elle est filtré, c’est ce qui est appelé māyā, l’illusion. 

Dès ce premier chapitre, nous sommes au coeur d’un drame, d’une dramaturgie tout à fait humaine. Deux camps opposés sont sur le champ de bataille. La guerre va commencer. 

Le premier verset donne le ton de l’intrigue et le sujet du poème :   » Que firent les fils de  Pāṇḍu et les miens quand désireux de combattre, ils s’assemblèrent dans la plaine sacré du Kurukṣetra (le champ de l’accomplissement du dharma), ô Sañjaya? » : ici est exposé le terme qui guide tous les pratiquants du yoga, « le dharma ». C’est un terme qui comprend le mot « dhar » , un suffixe signifiant celui ou ce qui porte/transporte/tient/soutient & « ma »  qui possède les trois significations suivantes : prospérité, honneur et mère. DHARMA , ce sont donc les lois cosmiques ainsi que les lois éthiques qui soutiennent le monde; en quelque sorte les lois fondamentales; si ces lois sont transgressées, il y a péril en la demeure. Cette première stophe est dite par Dhritarashtra  (Dhṛtarāṣṭra) alors que toute le reste de l’histoire est raconté par Sañjaya, ministre de Dhṛtarāṣṭra. Sañjaya incarne la connaissance intuitive, il est capable d’observer tous les détails exacts (sans filtre) de la bataille.

Versets 2 à 11 : ils sont consacrés à Duryodhana qui malgré sa nombreuse et puissante armée sent sa confiance l’abandonner. Il est en proie à l’agitation et projette ses « peurs » sur Droṇācārya, son maître d’armes qui a été à la fois le  précepteur des Pāṇḍavas et des Kauravas. Droṇā avait fermement condamné l’exil des Pāṇḍavas par Duryodhana et ses frères, ainsi que leurs mauvais traitements envers les Pāṇḍavas, et l’usurpation de leur royaume. Mais, en tant que serviteur du royaume, Droṇācārya a le devoir de combattre pour les Kauravas, et donc contre les Pāṇḍavas. ici, il y a deux point : Duryodhana qui se retrouve dans une situation délicate de part son « mauvais » comportement et a besoin de se rassurer sur son issue et d’autre part Droṇā qui représente le devoir et la loyauté (« Svadharma » : son propre devoie, son propre dharma, sa propre voie), doit accomplir sa mission.

Versets 12 à 19 : dans ces versets, sont recensés tous les plus grands guerriers (généraux – mahārathīs) de l’armée des Pāṇḍavas. Sañjaya décrit ce vacarme comme terrifiant pour souligner la force des Pāṇḍavas à Dhṛtarāṣṭra et lui suggérer d’avoir la sagesse de retirer ses troupes. Quand nous retrouvons dans une situation délicate que nous avons contribué à créer, il y a toujours une possibilité de faire marche arrière, s’excuser par exemple.

Versets 20 à 25 : Ici entre en scène nos héros, Arjuna & Krishna (Kṛṣṇa). A ce moment Arjuna est parfaitement déterminé à mener la bataille avec celui qui guide sont char Kṛṣṇa. Il y a un moment dans notre vie, poussés par des souffrances inapaisables, la colère ou  l’impression d’njustice et une conscience qui veut émerger (Kṛṣṇa), la décision de prendre soin de soi, de regarder, de comprendre ce qui se passe en nous, se dessine. Avec vaillance et détermination, nous sommes prêts à mener la grande bataille de notre vie. Kṛṣṇa alors prononce ces mots : « ô Pārtha vois les Kuru rassemblés ». Pārtha  vient de « Pārthiva » qui  fait référence à « l’argile », à la « terre ». Il rappelle qu’Arjuna dans cette histoire est le représentant de l’être humain, le simple mortel. 

Versets 26 à 36 : « Alors Pārtha vit là, dans les deux armées, des pères, des grand-pères, des maîtres, des oncles maternels, des frères, des pritis-fils et des amis », etc. Au moment de livrer bataille (quelles qu’elles soient aux différentes étapes de notre cheminement yogique), nous voyons ce qui nous attend, tout ce qui nous constitue va être chamboulé. Il y a de nombreuses peurs et beaucoup d’émotion. Nous sommes attachés aux différents aspects de notre personnalité et nous savons que cet engagement va nous demander d’abandonner des parties de nous mêmes. Il y a de l’apitoiement sur ce que nous sommes, ce que nous avons subis ; souvent nous ruminons là-dessus, nous ressentant comme victime. C’est un bouleversement qui nous attend et nous aimerions pouvoir y échapper, trouver le calme sans cet effort dantesque. Il y a donc une confusion qui s’installe chez Arjuna qui offre tous les signes de l’anxiété. A ce stade, ce sont ses émotions qui prennent le contrôle, il n’est absolument pas capble de voir ce qui se passe réellement et se laisse dominer. Il est vrai que pour ceux qui sont passés par ces « crises existentielles », la douleur est intense et on trouve toutes les raisons pour y échapper. Arjuna aimerait que Kṛṣṇa le conforte dans ses justifications, mais celui-ci se tait. En clair, la conscience écoute et attend patiemment. Arjuna perd sa clairvoyance et prend  le parti de ses mauvais penchants : « finalement, ce n’est pas si grave », nous nous disons quelquefois. 

 

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